Loin du formatage radio de certains productions estampillées pop, les trois filles de Periods représentent l’une des nombreuses facettes de la musique indépendante française actuelle. Elles brillent par leur franchise, leur ton assumé et honnête et leur approche instrumentale atypique, et ne laissent pas indifférent : des textes incisifs et résolus non sans une pointe d’humour, une musique électronique entre DEVO (et leurs cousins actuels comme Stratocastors) et la pop lo-fi. Periods ne sonne comme pas grand chose de connu et ne pastiche personne. A l’occasion de leur date parisienne au Supersonic ce mardi 9 juillet, nous leur avons posé quelques questions par e-mail. Des réponses à l’image de leur musique : éclairantes et personnelles.
Comment est né Periods? Jouiez vous dans d’autres groupes précédemment?
Periods, c’est une affaire de famille. C’est tout simplement trois sœurs qui ont décidé de faire de la musique et s’exprimer en toute liberté. Ophélie a joué dans le groupe The Flashers, Dana dans Maraudeur et elle a également organisé des concerts à Rennes avec son association Beating Recording.
Derrière votre nom (Periods – les Règles en français), y a-t-il une démarche militante ?
L’énergie première de Periods est la spontanéité. Nous avons commencé ce projet parce que nous voulions juste jouer de la musique. Le nom Periods est venu un soir en répète, mais nous ne nous souvenons même plus vraiment pourquoi, on a juste trouvé ça drôle. À ce moment-là, nous avions seulement des morceaux instrumentaux. Les paroles sont un journal intime, chaque texte correspond à une situation vécue et / ou observée dans nos vies quotidiennes. Dana écrit la plupart des textes, on parle de la femme parce que nous sommes des femmes, de nos potes, d’amour et des hommes. On écrit librement, car ça nous fait du bien et ça devrait être normal aussi. La question de militantisme revient souvent car certains sujets abordés traite de notre situation en tant que femme et sont forts, mais comme écrit précédemment nous sommes des femmes, et nous parlons de notre quotidien qui est malheureusement le quotidien de beaucoup trop de femmes. Nous sommes des femmes engagées et être féministe devrait être normal que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. Dans notre monde imaginaire, on aimerait que tous les individus soient féministes pour que ce mot n’existe plus, et les inégalités non plus.
Pensez vous que le milieu indépendant soit misogyne ? Avez-vous en tête des anecdotes particulièrement marquantes ?
On pense que la société en général est misogyne malheureusement, même si il y a des efforts. Par conséquent, le milieu indépendant l’est aussi. Par exemple, Paola (bassiste) fait des études d’ingénieur du son, elle sent la misogynie installée dans son école par la minorité de femmes dans les classes et les remarques des professeurs et des élèves parfois trop déplacées. Concernant Periods, la misogynie fait un peu partie de notre quotidien. C’est là où on se dit qu’on est encore bien dans la merde. Voici pleins d’exemples : les techniciens ou même certains musiciens qui nous prennent un peu de haut au moment des balances, car ils s’imaginent que nous ne savons pas brancher nos instruments dans les amplis… On a aussi droit aux mecs qui nous pensent pas assez forte pour porter nos amplis, ou les petites réflexions du style : « ouais, pour des filles, vous vous démerdez bien ». Souvent, lorsque nous partageons la date avec d’autres groupes masculins on peut être sûres de jouer les premières à chaque fois, même si nous existons depuis plus longtemps et que nous avons plus de concerts dans les jambes que certains groupes masculins. Dans les descriptions concernant notre groupe, notamment sur les événements facebook, on va avoir droit à groupe 100% girly, etc. Mais jamais on écrirait cela pour un groupe composé exclusivement d’hommes. Bref, on a tellement d’exemples… On en a d’ailleurs écrit un morceau, Déso pas déso, que nous jouerons mardi soir, ça nous permet d’évacuer cette colère face au combat quotidien des grosses couilles dans le milieu de la musique.
Avez-vous certaines influences particulièrement importantes à vos yeux? De quels groupes vous sentez vous particulièrement proches ?
Nous avons une bonne base d’influences venant de l’univers rock, car notre père, ancien punk est amoureux de musique et nous a élevé dans l’amour du rock. Ce qui fait la force du groupe est le fait que chacune avons des influences assez différentes qui passent de la techno à la chanson française des 80’s, en passant par le hip-hop, le synthpunk, la cumbia, la pop, le garage 60’s ou la musique africaine mais qui se rejoignent en même temps. Tout est bon à prendre dans la musique si un morceau, ou un album nous touche peu importe son style du moment que ça nous apporte de la jouissance auditive et de l’inspiration. Nous avons deux références principales qui sont Suicide et Devo, il y a aussi les groupes de Riot Grrrl toujours là dans nos cœurs, ouais ouais. Nous pensons aussi que notre musique est tout simplement un mélange spontané de nos influences.
Votre formation est assez atypique (deux claviers, une basse et une boîte à rythmes), est-ce un choix volontaire ?
Dana et Ophélie font du piano depuis très longtemps, elles ont donc commencé la formation avec leur deux synthés et une boîte à rythmes car Dana a toujours adoré cet instrument. Paola s’est ensuite ajoutée avec sa basse, elle en joue depuis très longtemps aussi. Elle trouvait que le fait d’ajouter une basse à la nappe que formait la boîte à rythmes derrière les synthés pouvait être intéressant.
Pourquoi avoir décidé de chanter en français ? Est-ce important pour vous que le public comprenne vos paroles ?
Nous écrivons en français car Dana (claviériste, chanteuse) qui écrit la plupart des textes, s’est rendu compte que c’était plus facile d’exprimer ses sentiments en français qui est notre langue natale, plutôt qu’en Anglais. Le premier morceau de Periods a été écrit en anglais, puis tous les autres en français. C’est vrai que ça devient d’autant plus amusant car le public est beaucoup plus attentif à nos paroles que si nous chantions en anglais, et ça c’est cool, car ça rend les morceaux d’autant plus forts aussi. Assumons la langue française !
Où en êtes vous de l’enregistrement de l’album ? Votre actualité ?
L’album est en cours de finition ; on voudrait y apporter encore quelques modifications. Nous allons le sortir en auto-production à la rentrée, en digital et en cassettes. On dévoilera très certainement un nouveau morceau avant l’été ou pas, on verra, YOLO ! Notre but premier est de continuer à faire un tas de concerts n’importe où car c’est ce que nous préférons.