Que ce soit comme musicien, théoricien et activiste, fondateur et animateur de labels (Force Inc. Music Works, Mille Plateaux, Ritornell, Position Chrome), Achim Szepanski aura marqué profondément tout un pan des contre-cultures électroniques. Celui qui, depuis ses premières formulations indus/post-punk jusqu’à l’explosion post-rave, aura toujours eu comme projet de faire dialoguer une esthétique sonore avec un radicalisme conceptuel et théorique. Références au post-structuralisme (Deleuze – Guattari, Baudrillard, Lyotard) et à une certaine gauche extra-parlementaire côtoient expérimentations glitch, micro-techno et illbient. Il faut en effet prendre la mesure du continent musical que Szepanski a permis de faire émerger : Post Acid Crash, Clicks & Cuts, Porter Ricks, Thomas Köner, Oval, Kim Cascone, Cristian Vogel, Pan Sonic, Pole ou Taylor Deupree, etc. Continuer la lecture de « Achim Szepanski (1957-2024) »
Catégorie : hommage
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Paskal Larsen (1965-2024)
« Au final, ce nouvel opus ne va pas décevoir les fans de la première heure, soit ceux qui ont été biberonnés au rock de Wire, Killing Joke, Warsaw–Joy Division, Crass, Gang Of Four, Red Lorry Yellow Lorry, Dead Kennedys, et faire agrandir leur tribut avec d’autres têtes en demandes de rock pas sage. » Ce sont les dernières lignes postées à la date du 11 avril dernier par Paskal Larsen sur son blog, au sujet du nouvel album de Frustration. Et ce seront les dernières : Pascal est décédé « des suites d’une longue maladie » ce mercredi 17 avril. Continuer la lecture de « Paskal Larsen (1965-2024) »
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Une tentative d’évoquer le geste guitaristique de Frank Darcel…
J’avais 12 ans lorsque Marquis de Sade a fait irruption dans ma vie par la radio, dont le merveilleux berceau sonore en grandes ondes épanouissait ce Conrad Veidt dans un magnifique ample-rêche électrisant qui fracassait le hit parade dans lequel il s’était immiscé par miracle et circonstances.
Le poésie des grandes ondes, c’est qu’elles admettaient la distance dans la transmission : tout cela venait de loin. Conrad Veidt m’a donc happé dans ma chambre encore pleine de jouets, en étirant mes imaginaires vers le Grand Ouest battu par les vents et un Très Grand Est qui résonnait ainsi de sa propre histoire, offrant un écho subversif et magnétique à celle que j’apprenais au collège. Continuer la lecture de « Une tentative d’évoquer le geste guitaristique de Frank Darcel… »
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Phill Niblock (1933-2024)
Il peut paraître trop évident d’évoquer, à propos de l’œuvre de Phill Niblock (1933-2024), certains grands noms de l’abstraction picturale américaine de ces 60 dernières années : les monochromes de Robert Ryman ou de Barnett Newman, par leur profondeur et puissance, rejoignant en effet la densité texturale de ses pièces sonores. L’impression surtout d’un travail ancré dans une séquence très précisément délimitée : celle du minimalisme new-yorkais, de la scène des lofts, de la « new music » de Downtown à Manhattan, etc. Mais ce serait aussi réduire la portée d’un travail qui s’est échelonné pendant plus de 60 ans et qui a irrigué toute une internationale expérimentale. Continuer la lecture de « Phill Niblock (1933-2024) »
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Taï-Luc, soldat perdu du punk français
Taï-Luc vient de nous quitter. Il était le chanteur charismatique de La Souris Déglinguée. LSD, un groupe légendaire, mythologique, de punk-rockabilly-ska-funk qui a poussé sur le pavé parisien de la fin des années 1970. Il n’a jamais connu ni la gloire médiatique ni l’honneur des disques d’Or. Mais l’aventure de LSD tient autant à son public, à ses « fans », sa « Raya » si vaste que s’y côtoyaient des profils a priori inconciliables (skin natios et gauchistes de toute chapelle), qu’à l’indiscutable (aucun débat autorisé, car aimer LSD c’est parfois marier le paradoxe de l’intelligence et de la mauvaise foi) qualité musicale et du propos (ils furent nos Jam, nos Ramones et nos Madness, tout en un, faute de véritable concurrence). Continuer la lecture de « Taï-Luc, soldat perdu du punk français »
Catégories hommage, interview, portfolio
Sinéad et moi
Elle refusait d’être filmée par des hommes. Sa directrice photo revient sur les tournages des premiers clips, avec des photos inédites.
Tout n’a pas été écrit sur I Do Not Want What I Haven’t Got, le deuxième album de Sinéad O’Connor. Produit par Nellee Hooper à Dublin, ce disque fut publié le 20 mars 1990 alors que le monde entier écoutait Violator de Depeche Mode sorti la veille. La machine de guerre conçue par Martin Gore n’éclipsa pas I Do Not Want What I Haven’t Got qui fut l’un des disques les plus vendus des années 90.
Enregistré avec Andy Rourke (The Smiths), Jah Wobble et Marco Pirroni (qui avait été embauché par Adam & The Ants pour Kings of the Wild Frontier), I Do Not Want What I Haven’t Got consacrait l’Irlandaise qui avait déjà marqué des points avec The Lion and the Cobra (1987). Tout n’a pas écrit sur I Do Not Want What I Haven’t Got. La photographie (ou plutôt le photogramme) utilisée par Chrysalis pour la pochette est signée, Dominique Le Rigoleur, une directrice de la photographie française. John Maybury, le réalisateur du clip, a recruté cette directrice de la photographie française car Sinéad O’Connor refuse d’être filmée par un homme. Ce premier clip sera un prélude pour Dominique Le Rigoleur. Continuer la lecture de « Sinéad et moi »
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Accueille-moi paysage
L’immense Jean-Louis Murat s’en est allé ce matin.
Jean-Louis Murat, Jean-Louis, est mort.
Il y avait une chronique de son Best of dans les brouillons, en cours, elle y restera un moment. Le choc est trop grand.
Il est difficile d’exprimer à quel point la rencontre de son exigence artistique signalait une exigence d’être, que l’on pouvait faire sienne. Il est difficile de dire ce qu’il a pu continuer de représenter, au-delà de l’émotion absolue de sa découverte (pour moi ce fut Mustango, pour d’autres Cheyenne Autumn, Le Manteau de pluie, Vénus, Dolorès, Le Moujik et sa femme, Lilith, avant les années de moindre exposition, mais d’égale fidélité de la part de son public) : un trembleur, un passeur, un râleur, un lecteur, un immense chanteur semant le bazar dans son catalogue, un guitariste fin et pousse-au-crime, un compositeur sous-estimé capable de bouleverser dans tous les arts de la mélodie, et donc un auteur de chansons, moderne sinon contemporain, contemporain sinon moderne, attaché dans cette tension entre l’art de l’artiste et celui de l’artisan, suffisamment brûlé à l’idée de l’absolu pour que ses textes ne cessent de parler, au creux des nuits et des jours, inlassablement, au fil d’une série d’albums qui tous valaient le tour et le détour, à ce qui toujours tremble de même, de même que lui, et qui fait que nous ne sommes pas simplement nous mais aussi tout le reste. Continuer la lecture de « Accueille-moi paysage »
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J’ai été réveillé par le fantôme d’Ari
Il était 5h55 quand j’ai ouvert les yeux, horaire tout à fait inattendu pour un dimanche matin. Il était encore trop tôt pour me lever aussi, inspiré par l’actualité de la veille, j’ai retrouvé L’amour n’oublie jamais, l’autobiographie d’Ari parue en 2001 chez Pauvert. L’ouvrage a la particularité de n’être signé que son prénom, ce dont il s’explique en préambule : “Finalement, de Päffgen ou de Boulogne – mon nom d’adoptivité – seul celui d’Ari est resté, comme si même les noms de mes familles pouvaient résister à la corrosion de mon existence.” En page 18, j’ai lu : “Le 11 août 1962, à 5h55 du matin, je suis mis au monde par césarienne, cicatrice sur un corps parfait”. 5h55, l’heure précise de mon réveil. J’ai été réveillé par le fantôme d’Ari. Continuer la lecture de « J’ai été réveillé par le fantôme d’Ari »