Ce duo parisiano-troyen qui devient groupe sur scène et dont nous avions parlé dans un Sous Surveillance l’an dernier nous gratifie de ce Come On Let’s Go de Broadcast, paru en 1998 sur un EP éponyme chez Warp Records. Athletico propose d’habitude une pop en demie teinte, tantôt obscure tantôt lunaire, pose ici une couche de froid avec des voix gutturales et des guitares qui craquent. Cette version même plus rêche respecte le tempo, et on retrouve ces petits sons électroniques qui font le charme du morceau original. Pour Lois, Broadcast« représentent pour eux tout ce qu’ils aiment dans la délicatesse pop. » Délicate est le bon adjectif pour définir leur musique, espérons quand à eux que l’on en entende à nouveau parler rapidement.
Touche à tout aux identités multiples, Mickaël Mottet n’a pas froid aux oreilles. Après Mark E. Smith, le voici rendant hommage à Henry Purcell, compositeur baroque britannique du XVIIème siècle. Ses pièces courtes sont pour lui construites comme de parfaites petites pop songs, qui pourraient facilement sonner comme du « Pavement teinté de krautrock« . Si on ne peut oublier la fabuleuse Cold Song de Klaus Nomi, il fait signe à son comparse Flavien Girard, accompagné du multi instrumentiste Jean–Christophe Lacroix pour un 4 titres, accompagné sur l’un d’entre eux par une surprise de taille au chant : leur amie Laetitia Sadier sur cet O Solitude minimal, métronomique et poétique.
Anita Lane* n’avait pas le référencement naturel et ancré. Fondatrice des Bad Seeds aux côtés de Nick Cave, on ne sait que peu de choses d’elle, si ce n’est sa traversée du milieu post-punk australien, via Londres et Berlin. Et quelques hommes. Plus qu’inspirés en la regardant et, pourquoi pas, en l’écoutant. Ils brillent dans le chemin d’Anita, comme on sème des petits cailloux blancs pour ne pas trop se perdre en route. « La plus talentueuse d’entre nous », dira Nick Cave. Peut-être s’est-elle finalement perdue à donner aux Bad Seeds ses plus grands morceaux, entre autres From Her to Eternity et Stranger Than Kindness, ainsi que plusieurs chansons pour le groupe The Birthday Party.
Lab Coast sur la pochette de leur album éponyme de 2017.
Lab Coast : le moins qu’on puisse dire, c’est que le nom n’est pas sur toutes les bouches. Pourtant les Canadiens ont tout pour ravir les ex-fans des nineties. D’ailleurs, si ce groupe (très discret au demeurant) avait fait paraître ses disques en même temps que The Lemonheads, Guided By Voices ou Pavement, nul doute qu’on en aurait parlé (il suffit d’écouter ceci ou cela pour s’en convaincre). Pour résumer, Lab Coast, c’est un peu mon Own Private Sebadoh. Après trois ans de silence, la pandémie semblait avoir eu raison de Lab Coast, jusqu’au début du mois de mai où les Calgariens ont mis en ligne une compilation de reprises enregistrées entre 2014 et 2020. On y retrouve Hüsker Dü, The Lemonheads, The Pursuit Of Happiness, Smudge, Camper Van Beethoven et Guided By Voices et cette reprise du hit absolu I Only Want To Be With You. A propos de cette reprise, Chris Dadge écrit : « La première fois que j’ai écouté cette chanson consciemment, c’était avec la reprise de The Tourists, le groupe dans lequel Annie Lennox et Dave Stewart étaient avant Eurythmics. J’ai bien sûr dû écouter la version de Dusty Springfield auparavant, mais le disque de The Tourists a un petit côté punk pré-new wave qui a vraiment retenu mon attention. C’est tout à fait le genre de mélodies avec lesquelles mon pote David Laing pourrait débouler pour l’enregistrer avec Lab Coast. »
L’intégralité de la compilation est écoutable ici avec les commentaires de Chris Dadge.
Depuis son dernier disque et le début de la pandémie, on était sans nouvelles l’Américain installé à Londres. Une éternité, donc. Il nous a gentiment confié une de ses reprises (exercice dans lequel il a toujours excellé). « Cette chanson, écrite à l’origine par Pete Seeger, résonne profondément en moi. Le fait qu’elle a été reprise par Marlene Dietrich dans les 60’s, des années après son engagement pendant la guerre m’émeut beaucoup. Cette chanson est chargée de sens, c’est un de ces classiques qui est capable de réunir les gens. »
100% réalisé à la maison, de l’enregistrement sur cassette (piste par piste, instrument par instrument…) au tartinage de peinture sur le corps et les murs, Zad Kokar balance une version doigts dans la prise du classique reggae de Desmond Dekker, The Israelites (1968). Pour ceux qui l’ignorent, ce vaillant soldat de l’Underground strasbourgeois a beaucoup traîné ses guêtres du côté du Diamant d’Or, salle autogérée ouverte en 2014 où sont passés quelques légendes rock, punk et wave des quatre coins du globe, où il officie en tant que « concierge / organisateur de concert / barman / cuisinier / ingé son / personne à l’entrée – ça dépend des soirs… ». Cet amoureux de Jad Fair, The Residents, Brian Chippendale de Lightning Bolt, R. Stevie Moore, de la Grande Triple Alliance Internationale de l’Est mais aussi des Beatles écoute toujours de la musique à fond en dessinant. « Je pense que ça se lie d’une façon étrange parfois, ça joue un peu sur les mêmes enjeux de rythmes, de motifs, de compositions, d’ambiance… Les deux témoignent de formes en mouvement. » Côté illustration, il cite volontiers Gary Panter, Julie Doucet, Mark Beyer, Topor ou Caroline Sury. Un univers étrange, coloré, spontané et foutraque qu’il définit comme « assez libre et spontané, un peu dada dans l’esprit, lo-fi dans la démarche d’enregistrement et assez no-wave dans les dissonances d’où le fait que ça ratisse large dans les influences… » Hyper productif, il a déjà sorti un Ep, deux Lp et 7/8 cassettes à retrouver sur son bandcamp. Les chanceux mettront également la main sur ses illustrations, affiches, bandes dessinées ou badges tout aussi merveilleusement cramés.
Depuis son adolescence et ses premiers groupes Look!Pond et White Cop, Matt Kennedy a su saisir l’essence même de la violence du punk et une certaine mélancolie propre à des courants plus pop. Depuis 2009 et Loneliness is a Dirty Mattress, son premier album sous le nom de Kitchen‘s Floor pratique une musique rugueuse et désabusée, tantôt en groupe, tantôt en solo. Sans le vouloir, Matt et les diverses formations qui gravitent autour de lui ont contribué au son actuel caractéristique à Brisbane : pas trop propre, qui se fiche des conventions, parfois bruitiste, où se mélangent divinement bien colère et désenchantement. Un paradoxe dans une ville ensoleillée quasiment toute l’année. Le lien avec Daniel Johnston viendrait-il de sa présence au sein de Meat Thump, ce groupe formé par le regretté Brendon Annesley, dans lequel à gravité une poignée de musiciens du coin qui jouaient un rock lo-fi triste et bruyant ? Kitchen‘s Floor en solo ravira nos oreilles avec une version du classique True Love Will Find You Into The End, enregistrée en solo dans son salon, lieu ou bon nombre de concerts – on pense notamment à Blank Realm, Royal Headache ou Circle Pit – ont eu lieu.
Dragon Rapide / Photo : Jean-Frédéric « Blondin » Normandin
De façon étonnante, le triangle Creuse-Allier-Puy-de-Dôme n’est pas un autre Bermudes : un aussi bel aéronef que le De Havilland DH.89, Dragon Rapide y décolle à l’aise, chargé de kérosène psychédélique ou baggy – c’est pareil – depuis sa conception – baggy tendance Happy Mondays retrouvés à Athens, Géorgie, période I.R.S., avec les murs d’arpèges, de riffs et de contrechants de guitare.