1994. Il y a deux manières – plus complémentaires que réellement contradictoires – de resituer l’instant dans l’enchainement des années. Côté adret, Tom Petty vient d’atteindre le point culminant de la trajectoire ascendante entamée dans la seconde moitié des années 1970. Pour Full Moon Fever (1989) et Into The Great Wide Open (1991), il a consenti à reléguer certains de ses compagnons d’aventure – les Heartbreakers – au second plan, pour privilégier un travail en studio plus ambitieux. Certains d’entre eux le supportent plus mal que d’autres – le pianiste Benmont Tench peu enclin à se plier à la stricte discipline taylorienne désormais instaurée pendant les enregistrements, le batteur Stan Lynch qui critique en coulisse les nouveaux penchants pop de son leader et finit par s’exclure lui-même du mouvement. Qu’importe leurs états d’âme. Les détails du générique paraissent presque secondaires tant les deux albums présentent de similarités formelles, façonnés à quatre mains par Petty et Jeff Lynne. Continuer la lecture de « Tom Petty, Wildflowers And All The Rest (Warner Records, 1994) »
Auteur : Matthieu Grunfeld
Catégories chronique nouveauté
Pop Filter, Donkey Gully Road (Bobo Integral/Spunk Records)
A l’origine, il y avait donc The Ocean Party. Ce groupe australien d’indie-pop approximative qui s’est inscrit, pendant sept années – de 2011 à 2018 – dans le sillon commun qu’il a contribué à tracer en compagnie de The Twerps, The Goon Sax ou Dick Diver pour ne citer que les moins inconnus. Plus prolifique que la plupart de ses camarades – huit albums et même davantage, si l’on inclut les productions marginales et dispersées de cassettes et autres singles – le groupe possédait la particularité d’abriter pas moins de six songwriters répartis géographiquement entre Melbourne et Wagga Wagga. En 2018, le plus jeune d’entre eux est brutalement décédé d’un kyste au cerveau et la première partie de l’histoire s’est achevée. C’est dans ce contexte dramatique que Pop Filter a fini par resurgir, toujours aussi prolixe. Continuer la lecture de « Pop Filter, Donkey Gully Road (Bobo Integral/Spunk Records) »
Catégories chronique réédition, mardi oldie
Tenniscoats, Music Exists Box (Alien Transistor)
Music Exists. Comme si ça pouvait être si simple. Comme si la vérité pouvait s’imposer, tout bonnement, avec la crudité sereine et inaltérable de l’évidence. C’est rare, mais cela arrive encore, pourtant. Quand une œuvre transperce les masses inertes et pesantes du quotidien et parvient à les dissiper immédiatement, sans réserve, sans nuance, sans l’ombre d’un « c’est un peu plus compliqué que ça ». Cette musique existe donc. Je l’ignorai encore il y a quelques semaines ; je le sais à présent et, jusqu’à nouvel ordre, cette révélation donne tout son sens et ses couleurs à un automne qui en manquait assez dramatiquement. Continuer la lecture de « Tenniscoats, Music Exists Box (Alien Transistor) »
Catégories avant-première, borne d'écoute
Clip : The Attendant : « Teenage »
Un simple bénéfice secondaire du confinement ? Ou plutôt une tentative pour faire circuler librement un peu de la parole poétique qui s’accumule dans l’espace domestique restreint et cherche à s’étendre dans les rues vides ? Il y a un peu de cette urgence nouvelle et peut-être encore bien d’autres choses dans The Attendant, nouveau projet de Pete Astor, épaulé par Ian Button (Papernut Cambridge, Death In Vegas). Un premier 45 tours est déjà sorti au printemps, un troisième est annoncé. Entre les deux, Teenage s’intercale en guise de transition, comme une version dévastée et glaçante du prélude en talkover de Suburbia (1986) des Pet Shop Boys.
Catégories interview
David Costa (Trees) – Vieilles Branches
Deux petits tours et puis s’en vont. L’éphémère parcours de Trees au sein de la scène folk britannique au tout début des années 1970, est de ceux qui se prêtent le plus aisément aux plaisirs de la redécouverte. Comme souvent dans ces cas-là, quand l’intérêt rétrospectif est inversement proportionnel aux retentissements initiaux, il faut commencer par dissiper quelques soupçons réticents : depuis bien longtemps, l’exercice critique qui consiste à exhumer des oubliettes de l’histoire les prétendus trésors négligés qui y croupissent a été trop massivement pratiqué pour ne pas engendrer la méfiance devant ces incessantes tentatives de réhabilitation. Elles n’ont trop souvent comme seule vertu que de distinguer, avec une ostentation érudite, ceux mêmes qui les pratiquent du lot – trop commun à leurs yeux, sans doute – des simples amateurs prisonniers des hiérarchies convenues de l’histoire officielle. Pour Trees, il ne s’agit pourtant pas d’un de ces coups de force aussi audacieux qu’improbables pour inverser l’ordre des valeurs esthétiques et chambouler les classements établis. Aujourd’hui, la publication par Earth d’une intégrale augmentée – les deux albums originaux désormais replacés dans un contexte qu’éclairent bon nombre de démos et de versions inédites – apparaît comme l’aboutissement logique d’un travail de fond, entamé au début du siècle et soutenu par de nombreux acteurs. C’est plutôt bon signe. Continuer la lecture de « David Costa (Trees) – Vieilles Branches »
Catégories chronique nouveauté
Luluc, Dreamboat (Sun Chaser Records)
Jusqu’à présent, tout allait bien. Il y avait eu les prémisses prometteuses – Dear Hamlyn (2008). Puis était venu le temps de la consécration américaine, bientôt suivie de sa confirmation – Passerby (2014) et Sculptor (2018). Alors que cette belle trajectoire d’expansion progressive semble commencer à s’infléchir, il n’est malheureusement pas exclu que Dreamboat soit l’album dont personne ne songe à se préoccuper. Furtivement mise en ligne dans les méandres d’un automne très gris, publiée quasiment à compte d’auteur en dehors du catalogue Sub Pop, cette quatrième œuvre majeure du couple australien, immigré à Brooklyn puis récemment revenu se calfeutrer du côté de Melbourne – pandémie oblige – pour la première fois depuis dix ans, mérite tout autant que les précédentes d’être saluée à sa juste et grande valeur. Continuer la lecture de « Luluc, Dreamboat (Sun Chaser Records) »
Catégories avant-première, borne d'écoute
Clip : « Undisputed Champions » par Half Japanese (Fire Records)
Fondé en 1974 frères Fair – David et Jad -, Half Japanese s’est imposé au fil des décennies comme une sorte d’anti-institution : adeptes indécrottables du geste musical spontané, souvent imprévisibles, souvent surprenant. Prévu pour le 4 décembre prochain, Crazy Hearts (Fire Records) sera le dix-neuvième album du groupe d’Ann Arbor, Michigan. Undisputed Champions en est le second extrait. Et c’est encore Jad Fair qui en parle le mieux : « Undefeated, undisputed, undeniable, unstoppable, Untoppable, unflappable and unquestionably great. Take a pen and underline the word great. To quote The Beatles “All you need is love”. To quote me “Damn straight”. Celebrate the celebration. Bravo The undisputed champions. »
Catégories sunday archive
Interview Mots-Clés : Tim Keegan
Pour le retour surprise de son groupe Departure Lounge en 2021, focus sur ce formidable songwriter
C’est vrai qu’avec lui, on a souvent passé plus de temps dans la salle d’attente que dans le hall d’embarquement. Et parmi tous les retours et autres réapparitions inattendues qui sont désormais le lot du grand recyclage musical, celui de Tim Keegan n’est certainement pas celui qui engendrera le plus de fracas médiatique. Pourtant, celui qui demeure, cinq ans après la publication de son dernier album solo en date, l’une des plus fines et des plus exquises plumes du Royaume-Uni mérite bien qu’on lui consacre une écoute attentive. C’est pourquoi l’annonce, en ces temps pour le moins troublés, d’un futur album de Departure Lounge en 2021 – le premier depuis dix-neuf ans ! – sous forme d’un ajout printanier au catalogue irréprochable de Violette Records, a largement contribué à illuminer un peu les tristes journées d’un automne reconfiné. Alors, quand la confirmation est survenue ce vendredi, avec un premier extrait – Al Aire Libre, délicatement retouché par le fidèle Kid Loco – on a eu envie de ressortir des tiroirs cette interview réalisée pour la sortie de The Long Game effectuée en 2015, au cours de laquelle ce songwriter élégant s’était prêté au jeu des associations libres au travers d’une poigne de mots-clefs. Histoire de renouer un peu avec la beauté sans tapage des œuvres qui possèdent le mérite rare de n’obéir qu’à leur propre nécessité.
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