Metteur en son et musicien à l’intransigeance légendaire, sur la brèche depuis le début des années 80, Steve Albini a su rester bruyamment pertinent quand nombre de ses paires ont perdu pied – ou plus. À l’aune d’une tournée européenne aussi rare que précieuse de son groupe Shellac qui passera jeudi 30 mai par le festival TINALS à Nîmes, l’occasion était trop belle pour ne pas se replonger dans l’interview que cet artisan taiseux à l’humour cinglant avait daigné accorder, à une époque charnière de sa vie artistique, au printemps 1993, pour le septième numéro du fanzine magic mushroom. Continuer la lecture de « Steve Albini – Ici l’ombre »
Après Le Gospel dont j’évoquais la naissance avec Adrien Durand, son fondateur, dans Papivole #3, je m’attarde aujourd’hui sur Fond de caisse. Comme le monde est petit, j’en avais appris la gestation en m’entretenant avec Mili & dYmanche pour Langue Pendue, drôle de duo, alors installé à Lyon et qui fréquentait les jeunes gens impliqués dans le projet qui n’avait alors pas encore de nom. Rien ne m’excite plus que de m’incruster devant un média dont je ne parle pas le langage, avec ses références et ses codes, que je mets du temps à maîtriser (ou pas). Avec Fond de caisse, je suis servi. Avec ses pseudos imagés, ses entretiens au coin du feu, ses fausses petites annonces, sa rubrique Cap ou pas cap (ma préférée), le fanzine, aux couleurs chatoyantes, m’a fait pénétrer un monde étrange avec des textes pleins d’humour et des groupes aux noms de société secrètes (plutôt celles qu’on découvrirait dans un téléfilm de Franju) : Golem Mécanique, Terrine, Begayer… Mais point de folie littéraire, Fond de caisse évoque scènes et musiciens de ce sous-sol qui irrigue le territoire, de squats en salles autogérées, et d’où émergent régulièrement de fortes têtes qui prennent un peu de lumière au mainstream : électroniques détournées, folklore renaissant, chansons de traverse, à fond ici, à fond maintenant, à fond la caisse. Continuer la lecture de « Papivole#4, Mon histoire avec la presse musicale, 1978-2018 : Le fanzine Fond de caisse »
Samedi midi au réveil, c’est déjà l’enterrement de la sardine. C’est lundi alors même que dimanche n’est que demain. Les vestiges de la nuit se font sentir dans ma pauvre cervelle encore alcoolisée… A nouveau, c’est le règne par la terreur. A côté de Christophe Basterra, Daenerys Targaryen, c’est le Mahatma Gandhi. « Salut les jeunes, Bon Xavier, j’ai une mauvaise nouvelle : tu vas te sortir les doigts du cul et écrire un papier sur ta soirée avec Jorge Elbrecht hier. Et nous dire pourquoi c’est un génie. On s’en fout que ce soit décousu. Tu fonces, tu verras après. On attend l’article pour ce soir – sinon, je viens te casser la figure (et t’as vu que parfois, je montais à Paris n’importe quand). » Continuer la lecture de « Jorge Elbrecht, vendredi soir, à Paris »
Plus de vingt ans après ses débuts, Damien Jurado renoue avec le dépouillement de ses premiers disques et sort In the Shape of a Storm, un superbe album de folk simple et mystérieux, sans doute son meilleur depuis Where Shall You Take Me? en 2003.
Après avoir traversé une très éprouvante année 2018, ponctuée notamment par la fin de son partenariat de près de quinze ans avec le label Secretly Canadian et, surtout, par la mort soudaine de son ami Richard Swift, avec qui il aura enregistré pas moins de cinq albums entre 2010 et 2016, Damien Jurado a décidé de repartir sur de nouvelles bases. Pour son dix-huitième opus, le remarquable In the Shape of a Storm, il a donc choisi d’opter pour une certaine forme de minimalisme. Seul, ou presque, avec sa guitare ; une formule qu’il n’avait, jusque-là, jamais expérimentée ailleurs que sur scène et qui semble renvoyer directement à l’aura artisanale de certains de ses meilleurs disques, comme Ghost of David et Where Shall You Take Me?. Enregistré en moins deux heures, et avec un certain sens du risque (deux prises de cinq chansons chacune, pas d’overdubs), au studio Sonikwire d’Irvine en Californie, ce nouvel album impressionne grâce à la beauté désarmante de ballades comme Lincoln, South ou Hands on the Table et s’affirme déjà comme l’un des grands albums de ce début d’année. Interrogé, il y a quelques jours, par téléphone, il répond depuis Los Angeles, où il réside désormais. Continuer la lecture de « Damien Jurado – Loin de Hollywood »
Dans le précédent épisode de cette série, Christophe me racontait : “J’étais toujours ému de recevoir une lettre d’un fan de Christian Death originaire du Havre ou d’Annecy”. Cette phrase a fait écho en moi, et j’ai décidé de pousser plus loin mes recherches. Je ne connaissais personne au Havre ni à Annecy, mais un complice m’a mis en contact avec Stéphane, originaire de Poitiers. Stéphane qui, pendant plusieurs années, a également pratiqué des échanges de cassette. Aujourd’hui, que lui reste t-il de ces années ? A t-il conservé des cartons de HF-90 ? Et les écoute t-il encore ? Continuer la lecture de « Nos années cassette #2 »
Les intéressés vous le diront tous, un concert de Sunn O))) est une expérience vraiment unique. Le groupe joue si fort que les fréquences basses ne font pas uniquement vibrer les tympans mais les corps tout entiers. Ces performances sont aussi jubilatoires qu’éprouvantes, à en juger par les sourires extasiés des uns et les flaques de vomi laissées par les autres (il se peut que ce soit les mêmes spectateurs). Et sur disque ? Que reste-t-il de cette musique lorsqu’elle est diffusée sur nos modestes sound-systems domestiques ? Est-il possible d’écouter Sunn O))) avec ses seules oreilles ? Continuer la lecture de « Sunn O))), Life Metal (Southern Lord) »
Quand Aldous Harding mentionne le besoin d’un tatouage dans Pilot, l’avant-dernière chanson de son nouvel album Designer, c’est afin de se cacher, de se procurer un abri. L’envie est forte de lui faire parvenir une carte postale rassurante au dos de laquelle serait écrit : « Vous n’avez besoin d’aucun tatouage pour vous dissimuler, votre disque suffit. Bien amicalement. » On avait fréquenté la Néo-Zélandaise il y a deux ans grâce à Party, disque suffisamment émietté et habité – contrastes, bruits, respirations –, suffisamment bizarre et fragile pour le laisser s’insinuer durablement. Continuer la lecture de « Aldous Harding, Designer (4AD) »