Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio)

Quand on essayait de rattraper le temps perdu, un ami bien informé nous mit sur la piste d’un groupe peu cité, auteur de plusieurs essais dont un album dans les années 2010, perdus depuis dans le limbes des musiques d’ici. Il s’agissait d’une œuvre sombre, mêlant musique électronique très maîtrisée et chant en français, sans qu’on puisse parler de synthpop, d’electroclash, ces choses qui souvent fâchent. Plutôt une musique d’espace technophile – sans qu’on sache si c’était rétromaniaque ou futuriste, pile entre les deux peut-être, le présent – avec des surgissements mélodiques et poétiques noires et déterminées comme l’âme sans doute de leurs auteurs. C’était ça, Night Riders (et son super album Future Noir), un disque qu’on ne pose pas sur la platine pour s’amuser mais plutôt pour un voyage intérieur, pour une transe intime, dans un mode recueillement plutôt intense. On ne sait pas trop si ça avait marqué les gens à l’époque, comme dit, on n’était pas vraiment là – et on le regrette – à part cet ami précieux qui savait, mais les disques du trio acquis depuis ne nous quittent plus. Continuer la lecture de « Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio) »

Catégories borne d'écoute

L’envol cosmique de Tänzmachine II

Tänzmachine II / Photo : Herzfeld
Tänzmachine II / Photo : Herzfeld

Chez Herzfeld, qui fêtera bientôt ses 20 ans, après avoir longtemps tracé un chemin folk donnant vers le Grand Est, on aime désormais aussi jouer avec les concepts et les genres établis. Récréation jonglait avec les références comme des classiques jetés en l’air, juste pour voir le bruit qu’ils feraient en retombant par terre. Tänzmachine II s’est formé sur l’idée d’une compilation de groupes fictifs, abandonnée en 2022. Revoici le duo désormais incarné par Léo H. Godot (Ex-Sinaïve, Récréation) à la musique et Marie Lagabbe (Récréation) au chant, avec un petit tour de piste d’Olivier Stula (A Second Of June, Récréation et Vaillant, bientôt de retour sur LP) à la sitare. Le résultat prend la forme d’une incroyable épopée kraut de près de 17 minutes, où l’on imaginerait bien cette voiture sur l’autoroute dans le clip prendre une envolée totalement cosmique, quittant la terre et ses pays énoncés, et célébrant funestement la fin des Nations. Message personnel à son auteur : jouez-nous cela sur scène avant de partir hanter les caves d’affinage.


Tänzmachine I par Tänzmachine II est sorti aujourd’hui en digital sur Herzfeld.

Catégories billet d’humeur

Forever Young

Pour Lola Young, la musique, c’est pour enfin s’aimer soi-même.

Lola Young
Lola Young, sur la pochette de son dernier album.

Ça a commencé avec elle, Messy et son refrain qui m’est rentré, ou plutôt qui s’est installé, dans ma tête, et ces mots simples que je ne pouvais pas oublier – ”Cause I’m too messy, And I’m too fucking clean » – ces mots qui cachaient une certaine mélancolie. Mais il n’y avait pas que ça. Il y avait ce truc là, dans sa voix, très anglais, très pop-ulaire, une manière de chanter qui ne s’apprend que devant le miroir de sa vie . Et puis, il y a eu les autres Messy stripped, live, sped up – qui ont fini de me rendre fou, ainsi que mon entourage – « T’as quel âge pour écouter ça ? » -. Mais alors pourquoi ai-je tant attendu avant d’écouter l’album This Wasn’t Meant for You Anyway ? Continuer la lecture de « Forever Young »

Catégories mardi oldieÉtiquettes , , , ,

Henry Badowski, Life Is A Grand (A&M, 1981 – rééd. Caroline True)

Henry Badowski Life Is A GrandOn croit parfois connaître. Un peu, sans prétention. On se résigne même à ce que, au fil des ans ou des décennies, l’exploration maniaque et quasi-exhaustive des tréfonds des tiroirs de tous les catalogues les plus obscurs de l’histoire de la pop par d’innombrables labels d’archéologues en épuise inévitablement les ressources limitées. Après tout, comment la loi implacable des rendements esthétiques décroissants ne s’appliquerait-elle pas à l’exhumation de ces supposés trésors cachés qui finissent par décevoir, de plus en plus souvent ? Et puis, un beau jour, on tombe sur la réédition d’un album entier de 1981 dont on n’avait jamais – mais vraiment jamais – entendu la moindre note, dont on ignorait jusqu’à l’existence, et dont on n’attendait pas nécessairement autre chose qu’un vague intérêt documentaire et historique sur une période qu’on pensait labourée jusqu’à la roche. Pourtant, dès la première écoute, on ressort convaincu que cette passion musicale qui continue de mobiliser une part ridiculement excessive de l’existence – et de grever, au passage, les budgets dans des (dis)proportions totalement irrationnelles – n’est pas vaine puisqu’elle a permis de dénicher un album qui – c’est certain – restera tout prêt des oreilles et du cœur pour toute la vie à venir. Life Is A Grand est de cette trempe-ci et c’est presque miraculeux. Continuer la lecture de « Henry Badowski, Life Is A Grand (A&M, 1981 – rééd. Caroline True) »

Catégories playlistÉtiquettes , ,

LA PLAYLIST DES NOUVEAUTÉS D’AVRIL 2025

On a forcément envie, le jour où l’on va enterrer une salle de plus (L’International à Paris, qui ferme ce soir), de célébrer le travail assidu de Tom Picton (également label manager de Howlin’ Banana Records, l’un des meilleurs labels rock actuels en France) et Rémi Laffitte (récemment aux commandes de Futur Parlé, fanzine qui posait justement la question « C’est quoi l’Indé ? » dans son premier numéro). Pendant quelques années, avec une équipe motivée, ils ont fait jouer la majeure partie des groupes et artistes de la scène indé locale et internationale. Un travail de fond, de passionnés, qui va sérieusement manquer dans ce paysage parisien en pleine déconfiture. On vous en parlait dans un article récent, trois bars et/ou salles de concert ferment ce printemps. C’est certes dans l’ordre naturel des choses, mais la situation est fragile, et absolument pas soutenue par ceux qui pourraient les aider à ne pas fermer. Une scène qui prouve pourtant chaque mois à travers cette playlist qu’elle a besoin de programmateurs pour les faire jouer, de lieux où ils peuvent s’exprimer sur scène. Et d’un public plus que jamais motivé, qui soutient les initiatives et les salles encore en place. (TS)

Écoutez cette playlist sur votre plateforme favorite : YouTube, Deezer, Spotify, et ci-dessous en playlist mixée sur Soundcloud.

NDLR : les playlists créées sur certaines plateformes ne comportent pas l’intégralité des titres de la sélection commentée ci-dessous.

Continuer la lecture de « LA PLAYLIST DES NOUVEAUTÉS D’AVRIL 2025 »

Catégories interviewÉtiquettes , , ,

Index For Woking Musik : « Ce sont des bâtiments, des paysages ou des œuvres d’art qui nous influencent »

Index For Woking Musik / Photo : DR
Index For Woking Musik / Photo : DR

Index For Working Musik n’est pas du genre à opter pour la facilité et c’est tant mieux pour nous. Rarement un groupe a réussi à aussi bien trouver l’équilibre entre une musique expérimentale, cérébrale, et la pop. Même si le terme pop ne semble pas être le plus adapté au premier abord, le groupe n’oublie jamais d’écrire des chansons, quitte à les malmener par la suite. Mais Index For Working Musik est aussi un groupe de militants. Tous ont passé l’âge de se consacrer à la musique alors que cette dernière ne leur rapporte rien. On les sent pourtant habités par leur art, animés par une envie de perpétuer une tradition D.I.Y. qui sort de la norme, même si cela leur complique la vie. Dans cette interview, Max Oscarnold, Nathalia Bruno et Edgar Smith (trois cinquièmes du groupe) reviennent longuement sur la réalité d’être des artistes indépendants en 2025. De la difficulté d’organiser une tournée, aux problèmes techniques liés à une volonté de tout contrôler, ils semblent ne jamais vouloir baisser les bras, car ils croient en ce qu’ils créent et veulent le faire vivre. Ce n’est pas pour rien que leur nouvel album Which Direction Goes The Beam est un des plus fascinants de ce début d’année 2025. Continuer la lecture de « Index For Woking Musik : « Ce sont des bâtiments, des paysages ou des œuvres d’art qui nous influencent » »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Clara Mann, Rift (The state51 Conspiracy)

Clara MannLes grandes douleurs ne sont pas toujours muettes ; elles sont parfois chantées. Comme son titre l’indique, le premier album de Clara Mann s’apparente à l’exploration attentive des fissures et des béances : celles qui accompagnent la fin d’un amour ou encore celles qui l’ont précédé alors même qu’on feignait encore d’ignorer l’imminence du précipice. « It only hurts from when I wake to when I fade away. » l’entend-on chanter dès l’ouverture : le ton est donné et il n’est guère à la gaudriole. La chute laisse inévitablement des crevasses de souffrance et la jeune autrice britannique, déjà remarquée en première partie d’un concert parisien de Daniel Rossen il y a trois ans, s’emploie à remblayer ses chagrins avec une infinie douceur. Continuer la lecture de « Clara Mann, Rift (The state51 Conspiracy) »

Catégories borne d'écouteÉtiquettes , , ,

La course folle de Michael Robert Murphy

Michael Robert Murphy
Michael Robert Murphy / Photo : FB

James Skelly des Coral n’aura jamais décroché la timbale avec son groupe. Les Coral ont, de 2002 à 2006, voulu forcer le sort et ont publié de grands disques qui ont marqué les esprits en Angleterre mais qui n’ont jamais été, au final, un raz-de-marée commercial. Pire, les Coral se sont fait chiper la place de «next big thing » par les Arctic Monkeys. La vie est ainsi faite. Skelly est un garçon éduqué qui sait rendre ce que la vie lui a donné. Il se rappelle qu’en 2006, Noel Gallagher avait hébergé son groupe dans son studio pour l’enregistrement de Roots and Echoes. Il se rappelle aussi que Noel Gallagher a hébergé les Shack sur son label le temps d’un album. Depuis quelques années, James Skelly repère, enregistre et produit des groupes de Liverpool. Et c’est au final avec eux que le succès est vraiment arrivé. Il y a eu les Blossoms, les Lathums… Et il y a aujourd’hui Michael Robert Murphy. Continuer la lecture de « La course folle de Michael Robert Murphy »