Ce n’est pas tous les jours qu’on se reconnecte à soi au détour d’un disque. Même si l’on a pris l’habitude de vivre avec les versions successives de soi-même, la superposition reste, la plupart du temps, un peu cloisonnée. Comme pour tout le monde, l’adolescence a façonné nos goûts de façon déterminante mais trop de choses ont changé pour que la continuité demeure autrement que sous la forme résiduelle de la nostalgie attendrie. Réécouter les albums qui ont nourri ces premières passions, procure généralement la même impression que la contemplation des photos d’enfance : les traits sont les mêmes, bien sûr, mais le temps a laissé des traces et de l’usure, y compris dans ces chansons favorites que l’on aurait aimé préserver pour toujours. On peut les retrouver, les apprécier parfois, mais combien de fois avec une fraction significative de l’enthousiasme initiale, sincèrement ? Le souvenir des premières découvertes est quasiment devenu plus précieux que le support musical lui-même, dont la fréquentation s’avère même cruelle, de temps en temps. Et quand quelques jalons se révèlent, en apparence, inaltérables, c’est qu’ils sont devenus, au fils des ans, les compagnons et les support d’interprétations nouvelles et différentes : ce sont les mêmes œuvres, évidemment, mais dont le temps a transformé l’écoute et le sens que l’on en retire, rendant la continuité largement illusoire. Continuer la lecture de « Quivers, Golden Doubt (Bobo Integral/Ba Da Bing !) »
Catégories billet d’humeur, mardi oldie
Comment mon groupe préféré m’a mis mal à l’aise – Can, Live in Stuttgart 75

La première fois que j’ai écouté Can, c’est comme si j’avais marché sur la Lune. Mon ami d’alors avait préparé cérémonieusement le moment de cette écoute, sûr de l’effet que cette musique aurait sur moi, et très excité de me la faire découvrir. Il a commencé par le début en insérant le CD de Monster Movie (1969) dans le lecteur. You Doo Right concentre déjà quasiment toute leur musique : l’intensité du chant, le groove de la basse, le cosmique de l’orgue et des claviers, la progressivité du morceau, le sens mélodique de la guitare et la rythmique hypnotique de la batterie. Je n’ai jamais rien entendu d’aussi parfait pour ma psyché et ma sensibilité. Je suis scotchée au canapé, partie dans un voyage qui durera toute une nuit. Continuer la lecture de « Comment mon groupe préféré m’a mis mal à l’aise – Can, Live in Stuttgart 75 »
Catégories chronique nouveauté
Charles, Let’s Start A Family Tonight (Babe City Records)
Les grands artistes (1) ont un avantage indéniable sur le commun des mortels. Quand bien même on les détesterait – pour de bonnes ou de mauvaises raisons, là n’est pas la question -, il arrive souvent qu’on leur rende de curieux hommages, parfois même inconsciemment. Si Ariel Pink n’est crédité que sur quatre morceaux pour sa contribution à la basse et à la guitare, on sent bien qu’il a inspiré très largement le disque de son ex, Charlotte Ercoli Coe. Certes, on l’entend pousser des hurlements sur The Offended Olympics (si ce n’est lui, c’est donc son frère) avec une ironie qui ne manque pas de piquant, Fallogentrismo ressemble étonnamment à The Bottom, Rex Harrison partage une partie du refrain de Kitchen Witch qu’elle avait par ailleurs coécrite. On retrouve aussi un goût pour l’ambivalence, le travestissement, un jeu sur l’identité masculine et féminine dont aime jouer le Californien. Mais surtout, il y a cette production typique, tissée dans le coton des rêves, qui a infusé depuis quinze ans la musique pop des artistes lo-fi de Los Angeles en premier lieu pour se répandre un peu partout. Continuer la lecture de « Charles, Let’s Start A Family Tonight (Babe City Records) »
Catégories interview, sunday archive
Suicide – Résurrection

On ne croyait plus entendre parler d’Alan Vega et de Martin Rev ailleurs que dans les pages rééditions des magazines rock ou dans les encyclopédies musicales. Qu’attendre alors du retour en studio de Suicide en 2002 ? Rien de bien nouveau, certes. Juste un album, American Supreme, presque à la hauteur de la légende du duo, d’une intensité jamais prise en défaut et qui confirme une fois de plus la lucidité presque effrayante de ses auteurs. Contrairement à ce qu’affirme trop rapidement le sens commun, on peut réussir plusieurs fois son Suicide. Continuer la lecture de « Suicide – Résurrection »
Catégories À écouter
A CERTAIN RADIO IS BORN !
Une proposition musicale 24/7 en continu par l’équipe de Section26
Pop, Indé, Post-Punk, Cold, Electronique, Soul, Jazz, Rock, Noise…
Une émission par jour, 3 le week-end, à partir du 21 juin sur la toile.
Des invités de choix parmi les oreilles les plus affutées du quartier. #staytuned
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Catégories mixtape
Le club du samedi soir #51 : Britpop remembered

En marge de leur livre, chroniqué ce matin dans nos pages, nous avons demandé à Nico Prat et Benjamin Durand de nous extraire dix pépites commentées de la période britpop, s’en est logiquement suivie l’idée de prolonger la soirée et les pintes en distanciel sous la forme d’une mixtape et pour compléter le tableau et rester dans le sujet, on s’achève au petit matin avec 8 morceaux « rares » ou face B de Lilian et Nono, à déguster d’un trait. En un mot : Cheers mate(s) ! Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #51 : Britpop remembered »
Catégories livres
« Oasis ou la Revanche des ploucs » de Benjamin Durand & Nico Prat (Editions Playlist Society)
Y a-t-il encore quelque chose à écrire sur Oasis ? Tout et n’importe quoi a déjà été raconté à leur sujet. Surtout n’importe quoi d’ailleurs. Premier manager, premier batteur, grand frère, amis plus ou moins proches, beaucoup ont déjà tenté de raconter l’histoire des Gallagher dans les livres sentant souvent l’opportunisme. Souvent remplis d’anecdotes et de fables en tout genre sur les frasques et disputes de ces deux fils d’immigrés Irlandais, presque aucun ouvrage ne réussit à cerner avec intelligence le phénomène mondial qu’a été Oasis et l’importance du contexte politique, social et culturel sur son ascension météorique. Continuer la lecture de « « Oasis ou la Revanche des ploucs » de Benjamin Durand & Nico Prat (Editions Playlist Society) »
Catégories affichage libre
Voyage, Voyage – Chloé Zhao, Jean Baudrillard, Orchid Mantis
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Il y a quelques jours, je regardais ce documentaire passionnant concernant Michael Cimino. Jean-Baptiste Thoret, le réalisateur, nous faisait prendre la route pour ainsi dire, cette route immense et large où chaque voyageur peut projeter ses rêves et désillusions. Les paysages, grandioses, ont toujours quelque chose de remarquable et de menaçant chez Cimino. Une pureté, un échec à taire… En découvrant un autre film, celui de Chloé Zhao, j’ai compris à quel point, certains plans, jouent à un éternel retour. Continuer la lecture de « Voyage, Voyage – Chloé Zhao, Jean Baudrillard, Orchid Mantis »