En écoutant Jess de Trey Gruber, je me suis dit – voilà une chanson pour baignoires tristes. Ce type de baignoire définitivement délaissée du corps aimé, un corps qui résonne encore contre l’émail et en parfume, par instant, les contours blanc cassé. Peau regrettée, peau du souvenir qui s’éteint lentement, trop lentement. En écoutant Jess de Trey Gruber, je me suis dit – le tonnerre, à présent, tonnera toujours avec les battements du coeur. Voilà ce que je me suis dit, en imaginant la vie Benjamin Trey Gruber ; ce jeune homme qui, avec son groupe Parent, hantait bien des soirs le Thalia Hall à Chicago. Alors comme ça, je me suis mis à le voir, les yeux coulés de cernes mauves, observer la skyline fendre un ciel rose et noir puis fuir du regard le combat de junkies qui s’annonçait à l’ombre d’un trottoir. L’imaginer rentrer chez lui avec en tête les notes de piano, légères et bleues, de son Fool’s Gold. Mélancolie collante et effet de l’héroïne, Gruber va facilement descendre la falaise. On dira – brutalement – overdose à 26 ans. Il s’en est allé à la fin d’un chemin d’été, en septembre. Sa mère Désirée et la petite amie de Gruber, Jess, vont piocher dans les archives du jeune homme. Plus de cent démos effeuillées; chansons, fragments de chansons patiemment et douloureusement écoutées par les deux femmes. Cela donne ce sublime Herculean House Of Cards. Dans son petit appartement, le musicien a modelé ces chapiteaux émotionnels, entre divers canettes de Bud et des carnets à croquis largement raturés. La paresse est le masque des perfectionnistes. Masque tragique de celui qui se refuse à être entrainé par on ne sait quelle stupide obéissance. Et je ne sais par quelle stupide obéissance, je me suis fait saborder par ces métaphores de baignoires vides, cet objet du quotidien qui peut parfois surligner une intolérable absence. Vie brisée de ces musiciens que l’on se met à adorer et qui disparaissent trop vite. Comme si l’on écoutait la face A, somptueuse, d’un disque pour s’apercevoir ensuite que la face B est désespérément vide. Les géniaux archivistes du label Numero Group, grâce à la sortie de ce disque, nous donne la chance de rêver encore un peu avec ces chansons troussées par le désespoir. Écoutez Last July, ce blues constellé d’étoiles distantes, mais inoubliables.
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Baignoire vide, si vide.
Mort et abandon.
Désespoir et souvenirs.