Essaie de comprendre 4/8

Échantillons d’une histoire du label Lithium, prélevés dans l’édition spéciale du fanzine Langue Pendue #11, Les Années Lithium

On peut penser Lithium comme une organisation informelle, à l’anglo-saxonne : un fondateur, directeur artistique à forte personnalité, une volonté de ne pas se détourner du marché, des groupes proches entre eux, une distribution professionnelle (du moins pendant l’association avec Labels)… Dans ce cadre, Olivier Dangla est celui qui est amené à penser l’identité graphique du label, à la manière d’un Vaughn Oliver pour 4AD, par exemple. Toutes proportions gardées et même s’il n’a jamais eu la prétention de jouer parmi les étoiles du graphisme, il a touché de sa palette graphique quelque chose de l’âme du label : froideur, rigueur, radicalité.

Olivier Dangla : Je travaille pour une petite boîte qui fait dans le culturel, plutôt institutionnel, ça me gave assez vite. Je connais une fille de mon ancienne classe, Sylvia, qui est la sœur de la chanteuse de Diabologum, Anne Tournerie. On est très amis. Je fais même un peu de musique avec Sylvia à l’époque, et ma copine de l’époque, Emilie. Elle me parle de son travail avec Diabologum. J’apprends plus tard que leur album #3 est travaillé par un autre ancien camarade de ma promo… Du coup, je me dis que Vincent fait travailler plusieurs personnes, et je vais le voir, tout simplement. Je lui dis que j’ai pris une claque en écoutant La fossette, j’adore Diabologum, je suis toulousain, je les ai vus plusieurs fois en concert, l’idée qu’un label français fasse ce genre de musique, ça me passionne. A l’époque, il habite pas loin du Père Lachaise et je vais chez lui, un matin, et ça accroche tout de suite. C’est comme si je me rendais déjà chez un ami, le truc bizarre, c’est qu’il fume comme un pompier, ambiance enfumée. Je lui montre mes petits projets, et lui me parle de Lithium, de manière très simple, il n’en fait pas des tonnes. Il me laisse comprendre qu’il aimerait que Lithium évolue, et qu’il aimerait travailler le graphisme des nouvelles sorties, en essayant de dépasser les envies des musiciens.

Tu as pour mission de mettre en place l’identité graphique du label ?

Olivier Dangla : On en parle. Il ne me cache pas que ça va être compliqué, vues les têtes de mule avec lesquelles il travaille (rires). J’ai un regard, j’ai mon univers et il me dit qu’il aimerait bien que son label ressemble à quelque chose. Vincent a ce désir. Il me fait  travailler dans un premier temps sur Perio et surtout le projet des frères Paugam, Da Capo, pour lequel Vincent n’avait pas de propositions satisfaisantes. J’écoute le disque, je m’imprègne de leur musique.

Tu collabores parfois étroitement avec les artistes ?

Olivier Dangla : Ça dépend. Pour le Da Capo, je suis parti de rien, de quelques photos d’eux, et j’ai bâti un truc qui a plu à Vincent. Je ne suis pas très satisfait de cette pochette, il faut faire vite, c’est ma première. Et puis Da Capo, c’est pas trop mon truc musicalement. Je connais bien les frères Paugam, je les ai rencontrés un petit peu après, je les aime bien.

Est-ce que parfois tu t’inspires de pochettes de disques qui te semblent proches des styles que tu entends dans les groupes Lithium ?

Olivier Dangla : Pas du tout. Jamais. Je pars toujours de zéro. D’une part parce que la plupart des groupes de Lithium sont des ovnis, de l’autre parce que j’ai mon propre univers. Mon support favori, c’est le digipack, avec l’impression sur carton simple, qui me plaît plus que les boitiers cristal. Après Da Capo, une expérience un peu rapide et démerde, Vincent me fait rencontrer Bertrand (Betsch) qui me parle beaucoup des pochettes des Smiths. Sur la pochette de La soupe à la grimace, j’ai envie d’une photo, j’ai envie aussi d’un journal, parce que le style de Bertrand est très littéraire, j’aime bien son écriture. Je trouve des associations dans ce qu’il propose. J’ai carte blanche à ce moment-là, j’en tire deux pistes, dont une que je pousse un peu plus. J’avais pris une photo de deux personnes qui promenaient leur chien. J’aime bien aussi le côté lo-fi, j’aime beaucoup dessiner, j’amène souvent une texture, une intervention humaine…

Est-ce qu’il n’y avait pas de frustration de ne pas avoir une surface plus grande pour t’exprimer, comme les pochettes de 33t ?

Olivier Dangla : Oui, mais Vincent a sorti le Françoiz Breut en vinyle, le #3 de Diabologum aussi. Et puis il y avait les 45t du Lithium Single Club. On était dans une économie hyper fragile de toute façon. J’ai travaillé sur Remué de Dominique A, on voulait le sortir en vinyle, mais ça ne s’est pas fait (en 2015 Warner le fera, ndlr). Je travaillais sur le format digipack de toute façon. Si plus tard, le disque peut sortir en vinyle, je peux faire un travail de réadaptation de la maquette. Sur le Françoiz Breut, c’est un polaroid qu’elle ramène, elle veut ses illustrations à l’intérieur… C’est une collaboration. (la suite dans Les Années Lithium !)


HIT HIT HIT 4/8 : Lithium ou la mélancolie urbaine

par Christophe Devriendt
(Faites comme Christophe, proposez-nous vos sélections thématiques les plus surprenantes, les plus pointues, et gagner un volume des Années Lithium !)

01. Dominique A, Je suis une ville

02. Mendelson, Combs-la-ville

03. Jérôme Minière, Ma ville est triste

04. Delaney, Sur la place Lili Boulanger

05. Programme, Et la ville disparaît

+ Françoiz Breut, La rue ne te reprendra pas


JE ME SOUVIENS DE LITHIUM

L’anecdote de Philippe Dumez

Je me souviens de la présentation du label Lithium dans le numéro 206 “Made in France” des Inrockuptibles : “De Diabologum à Dominique A, l’intransigeance artistique et l’exigence du label fondé par Vincent Chauvier sont devenues un cas d’école – et parfois une école de pensée”.


Les Années Lithium, Langue Pendue n°11. Sortie : mai 2021

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