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Retour en disgrâce

John William Waterhouse – The Remorse of Nero After the Murder of His Mother (1878)

Dans une lointaine Europe, la damnatio memorae votée par le sénat romain sous l’effet des époques et des rancœurs, déclenchait l’effacement d’une personnalité publique via démolition de son patrimoine culturel. La plus spectaculaire, et éloquente sanction de la damnatio est incontestablement le renversement des statues qui leur furent dédiées.

En terre contemporaine, un certain nouveau monde du Juste s’élève loin de Rome : nos zélés cousins américains l’appellent cancel-culture. Cette culture a désormais son rite de l’annulation : annuler une carrière, une existence (numérique de préférence), une voix, renverser une statue. En français l’annulation, c’est l’effet qui n’opère plus, c’est la force contraire qui rend inopérante la force première, c’est la chanson qui ne couvre plus le bruit ambiant. Continuer la lecture de « Retour en disgrâce »

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Carambolage : « Du fun, du synthé, une boule à facettes. »

Carambolage / Photo : Romain Duplessier

En début d’année, nous évoquions avec enthousiasme le premier EP du groupe rennais Carambolage. En 4 titres, la bande nous rappelait au bon souvenir du punk poppy des Undertones, comme des morceaux de studios français de bubblegum punk, si nombreux à la fin des années soixante-dix (de Plastic Bertrand en passant par Soda Fraise). Les voir en concert est toujours une expérience rafraîchissante et file une banane incroyable. Carambolage ne se prend pas la tête et partage son euphorie avec le public dans un chahut communicatif. Juste après Periods dont nous vous avons parlé ce matin, ils seront sur la scène du Supersonic le 12 juillet aux cotés d’autres excellentes formations françaises telles qu’Entracte Twist ou La Secte du Futur. Pour section26, Rémi a accepté de remplir le constat à l’amiable. Continuer la lecture de « Carambolage : « Du fun, du synthé, une boule à facettes. » »

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Periods : « On écrit librement, car ça nous fait du bien et ça devrait être normal »

Periods
Periods / Photo : Raw Journey – Tom Tom

Loin du formatage radio de certains productions estampillées pop, les trois filles de Periods représentent l’une des nombreuses facettes de la musique indépendante française actuelle. Elles brillent par leur franchise, leur ton assumé et honnête et leur approche instrumentale atypique, et ne laissent pas indifférent : des textes incisifs et résolus non sans une pointe d’humour, une musique électronique entre DEVO (et leurs cousins actuels comme Stratocastors) et la pop lo-fi. Periods ne sonne comme pas grand chose de connu et ne pastiche personne. A l’occasion de leur date parisienne au Supersonic ce mardi 9 juillet, nous leur avons posé quelques questions par e-mail. Des réponses à l’image de leur musique : éclairantes et personnelles. Continuer la lecture de « Periods : « On écrit librement, car ça nous fait du bien et ça devrait être normal » »

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Décibelles, Rock Français, 2019 (Deaf Rock)

I. A Strasbourg, il y a quelques années, il y avait un groupe étonnant qui s’appelait Enregistré Par Steve Albini. C’était un peu pour se moquer des groupes qui allaient enregistrer chez Steve Albini. La légende locale dit que la démo d’Enregistré Par Steve Albini a atterri chez Steve Albini qui leur a proposé d’enregistrer chez lui, mais finalement Enregistré Par Steve Albini n’a pas voulu enregistrer chez Steve Albini, vous me suivez ? Tout ça pour dire que le disque de Décibelles a été enregistré par le roi du poker à Electrical Audio et mastérisé par Bob Weston : on y entend cette mise en son signée, théorisée il y a longtemps sur la pochette d’At Action Park de Shellac et énoncée en trois points : le temps (caisse claire assommante), la masse (la basse caoutchoutée) et la vélocité (la guitare tranchante). Continuer la lecture de « Décibelles, Rock Français, 2019 (Deaf Rock) »

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New Order, Théâtre antique de Fourvière, vendredi 28 juin 2019.

Barney vs. Ian / Photo : Hannah Milon Delafosse

C’était une certitude. Cela ne pouvait pas se terminer autrement. Et peu importe la relation nouée avec le groupe. Parce que la foule compacte du Théâtre antique de Fourvière qui affiche complet depuis des semaines est le parfait reflet de ce qu’est en 2019 le public de New Order. On jette un coup d’œil sur les gradins, dans la fosse et c’est cela qui saute aux yeux : la diversité générationnelle. Ils sont tous là, les différents fans du quatuor de Manchester – devenu quintette (avec cette drôle d’équation « – 1 + 2 ») : les quinqua qui ne jurent que par Power Corruption & Lies, voire Movement ; les trentenaires et quarantenaires qui ont pris en pleine poire le single du retour discographique – Crystal, en 2001 ; les plus jeunes qui cherchent à chaque fois dans les morceaux les traces de l’ADN de Joy Division ; ceux qui rêvent de se retrouver sur un dancefloor à ciel ouvert avec les étoiles en guise de boules à facette. Et donc ? C’est bien un fait : se rendre à un concert de New Order aujourd’hui, c’est la quasi-assurance d’être déçu. De rester sur faim. De sortir en se demandant « pourquoi elle et pas une autre ? » Continuer la lecture de « New Order, Théâtre antique de Fourvière, vendredi 28 juin 2019. »

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Slumberland Records : For ex-lovers only

Black Tambourine
Black Tambourine

On a parfois l’impression que la petite internationale de la pop qui a fleuri à la fin des années 80 s’est imposée comme une magique évidence à la suite des labels Sarah, Creation et Postcard, et simultanément dans le monde, en Angleterre, Nouvelle-Zélande, Australie, Europe continentale et aux USA. Toutefois, c’est oublier le travail de l’ombre qu’ont fourni une poignée de mini-labels, fanzines et groupes dans une période qui leur a certes été bénie. Bien avant le succès de The Pains Of Being Pure At Heart – qui résonne aujourd’hui comme la plus jolie anomalie du début des années 2010 – Mike Schulman, avec son label et son groupe Black Tambourine, semblent avoir prêché la bonne parole, souvent dans le désert, mais peut se vanter d’avoir l’un des plus beaux catalogues de hits de poche des 3 dernières décennies. A l’occasion des 30 ans du précieux label de Washington relocalisé à Oakland, nous avons discuté avec son fondateur lors d’une interview forcément trop brève, où l’on aurait aimé évoquer The Ropers, Rocketship, Henry’s Dress, Veronica Falls, Tony Molina et tous ces groupes qui à certains moments de nos vies ont su faire chavirer nos cœurs. Continuer la lecture de « Slumberland Records : For ex-lovers only »

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Caterina Barbieri, Ecstatic Computation (Editions Mego)

Lors de son passage parisien à l’occasion de l’édition 2019 du festival Présences électroniques, Caterina Barbieri a pu confirmer ce que l’on pressentait d’un travail tout entier dédié aux « effets psycho-physiques de la répétition » et à l’exploration des « opérations basées sur des patterns » : approfondir une ligne minimaliste qui aujourd’hui fait figure de passage obligé pour tout un pan des musiques électroniques contemporaines, qui se caractérise par un travail sur la séquence prise comme matrice d’une logique de variation, de recomposition et décomposition du motif sonore. Une pratique de l’arpeggiateur notamment, qui fait penser au New Age typique des 80’s (certains travaux de Suzanne Ciani en tête). Déjà, avec Patterns of Consciousness, sorti en 2017 chez Important Records et qui a imposé Caterina Barbieri comme l’une plus importantes représentantes de la nouvelle garde néo-ambiant, l’ambition esthétique était clairement perceptible, insistant sur l’automatisation comme contrainte pour la composition. Continuer la lecture de « Caterina Barbieri, Ecstatic Computation (Editions Mego) »

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Purple Mountains, Purple Mountains (Drag City/ Modulor)

On ne pourra pas dire qu’il ne nous a pas prévenu. Pour son retour après dix années d’absence, David Berman a balancé un titre sous forme de profession de foi abandonnée, All My Happiness Is Gone. On regrettera simplement que l’intro dudit scopitone soit absente du disque final, car elle avait une texture d’abandon et de tristesse dont seuls les soixante treize fans des Supreme Dicks (moi inclus) ont du saisir la vraie teneur, l’enchainement avec le morceau (un futur classique à n’en point douter, je me trompe rarement) arrangeant d’ailleurs tout le monde et tout cela dans une belle harmonie disjointe et avec une nappe de synthé new wave pas si incongrue. Continuer la lecture de « Purple Mountains, Purple Mountains (Drag City/ Modulor) »