Est-il possible de tomber amoureux deux fois de la même personne, à dix-sept années d’intervalle, sans même s’en apercevoir ? La chose est peu probable, à moins d’une déficience mémorielle dont l’absence de pathologie neurologique devrait pourtant me préserver. C’est pourtant bien ce qui s’est produit lorsque, il y a quelques mois à peine, j’ai recroisé la route du dénommé Marker Starling, musicien canadien de son état, et auteur de l’un des plus beaux albums qu’il m’ait été donné d’entendre depuis des lustres. Continuer la lecture de « Marker Starling : Travail d’amateur »
Auteur : Matthieu Grunfeld
Catégories chronique nouveauté
The Lunar Laugh, Goodnight Noises Everywhere (Kool Kat Musik/You Are The Cosmos)
Est-ce pour mieux s’aligner sur les festivités musicales institutionnalisées dans nos contrées ou, plus vraisemblablement, sur la survenue des premières chaleurs estivales ? Toujours est-il que la publication de ce troisième album de The Lunar Laugh le 21 juin dernier semble correspondre à la perfection avec le solstice de saison. Contrairement à ce que suggère son patronyme nocturne – emprunté, pour l’anecdote érudite, aux péroraisons astrologiques de l’album Cosmic Sounds de The Zodiac (1967)- le quatuor d’Oklahoma City propose en effet une réinterprétation résolument radieuse d’une tradition musicale dont les sources principales demeurent ancrées dans les années 1970. Continuer la lecture de « The Lunar Laugh, Goodnight Noises Everywhere (Kool Kat Musik/You Are The Cosmos) »
Catégories interview
Marie-Claire Buzy – Antistar 80
Bien sûr, il y a eu les tubes. Ceux que les décennies écoulées ont parfois relégué dans le cercueil des célébrations nostalgiques et qui tendent trop souvent à éclipser le reste d’une œuvre, à occulter même l’essentiel. Plutôt que de la réduire à ces quelques refrains, il serait sans doute plus équitable de commencer par évoquer ceux avec lesquels Marie-Claire Buzy a entretenu, au fil des quatre décennies d’une carrière à éclipse, des collaborations artistiques. Bashung, Gainsbourg, Darc, Manset : la liste est suffisamment éloquente pour prévenir d’emblée tous les ricanements et tous les procès en ringardise. Continuer la lecture de « Marie-Claire Buzy – Antistar 80 »
Catégories chronique nouveauté, festivals
Big Thief, U.F.O.F. (4AD / Beggars)
En découvrant U.F.O.F. pour la première – mais aussi pour la deuxième et la troisième fois – on est d’abord saisi de l’envie irrépressible d’en interrompre le déroulement pour trouver refuge dans l’écoute d’une une copieuse compilation d’Emmylou Harris – Anthology : The Warner/Reprise Years (2001), pour être précis. Cette impulsion ne relève évidemment pas de ces associations formelles par lesquelles les échos des œuvres passées en viennent à résonner ostensiblement dans les prolongements actuels de leur descendance assumée. Au contraire. C’est plutôt que la fréquentation prolongée des vocalises éthérées d’Adrianne Lenker suscite, par contraste, le besoin impérieux de se confronter à une version infiniment plus incarnée de l’humanité. Continuer la lecture de « Big Thief, U.F.O.F. (4AD / Beggars) »
Catégories dossier, interview
Teenage Fanclub : l’entretien
Dans la cour ensoleillée du Trabendo, Norman Blake s’assied en premier. Raymond McGinley arrive quelques instants plus tard. Difficile de se résigner à l’idée que le troisième – Gerard Love -ne les rejoindra pas. Alors on en parle un peu, sans dramatisation inutile, ni fausse pudeur. Quelques heures avant leur premier concert parisien, dans une formation désormais altérée, les deux hommes font preuve d’une jovialité communicative qu’aucune épreuve ne semble pouvoir ternir. On cause avec eux de souvenirs, frais ou plus anciens, de cette tournée avec Nirvana qui les conduisit il y a près de trente ans à quelques mètres d’ici, du côté du Zénith. D’Alan McGee aussi. Et surtout de musique et de cette passion sans faille pour les mélodies et les harmonies qui illuminent leurs regards attendrissants de quinquagénaires épanouis. Cette passion qui leur permet de retrouver tout leur allant de jeunes hommes dès que commencent les balances, pour y interpréter une version ébouriffante de The Kids Are Alright des Who. Continuer la lecture de « Teenage Fanclub : l’entretien »
Catégories selectorama
Selectorama : Jacco Gardner
Obsessionnel nostalgique de technologie digitale. Revivaliste psychédélique à chapeau mou. Fan surdoué de Syd Barrett. Tel était peu ou prou le portrait robot de Jacco Gardner tel qui nous était apparu au moment de la sortie de ses deux premiers albums, Cabinet Of Curiosities (2013) et Hypnophobia (2015). Désormais installé à Lisbonne, Gardner y nourrit sa passion communicative pour les romans de science-fiction vintage et les synthétiseurs millésimés. Entièrement instrumental, Somnium, sorti l’an dernier, s’oriente résolument vers des formes musicales plus atmosphériques et abstraites. Une évolution qui transparaît dans une sélection planante et pointue. Continuer la lecture de « Selectorama : Jacco Gardner »
Catégories chronique nouveauté
Chris Cohen, Chris Cohen (Captured Tracks)
Dans la famille Cohen, il faut donc, cette fois-ci, commencer par demander le père. Bonne pioche ? Peut-être pas tant que ça. Kip Cohen, ancien collaborateur de Bill Graham au Fillmore East, directeur artistique dans les années 1970 chez Columbia et A&M où il encadra les débuts de carrière de Billy Joel, Styx ou Pablo Cruise, a récemment décidé de mettre un terme à 53 années de mariage, révélant publiquement au passage son homosexualité et ses diverses addictions, jusque là consciemment ignorées de ses proches. De quoi sérieusement secouer, on s’en doute, son musicien de fils qui s’est inspiré de ce contexte particulièrement déstabilisant pour composer le dernier volet d’une trilogie entamée en 2012 avec Overgrown Path. Continuer la lecture de « Chris Cohen, Chris Cohen (Captured Tracks) »
Catégories chronique nouveauté
The Leisure Society, Arrivals And Departures (Ego Drain/Modulor)
Depuis quand n’avait-on pas écouté – réécouté même – un double album dans son intégralité dès sa découverte, sans éprouver la moindre trace de lassitude, sans tricher en en fractionnant les longueurs indigestes ou fastidieuses ? On a beau chercher, farfouiller dans les tréfonds de vieux souvenirs d’adolescence : la réponse ne s’impose pas. Contrairement à ce cinquième album de The Leisure Society qui s’est immédiatement incrusté avec une force inattendue dans les recoins d’un quotidien dont il a pris possession depuis quelques semaines. Fascinant jusque dans ses moindres méandres, impossible à déloger de cette place centrale et privilégiée qu’il occupe d’ores et déjà tout près du cœur, le diptyque composé par Nick Hemming et Christian Hardy semble doté d’une force et d’une évidence que ne possédaient pas tout à fait les quatre premiers volets d’une œuvre pourtant très appréciable et conséquente. Continuer la lecture de « The Leisure Society, Arrivals And Departures (Ego Drain/Modulor) »