Catégories borne d'écouteÉtiquettes , , ,

Des étoiles dans les yeux de Betty

Betty / Photo : Jules Vandale
Betty / Photo : Jules Vandale

Il y a quelque chose de très fraternel dans les petits groupes qui émaillent la scène indie francilienne. Beaucoup de projets en commun, de transferts de musiciens d’un groupe à l’autre, de soirées passées à voir les uns ou les autres sur scène, avec dans le public, souvent un certain nombre de membres desdites formations venus encourager les amis. Betty en est un excellent exemple : l’idée est partie d’un travail en solo de Rémi Studer, qui a composé des morceaux pendant plusieurs années de son côté, en mode bedroom pop. Le dénominateur en commun entre lui et cette scène fut Jérôme Ganivet de Belmont Witch, qui l’a aidé à concrétiser ses rêves, il y a une dizaine d’années déjà. Tous les deux ont enregistré des démos, avec Sparklehorse, Sebadoh ou Pinback dans le rétroviseur. La vie n’a pas été clémente, et Jérôme s’en est allé. Grâce à Michele (toujours Belmont Witch), Rémi a intégré Eggs et de fil en aiguille, Manolo Freitas (Hobby et Eggs aussi) et Isabella Green Catani (Dog Park) ont rejoint Betty. Après un EP l’an dernier, le trio sort son premier album masterisé par Côme Ranjard, Reminder, comme un rappel du chemin parcouru. Continuer la lecture de « Des étoiles dans les yeux de Betty »

Catégories Chronique en léger différéÉtiquettes , , , ,

Magon, World Peace (autoproduit)

MagonCe qu’il y a de délicieux avec la musique, avec l’art en général, c’est que tout se passe comme si, grâce à eux, on pouvait à nouveau tomber amoureux un nombre indéfini de fois sans pour autant que ces attachements soient incompatibles entre eux, comme si on pouvait en quelque sorte vivre à l’infini l’impossible expérience d’un polyamour heureux. Parfois, alors qu’on se complaisait allègrement dans nos habitudes esthétiques, qu’on se contentait avec paresse d’écouter et de réécouter nos disques fétiches, on tombe par hasard sur un un artiste inconnu aux charmes duquel on se laisse prendre sans s’y attendre. On écoute une chanson – il s’agissait pour moi, avec Magon, de l’hypnotique Right Here (Did you Hear the Kids ?), 2023 – et commence alors le premier moment de la fameuse cristallisation décrite par Stendhal.

Continuer la lecture de « Magon, World Peace (autoproduit) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit)

« Il n’est pas de jouissance plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façon, et je m’y arrange tout de suite (…) Et quel plaisir encore d’oublier ses livres et ses plumes pour tisonner son feu, en se livrant à quelque douce méditation, ou en arrangeant quelques rimes pour égayer ses amis ! Les heures glissent alors sur vous, et tombent en silence dans l’éternité,
sans vous faire sentir leur triste passage. »

Xavier De Maistre, Voyage autour de ma chambre (1794)

« There’s a world where I can go / And tell my secrets to / In my room. »
Brian Wilson (1963)

On s’en était douté dès la première rencontre, en 2021 : Alex Pester dispose d’un talent et d’une inspiration radicalement incompatibles avec les dispositifs de mises en pause ou de court-circuit qu’imposent les rythmes communs et rationnels de l’industrie musicale – ou de ce qu’il en reste. Né sans le moindre interrupteur intégré, le jeune songwriter britannique a publié l’équivalent de sept albums en cinq ans, dont trois au cours des douze derniers mois. Continuer la lecture de « Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit) »

Catégories chronique nouveauté, selectoramaÉtiquettes , , , ,

Selectorama : Mayfly Two

Mayfly Two / Visuel : DR
Mayfly Two / Visuel : DR

Mayfly Two, c’est d’abord l’occasion de retrouver avec joie Anne Bacheley, légende discrète de la pop française anglophone des années 2000. A la tête d’une petite œuvre fais-le-toi-même plus ou moins difficile à trouver (des CDR, des œuvres numériques), elle a eu le privilège de figurer dans des listes de recommandations de Stephen Pastel himself. Bien sûr que les Pastels figurent en bonne position dans les influences de la dame, mais Anne est avant tout une âme libre qui se fiche de tout carcan et de toute étiquette. Elle écrit et compose parce qu’elle en ressent le besoin, le reste n’est pas son problème. Plutôt solitaire musicalement jusqu’ici, elle semble avoir trouvé en Chris Fox (from Dundee, 100 km au nord d’Edimbourg) un alter ego musical avec qui elle partage sa passion pour la musique et cet alias de Mayfly Two. Continuer la lecture de « Selectorama : Mayfly Two »

Catégories sous surveillanceÉtiquettes , , ,

Sous Surveillance : Dona Casque

Dona Casque / Photo : Titouan Massé
Dona Casque / Photo : Titouan Massé

Dona Casque fait partie de ces tout petits groupes au devenir prometteur, au tempérament à la fois fragile (je me souviens du premier morceau que j’ai vu d’eux sur scène, à La Mécanique Ondulatoire, c’était leur second ou troisième concert et je me suis demandé ce que ça allait donner tellement c’était instable) et intense (la suite du concert m’a complètement embarqué). Il y avait tout ce qu’on aime, un composite lumineux de rythmiques post punk, d’accords de claviers DIY, de mélodies entêtées et d’accords de basse tranchants, comme dirait l’ami Viktor. Depuis 2023, ils ont continué à jouer, et même s’il n’est toujours pas possible de trouver le moindre morceau d’eux sur la toile à part leur participation à En Lutte !, une compilation antifasciste pour un monde meilleur proposée par le Front des Musiques Indépendantes, on essaye de ne jamais louper une de leurs prestations scéniques, où l’on voit littéralement le duo prendre confiance petit à petit. Ils seront d’ailleurs ce mercredi 2 octobre sur la scène du Shakirail (Paris 18e) pour la dernière de Vaagues de Chaleur. En attendant impatiemment l’album, Maë a eu l’extrême gentillesse de nous parler de son parcours. Continuer la lecture de « Sous Surveillance : Dona Casque »

Catégories Chronique en léger différéÉtiquettes , , ,

John Bramwell, The Light Fantastic (autoproduit)

Il a souvent été question de lumière dans les chansons de John Bramwell. L’éclat solaire impromptu saisi au détour d’un nuage, le scintillement discret d’une étoile dans un ciel nocturne, la lueur du matin qui colore la grisaille sans pour autant la dissiper totalement. La métaphore pourrait sembler convenue mais elle condense, en l’occurrence, quelque chose de bien plus substantiel dans cette écriture qui, depuis les premiers titres de I Am Kloot découverts il y a près d’un quart de siècle, s’attache à restituer le plus honnêtement possible les contrastes entre les trivialités éphémères et moroses du quotidien et la beauté que leur insuffle les formes poétique et musicale. Continuer la lecture de « John Bramwell, The Light Fantastic (autoproduit) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Don Idiot, Cent Détours (autoproduit)

Après Dream Loser (2017) et Don Idiot (2019) – albums remarquables que nous avions évoqués à l’occasion du Selectorama réalisé par Pierre Donadio -, le punk romantique normand exilé à Paris revient avec le superbe Cent Détours. Enregistré à l’automne 2020 au Studio Capitola par le précieux Nicolas Brusq – qui avait déjà fait des merveilles sur l’album précédent – s’impose à son tour comme un petit bijou, dont on ne cesse de découvrir les détails à chaque nouvelle écoute. On entre dans ce disque comme dans une maison un peu bordélique, où les cendriers de la veille n’ont pas été vidés et où les cadavres de bouteilles sont encore posés ici et là, mais dans laquelle on se plaît à passer de pièce en pièce, irrésistiblement charmés par la beauté du lieu et la personnalité de celui qui l’occupe. Continuer la lecture de « Don Idiot, Cent Détours (autoproduit) »

Catégories borne d'écouteÉtiquettes , , ,

Studio Harcourt

Ed Harcourt
Ed Harcourt

Il y a vingt-deux ans, Ed Harcourt, un anglais natif de Wimbleldon, réalisait le grand chelem avec Here Be Monsters. Son premier album l’imposait à sa juste valeur en faisant chavirer (toute) la presse et une partie du public. Il faut dire que c’était un juste retour des choses pour Harcourt et surtout Heavenly, son label, qui avait beaucoup misé sur ce disque, véritable acte de naissance et profession de foi pop aux milles idées. L’étude scrupuleuse des notes du livret donne le vertige. À peine vingt-cinq ans et juste un EP en guise de CV, Ed Harcourt réunissait dans un studio Gil Norton, Dave Fridmann et Martin Kelly pour faire des chœurs et fut accessoirement aidé par Tim Holmes des Death In Vegas pour assurer la production. C’était Byzance chez Heavenly après le succès du premier Doves. À la fois coup d’essai et coup de maître, Here Be Monsters lança la carrière d’Harcourt mais ne lui permit de s’imposer face à des Wilco alors en pleine capacité de leurs moyens. Continuer la lecture de « Studio Harcourt »