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Aimee Mann, Queens Of The Summer Hotel (SuperEgo Records)

Aimee MannDébut de la chanson, début de la consultation, le docteur dit :
Give me fifteen, give me fifteen, give me fifteen minutes
That is all I need to make the call
Give me fifteen, give me fifteen, give me fifteen minutes
Women are so simple after all.
Et hop : hôpital psychiatrique.
Pont :
You’re feminine, you’re crazy
Et hop, et fin de la chanson : le docteur ne demande pas plus de quinze minutes pour se prononcer, et prononcer sa sentence, et en reste là :
Give me fifteen.
Aimee Mann sort un nouvel album, et ce devrait être un événement – dans un monde meilleur – et c’est un événement. Continuer la lecture de « Aimee Mann, Queens Of The Summer Hotel (SuperEgo Records) »

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Shannon Lay : « J’assume mon super pouvoir : tenir une salle rien qu’avec ma guitare et ma voix. »

Shannon Lay
Shannon Lay / Photo : Denee Segall

“Ainsi, l’apparition de Shannon Lay apparut”, aurait-on pu transcrire, un peu pataud.

Une silhouette bleue arc-boutée, recroquevillée sur un bitume en bordure de grève, des mèches rousses dissimulant les traits d’un visage enfoui, l’océan ne faisant qu’un avec le ciel grisâtre. C’était l’image de Living Water, il y a presque cinq ans, déjà. On y entendait un oranger, une lune lésée, un soleil précieux. Et puis ce Recording 15 comme extrait de la mémoire d’une boîte vocale, une confession qu’elle n’avait pas pris le temps de titrer tant il y avait urgence à chanter ce qu’elle préférait ne pas ressentir. Sa voix désarmait à ne pas vouloir trop en faire non plus, elle visait toujours juste dans le désir et la mélancolie. Comme d’autres avant elle, elle semblait situer la bonne distance entre l’intime et le mystère, la candeur et la noirceur. Continuer la lecture de « Shannon Lay : « J’assume mon super pouvoir : tenir une salle rien qu’avec ma guitare et ma voix. » »

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The Reds Pinks & Purples, Don’t Come Home Too Soon (Tough Love Records)

Il y a des groupes comme ça. Des groupes qui sont comme taillés sur mesure, des groupes dont on sait déjà qu’ils ne nous décevront pas – et entre nous, il n’y a que des groupes pour réussir ça. Xavier, l’ami qui m’a fait écouter les chansons de ce type-là pour la première fois (parce que oui, pour celles et ceux qui n’auraient vraiment pas suivi, cette histoire, c’est avant tout l’histoire d’un homme seul, Glenn Donaldson), aurait sans doute résumé tout cela mieux que moi, aurait bien mieux dit la fausse légèreté de ces mélodies qu’on connait par cœur avant même de les avoir écoutées… Mais voilà, Xavier n’est pas là et c’est à moi de rappeler que justement, en matière de cœur, The Reds, Pinks & Purples ne fait jamais les choses à moitié, comme sur ce nouveau single à peu près parfait pour ponctuer l’été indien et annonciateur d’un quatrième album à paraitre le 4 février 2022.

The Reds Pinks & Purples, Summer at Land's End

Alors, en trois minutes et treize secondes (environ), quand bien même on s’était juré qu’on ne se laisserait plus prendre, Don’t Come Home Too Soon (ce titre, une fois encore) porte haut les couleurs de la mélancolie en donnant une idée assez précise de comment auraient pu sonner certaines des plus belles chansons de The Field Mice (toutes, donc) reprises par St. Christopher. C’est vous dire la splendeur des ébats.


Don’t Come Home Too Soon par The Reds Pinks & Purples, premier single du nouvel album Summer at Land’s End, sortie le 4 février 2022 chez Tough Love Records.

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Yma Sumac, Mambo ! (1954, Capitol)

Pour beaucoup d’entre nous, les années cinquante ressemblent à un continent éloigné, une terre perdue dans la brume. La faute à ces maudites années soixante ! Essentielles dans la construction de la musique que nous aimons (Beatles, Beach Boys, Velvet Underground, Byrds…), elles relèguent la décennie précédente dans les limbes. Tout au mieux, nous savons qu’il y avait les pionniers Rock & Roll, de Chuck Berry en passant par Buddy Holly ou Little Richard et du Jazz bien sûr, énormément de Jazz. Les fifties furent pourtant fort variées : Doo Wop, Exotica, danses de salon (Mambo, Cha-Cha-Cha…) Mambo! d’Yma Sumac, paru en 1954 sur Capitol, témoigne de l’excitation qu’il régnait après guerre dans les foyers américains. Au léger répond l’étrange. L’album fascine par sa capacité à faire entrer la personnalité singulière d’Yma Sumac, dans le registre connoté du mambo. Continuer la lecture de « Yma Sumac, Mambo ! (1954, Capitol) »

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The Brothers Steve, Dose (Big Stir Records)

C’est l’une des nombreuses vertus de la somme imposante que Simon Reynolds a consacrée à ce genre musical – Shock And Awe (2016, traduction française publiée chez Audimat l’an dernier) – que de souligner à quel point le Glam s’articule, dans bon nombre de ses embranchements foisonnants, avec le monde de l’enfance et les plaisirs encore naïfs de l’imaginaire. Les trois minutes réglementaires de la chanson pop comme point d’accès privilégié à un arrière-monde plus lumineux, plus coloré et dont l’inauthenticité même garantit la valeur toute particulière. C’est un peu de cette quête passionnée des artifices insouciants que l’on retrouve dans le second album de The Brothers Steve. Continuer la lecture de « The Brothers Steve, Dose (Big Stir Records) »

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Marie et les Garçons, id. (Celluloid, 1980)

Comme de nombreux autres groupes français des années 60/70, Marie et les Garçons a publié peu de disques. Deux EPs de son vivant pour être exact : l’album Marie et les Garçons (1980) est sorti à titre posthume. Cette modeste discographie ne permet guère de mesurer l’influence du groupe lyonnais sur le rock francophone. Aux côtés des Olivensteins ou d’Asphalt Jungle, Marie et les Garçons représentent une idée du punk, esthète et ouverte. Cela leur a valu certaines inimitiés et réactions très négatives de la part du public, mais aussi une place dans nos cœurs aujourd’hui. Formé en 1975, au Lycée Saint-Exupéry, le groupe s’appelle initialement Femme Fatale, nom trouvé en urgence pour assurer la première partie des futurs Starshooter au concert de fin d’année du bahut. Leur blase définitif leur est suggéré quelques mois plus tard par Marc Zermati de Skydog. Il fait référence à la batteuse du groupe, Marie Girard, ossature de la formation aux côtés d’Erik Fitoussi et Patrick Vidal, guitaristes et compositeurs principaux. Continuer la lecture de « Marie et les Garçons, id. (Celluloid, 1980) »

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« Pourquoi aimes-tu Billie Eilish ? »

Tel Bartelby, je préférerai ne pas. Ne pas quoi ? Ne pas écouter Billie Eilish. Je ne me sens pas légitime – « T’es pas trop vieux pour ça ? » – et puis, les vieux réflexes qui reviennent, et qui me fatiguent : y chercher – et trouver ? – des échos du passé, jouer le donneur de leçon, voire le vieux con – « C’était mieux avant » -. Pour ces raisons, j’ai préféré, pendant longtemps, laisser à cette jeunesse à laquelle je n’appartenais pas, ses disques, ses chansons et n’écouter que des choses qui faisaient le lien avec les disques qui m’avaient, on va dire, construit. Je ne sais plus ce qui m’a alors conduit à m’intéresser à Billie Eilish mais je me souviens très bien de la réaction de ma fille, surprise forcément, quand elle s’est aperçue que j’écoutais I love you, moi qui n’avais jamais témoigné la moindre émotion, ni le moindre intérêt, aux musiques qu’elle écoutait. Elle aurait pu être écœurée – à sa place, à son âge, si j’avais surpris mes parents en train d’écouter un de mes disques, je l’aurais été – mais ce dont je me souviens c’est son sourire. Nous sommes tous les deux sur le canapé, je lui rappelle alors ce moment. Face à nous, sur l’écran, la photo d’une Vierge aux yeux baignés de larmes.

NDLR : Pour une meilleure lecture de cet article, nous vous conseillons d’écouter simultanément l’album dont le lien se trouve à la fin de l’article.

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The Colorist Orchestra & Howe Gelb ft. Pieta Brown, Not On The Map (Dangerbird)

Depuis qu’il a mis un terme à l’œuvre de Giant Sand en 2015 (ce qui ne l’a pas empêché de continuer à réenregistrer les premiers disques du groupe, mais là n’est pas la question…), Howe Gelb semble constamment en recherche de nouveaux horizons musicaux, sans doute plus adaptés avec sa soixantaine déjà bien entamée. Si l’on excepte le superbe Gathered paru en 2019, le parrain officiel de la scène musicale de Tucson a donc déjà enregistré deux albums de jazz (Future Standards en 2016, puis Further Standards, avec Lonna Kelly, l’année suivante), seul (ou presque) au piano, et le voici à présent embarqué dans l’americana fantasmée du très singulier Colorist Orchestra pour ce très beau Not on the Map, rêverie entêtante à situer quelque part entre les clichés néo-country de Calexico et la musique contemporaine du Kronos QuartetContinuer la lecture de « The Colorist Orchestra & Howe Gelb ft. Pieta Brown, Not On The Map (Dangerbird) »