Accueille-moi paysage

L’immense Jean-Louis Murat s’en est allé ce matin.

Jean-Louis Murat
Jean-Louis Murat

Jean-Louis Murat, Jean-Louis, est mort.

Il y avait une chronique de son Best of dans les brouillons, en cours, elle y restera un moment. Le choc est trop grand.

Il est difficile d’exprimer à quel point la rencontre de son exigence artistique signalait une exigence d’être, que l’on pouvait faire sienne. Il est difficile de dire ce qu’il a pu continuer de représenter, au-delà de l’émotion absolue de sa découverte (pour moi ce fut Mustango, pour d’autres Cheyenne Autumn, Le Manteau de pluie, Vénus, Dolorès, Le Moujik et sa femme, Lilith, avant les années de moindre exposition, mais d’égale fidélité de la part de son public) : un trembleur, un passeur, un râleur, un lecteur, un immense chanteur semant le bazar dans son catalogue, un guitariste fin et pousse-au-crime, un compositeur sous-estimé capable de bouleverser dans tous les arts de la mélodie, et donc un auteur de chansons, moderne sinon contemporain, contemporain sinon moderne, attaché dans cette tension entre l’art de l’artiste et celui de l’artisan, suffisamment brûlé à l’idée de l’absolu pour que ses textes ne cessent de parler, au creux des nuits et des jours, inlassablement, au fil d’une série d’albums qui tous valaient le tour et le détour, à ce qui toujours tremble de même, de même que lui, et qui fait que nous ne sommes pas simplement nous mais aussi tout le reste. 

Il avait dû voir un film de John Cassavetes pour comprendre qu’il ne travaillerait plus jamais, qu’il serait ce moment-là, le chanteur, celui qui fait que les chansons sont, et personne d’autre, à aucun moment, au prix parfois de l’isolement, au prix d’abord et longtemps de la pauvreté, continuellement insoumis, assez chanceux pour avoir, dans le succès qui fut un temps le sien, à n’accepter que l’honorable, avant de trouver un statut plus confidentiel – tout le monde savait qui il était, mais beaucoup moins écoutaient les merveilles de Tristan ou de Taormina.

C’est sur Babel qu’il a laissé Frelons d’Asie et Long John, qui disent mieux que tout, tout le reste, ce qu’il était.

Vivant, loin du chenil.

Et c’est sur Mustango qu’il a donné Les Hérons, que nous pouvons une dernière fois, une nouvelle fois, une première fois écouter, puisque Jean-Louis est mort.

 

 

 

 

3 réflexions sur « Accueille-moi paysage »

  1. Nous devons être nombreux aujourd’hui à ressentir ce vertige, ce vide immense ; nombreux à se dire que ce type, son art, sa musique, ses textes, sa voix, son regard … faisaient partie de nous.
    Oui, le choc est trop grand. Amours éternels Jean-Louis.

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