
La musique de Brian Eno est une traversée permanente des idées, des sentiments, des apparences, du monde tel qu’il est perçu et vécu. Prise dans la pop et dans l’invention de l’ambient, elle déroule, 45 ou 50 ans après ses débuts, un entrelacs sonore qui n’a rien de nostalgique mais se déploie avec une acuité précise, élevant la façon d’entendre le monde. Ce soir à la Seine Musicale, salle qui semble hors de portée du monde, Eno a donné un concert avec grand orchestre, reprenant son album The Ship, narration chantée atmosphérique autour d’un récit marin, dont on peut tout ignorer mais qui s’impose subrepticement à vous.

C’est toujours étonnant de se rendre compte que des gens qu’on ne connait pas vraiment nous connaissent suffisamment. Suffisamment pour se permettre de recommander un disque – et recommander un disque, c’est chose risquée quand la musique occupe depuis plusieurs décennies une place démesurée dans une vie. L’histoire commence donc par un message reçu sur les réseaux sociaux, message d’un ami “virtuel” avec lequel on échange depuis des années sans jamais s’être croisés – alors qu’il nous est arrivé de fréquenter les mêmes lieux, les mêmes concerts –, un ami virtuel nommé Frank G. qui écrit juste : “Je pense que tu devrais aimer”. 


Il y a les albums dont on guette la sortie avec une vigilance impatiente et ceux qui débarquent par surprise. Plus rares sont ceux que l’on découvre en éprouvant cette sensation étrange qu’ils viennent combler un manque diffus, un vide béant mais jusque-là dissimulé. Qu’ils répondent très précisément à une attente bien réelle que l’on n’avait pourtant jamais pris la peine de formuler explicitement. Le premier album solo de 