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Kevin Tihista : « J’aimerais bien être capable de ne pas tout foirer »

Rester fidèle à ce que l’on croit et ce que l’on ressent. Persévérer pour tenter de partager en quelques lignes un peu de l’émotion ressentie : en relisant les mots patauds que j’avais consacrés, à leur sortie, aux deux premiers albums de Kevin TihistaDon’t Breathe A Word (2001) et Judo (2002) –  je m’aperçois qu’il n’a sans doute jamais été question d’autre chose. Vingt ans plus tard ou presque, l’intensité du choc ne s’est pas estompée et, en découvrant il y a quelques jours à peine une nouvelle série de chansons – les premières publiées depuis 2013 – le désir d’en restituer les effets demeure tout aussi irrépressible. En alignant les mêmes superlatifs, en recourant aux mêmes comparaisons – Joe Pernice, Elliott Smith – dont on peut espérer qu’elles seront susceptibles d’éveiller l’attention de quelques-uns. Une seule chose a changé : il est désormais possible, par l’entremise de la technologie virtuelle, d’envoyer un témoignage de gratitude balbutiante à cet auteur rare et dont on ignore tout ou presque. Quelques banalités d’usage plus tard – « J’aime beaucoup ce que vous faites depuis longtemps. – Merci beaucoup, ça fait plaisir. » et autre badinage du même acabit – Kevin Tihista est donc en ligne depuis la banlieue de Chicago, vaguement étonné qu’on puisse s’intéresser à lui. Continuer la lecture de « Kevin Tihista : « J’aimerais bien être capable de ne pas tout foirer » »

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Bertrand Bouard, The Band (Le Mot et Le Reste)

The Band
The Band

On peut s’en amuser ou s’en plaindre. Comme toutes les étiquettes commodément apposées sur des œuvres qui échappent, par essence, à toute réduction mercantile, celle-ci a fini par désigner à peu près n’importe quel produit susceptible d’attiser l’attention du chaland en quête d’authenticité factice ou d’imagerie estampillée « cowboy friendly ». La preuve ? Les moteurs de recherche interrogés à l’heure de rédiger cette chronique sur les usages du terme renvoient aussi bien à des restaurants fourguant sans vergogne leurs burgers de pacotille qu’à des paires de chaussure conçues en Germanie, voire – on préfèrerait ne pas en apprendre autant tous les jours – aux intitulés de disques signés par The Offspring ou Roch Voisine. L’Americana se vend donc partout et le vocable, inventé par la presse anglo-saxonne dans les années 1990 pour désigner les héritiers autoproclamés de The Band, n’est donc d’aucune utilité. Raison de plus pour en revenir aux seules sources historiques et s’offrir, à l’occasion de la publication d’une première biographie francophone, une revisite de ces monuments discographiques, parmi les plus fréquentés de la fin du XX° siècle et sans lesquels un bon tiers – soyons prudent dans l’estimation chiffrée – de ce que nous écoutons aujourd’hui n’aurait jamais existé. Continuer la lecture de « Bertrand Bouard, The Band (Le Mot et Le Reste) »

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I Like 2 Stay Home #9 : Pop Lane

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

Il est temps que cette histoire soit racontée, comme chantait l’autre. La période est propice au surgissement des souvenirs et, vingt ans plus tard, les filtres de la mémoire ont suffisamment fait leur œuvre pour ne retenir de l’aventure Pop Lane, à laquelle j’ai eu la chance de participer un peu, que les éléments les plus marquants. La passion commune de ces quelques garçons – les quatre associés fondateurs et tous les autres compagnons de route – pour une certaine idée de l’indie-pop ; leur envie communicative de rendre accessibles dans des magasins où l’on vendait encore parfois davantage de disques que de percolateurs ; ces perles rares dénichées dans les catalogues foisonnants des labels espagnols ou anglo-saxons ; l’entrepôt toujours bordélique, souvent enfumé, au sous-sol de la Cité Paradis et le baby-foot sur-utilisé ; les disques, surtout, sélectionnés sur la fois de coups de cœur collectifs et parfois balancés comme autant de bouteilles à la mer dans l’espoir pas si vain qu’ils finissent par rencontrer des oreilles attentives. Tout cela n’a duré qu’un temps – six années, de 1998 à 2004. Seules demeurent quelques solides amitiés et une poignée de chansons considérables. Comme un panorama totalement subjectif de ce que fût l’indie-pop au tournant du siècle dernier. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #9 : Pop Lane »

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Kevin Tihista, Home Demons Vol. 2 (Bandcamp)

Quelques jours de réclusion se sont à peine écoulés qu’il faut déjà faire face au temps qui s’effiloche. Il n’en aura pas fallu davantage pour que se dissipe cette fiction selon laquelle le temps possèderait un déroulement linéaire, autonome, et qu’il pourrait se prolonger indéfiniment dans un avenir que nous serions en mesure de plier à la seule force de notre volonté, à coup de projets. Ce devenir désormais confus où s’entremêlent les heures et les fonctions est particulièrement peu propice au surgissement de l’événement, cette rupture stimulante qui vient briser l’écoulement du devenir mollasson et impose de faire face à l’instant. De la semaine écoulée, je n’en ai retenu qu’un seul : j’ai découvert le 21 mars quatorze nouvelles chansons de Kevin Tihista. Continuer la lecture de « Kevin Tihista, Home Demons Vol. 2 (Bandcamp) »

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Kevin Krauter, Full Hand (Bayonet/Differ-Ant)

Sans que l’on parvienne réellement à en identifier les causes, Toss Up (2018), le premier album solo de Kevin Krauter, s’était insinué dans la densité du quotidien jusqu’à figurer en bonne place dans l’intimité arbitraire des palmarès de fin d’année. Deux ans plus tard, le bassiste de Hoops reprend le fil de son discours musical là où il l’avait provisoirement interrompu. «  It’s embedded in my brain/That things will never change/The way it is, is the way things are/So deal with it«  annonce-t-il d’emblée sur Patience. On se le tient donc pour dit : l’inertie est ici de mise. Pour l’affronter, les instruments ne constituent qu’un recours insuffisant : quelques pistes de guitares et autant de claviers archaïques suffisent à tracer les contours des chansons que surligne la métronomie robotique d’une boîte à rythmes. Ils suffisent pourtant à nourrir une série de méditations contemplatives, entre une introspection dépourvue de complaisance et immersion rêveuse dans les paysages entraperçus depuis le refuge autarcique du home studio. Continuer la lecture de « Kevin Krauter, Full Hand (Bayonet/Differ-Ant) »

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Dropkick, The Scenic Route (Sound Asleep/Bobo Integral)

C’est sans doute Nick Hornby qui l’a exprimé de la manière la plus claire et la plus pertinente en évoquant, dans les pages de 31 Songs (2003), son attachement passionnel, au-delà de toute considération esthétique, à Thunder Road de Springsteen. Il arrive parfois – rarement – que nous croisions le chemin d’un artiste ou d’une œuvre – une simple chanson peut suffire – qui exprime intégralement et parfaitement ce que nous sommes. Il ne s’agit pas d’une identification ponctuelle aux sentiments évoqués, aux situations décrites ni même aux personnages mais d’une adhésion plus complexe et plus complète aux moindres inflexions mélodiques, de cette conviction profonde, renforcée à chaque écoute, de partager avec l’auteur chacune de ses décisions artistiques et de saisir avec la puissance inégalée de l’intuition ce qu’il exprime par une voix qui semble se confondre avec la nôtre. Continuer la lecture de « Dropkick, The Scenic Route (Sound Asleep/Bobo Integral) »

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Cabane, Grande Est La Maison (Cabane Records)

Quand donc se sent-on vraiment chez soi ? Autour de cette interrogation aporétique, Thomas Jean Henri a patiemment bâti un édifice qui repose sur des fondations infiniment ramifiées et qui possèdent sans doute une importance aussi capitale que la partie émergente de sa Cabane si accueillante. Depuis 2015, l’ex-batteur de Venus s’est en effet attaché à ponctuer chacune des étapes de la construction de gestes artistiques réflexifs – articles de presse, singles avant-coureurs ainsi qu’un documentaire où les membres de l’entourage bienveillant de ses pairs s’interrogent sur la portée d’un album qu’il n’ont pas encore entendu – comme pour mieux prolonger ce sentiment au long cours, presque paradoxal, qui fait de chacun d’entre nous de petits Ulysse en quête du retour vers ces lieux pour lesquels l’attachement croît souvent à proportion de la distance qui nous en sépare. Continuer la lecture de « Cabane, Grande Est La Maison (Cabane Records) »

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Ben Watt, Storm Damage (Unmade Road/Caroline)

Sa discographie, souvent brillante, et qui s’étend désormais sur plus de quatre décennies en atteste : Ben Watt n’a jamais été l’homme du statu quo musical. Et même si Storm Damage semble s’inscrire dans la continuité chronologique de ses deux précédents albums solo, publiés depuis son retour aux affaires extra-conjugales en 2014, les inflexions instrumentales construisent ici une toile de fond toute différente où se projettent des états d’âme toujours plus personnels, où semble dominer la triste sérénité issue de la résignation au deuil. Continuer la lecture de « Ben Watt, Storm Damage (Unmade Road/Caroline) »