En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, « Providence » (Vietnam)
On avait pu s’échapper, quelques décennies en arrière, sous les océans, mobiles dans le mobile, et vous pouvez me voir venir, par cette guitare slide, sorte d’écho qui annonce la même ampleur : d’une Affaire à un Cheval, on rencontre toujours la chanson comme on rencontre un toit où se chauffer. Mais chez de tels amis, la terre est-elle si morte alentour ? Autre question : d’où vient ce frisson qui pousse spontanément à s’abriter dans l’un de ces grooves de milieu de tempo ? Continuer la lecture de « 04. La Tombe de Jim »
En deux jours, un texte sur chaque chanson du nouvel album de Chevalrex, « Providence » (Vietnam)
Ça te cogne comme on n’ose pas, le rythme, ça s’assouplit avec la voix qui sait, les mots qui savent, puis la guitare de science, puis déjà le refrain, à peine, sans peine. Ce n’est pas un tube, ni un rouleau, ni ce genre d’engin, c’est d’un autre genre, celui de la chanson aux contours internes plutôt qu’externes, qui tremblent en dedans plutôt qu’ils n’arrêtent en dehors, ce genre de contours. Continuer la lecture de « 03. Tant de fois »
Rencontre avec le guitariste de Big Thief pour la sortie de son second album solo.
Reconnaître. On a quelques nuages devant soi, l’arrière du crâne doucement enfoncé dans la pelouse, et on reconnaît. Si l’on a devant soi des nuages, on peut reconnaître des formes. Ou les laisser venir sans les associer à quoi que ce soit, et les apprécier tout aussi tranquillement, apparitions, disparitions. Si l’on a dans les oreilles un nouveau disque – je pense souvent au plafond de ma chambre, à l’encadrement de la fenêtre et au ciel bleu de l’été tandis que je découvrais et reconnaissais infiniment Washing Machine l’été d’après sa sortie, interdit par l’émotion, c’était mon premier –, on peut y reconnaître ou non des formes. Continuer la lecture de « Buck Meek : « L’enregistrement a été une guérison » »
On avait peu de nouvelles depuis ce qui paraissait des lustres de l’ami Pain-Noir, une grande chanson, des échos de déménagements, quelques mots de chaleur lors du premier confinement, ce moment que des majorités silencieuses ont dédié, comme souvent le font les majorités silencieuses, à la fraternité.
On a le droit d’aimer ces silences-là, apparents, calmes. Ça va bien avec l’idée que je me fais de Pain-Noir, peu de bruit et peu de fureur, mais des chansons qui de loin en loin, quand on s’y attend le moins, vous explosent en plein cœur.
C’est peut-être le moyen de revivre ça, donner un disque à (re)découvrir : se rendre le frisson de la découverte, de la sidération, de l’arrêt de toute chose séance tenante parce qu’il est là, événement, inouï. Et vraiment Construção est un inouï de premier ordre, un archétype dont la pochette chérie ne consent qu’aux sociétés les plus joyeuses, les plus sérieuses, les plus vraies. On ne le sort pas à la légère, pour faire joli, pour faire narquois : il décore mal, ne va pas bien avec les murs et les décorations du salon, il a d’ailleurs tendance à agripper, à arracher les papiers peints et les tentures, à planter ses crocs généreux dans la sérigraphie qui trône au-dessus du phono pour en faire les confettis qu’elle mérite. Continuer la lecture de « Chico Buarque, Construção (1971) »
Un disquaire par jour propose ses 10 albums du moment.
La proximité, ce n’est pas juste un slogan électoral – songeons deux minutes avec vertige aux foules d’édiles bruyamment horrifiés ces dernières semaines du sort subi par les commerces de centre-ville, après des décennies consacrées par certains des mêmes édiles à favoriser les zones commerciales et leurs mannes financières. Ce n’est pas non plus une idéologie, de grandes idées pour grandes villes. C’est faire, chaque jour, où l’on est. Et faire, comme le souligne chaque jour cette série dictée par les circonstances terribles, c’est toujours un engagement, quel que soit le sens que l’on mette derrière ce mot. Dans le Gard, dans une ville comme Nîmes, qui n’est pas sa voisine Montpellier, ouvrir et maintenir une boutique de disques à choix qualitatif en plein centre-ville équivaut à l’allumage soir après soir avec des allumettes d’un phare sur le raz de Sein, mettons : le contraire d’une sinécure, pour donner avec d’autres (Come On People, Rayvox, Raje, le fameux Tinals) un peu de lumière aux gens qui, simplement, vivent ici. Ils le disent mieux que moi : « Ça a débuté avec des disques pris sur une étagère en 2017 pour constituer un bac et tenir des stands durant les concerts. Trou Noir Disques devient deux et, en 2020, un disquaire (et un micro-label) comme Philippe l’a connu de près et comme Stéphane l’a toujours rêvé. À l’époque, nombreux.ses ont trouvé l’idée d’un tel projet stupide à Nîmes. On bouge où l’on vit. Il y a de plus en plus de jeunes qui s’équipent ou d’anciens jeunes qui se rééquipent en disques, en matériel hifi que l’on révise / répare dans un souci écologique, entre autres. Du matériel conçu pour durer. Pour nous, le vintage, c’est une marque de longévité, pas un argument marketing… Nous nettoyons aussi les vinyles. La boutique est située dans l’Écusson, dans la dorénavant “rue des disquaires” (avec deux disquaires à dix mètres d’écart) : la rue des Lombards. Nous tenons à être généralistes et pointus. Dans les bacs se côtoient neuf et occasion, nouveautés et classiques, majors et labels ultra indépendants… On peut commander sur le site et retirer ses commandes au magasin. Une émission de radio sur Rayvox.org (onglet “live”) de 10h à 11h “en guise de playlist hebdomadaire” et les réseaux sociaux, Bandcamp pour être au courant de l’actualité. »
Trou Noir Disques, 5 rue des Lombards à Nîmes, également joignables sur internet, les réseaux sociaux (facebook, instagram) et en vrai sur place à partir de samedi.
Tous les articles de la série Première Nécessité (un disquaire par jour) sont visibles ici.
I cover you with questions Cover you with explanations
On va faire en sorte de ne pas. On va faire en sorte de décrire sans couvrir. Adrianne Lenker – incontournable depuis le coup double commis avec Big Thief, deux albums infinis publiés en six petits mois du monde d’avant –, dans la parenthèse imposée à ce qui semblait devenir un Never Ending Tour, a enregistré un double album solo qui semble devoir être son Blood on the Tracks. Semble-t-il. On n’est pas bien sûr mais la référence, si elle biaise, n’écrase même pas car c’est là. C’est ça. C’est un album dont la toute première écoute est l’occasion du surgissement entre deux portes, entre deux autres chansons, de Zombie Girl, qu’on va tenter avec toute la conscience de notre présente mission de ne pas jouer en boucle durant une petite semaine – vous, vous pouvez, vous êtes libre de, et de ne pas en rester là.
Enquête : le postrock a-t-il été inventé, ou a-t-il toujours existé ?
David Pajo a perdu ses dents très jeune, lors d’un concert d’Iron Maiden. Je me suis cassé une dent lors d’un concert d’Asian Dub Foundation, mais c’est une autre histoire, d’une autre génération. Quoique : on aime réviser et corriger ses icônes, s’inventer des généalogies, se parfaire comme Auditeur puis, en vieillissant encore un peu, si l’on n’est pas trop rassis, on lâche cette révisionnite commune, ce snobisme à rebours, et on accepte de considérer qu’on a pu aimer, et qu’on peut encore aimer, et New Order, et Slint, et Iron Maiden. Par exemple. Au hasard. Ou pas tout à fait. Continuer la lecture de « Après le rock – épisode 1 : Au fond de la cale »