Sumos, Surfacing (Safe Suburban Home/Meritorio)

sumosDifficile de se souvenir exactement de la première fois où l’on a entendu ces guitares. Peu importe en fait puisque, si loin que l’on fasse remonter la mémoire, elles demeurent associées à des révélations importantes, presque fondatrices. L’adolescence, les premiers émois à la rencontre des groupes Creation et, plus largement, de ce que les étiquettes de l’époque renvoient encore au fourre-tout de la noisy-pop. Bien avant, même : l’intro de Ticket To Ride sur les doubles cassettes rouges des Beatles ou la première compilation des Byrds, seul trophée majeur rescapé d’un séjour prétendument linguistique dans une sinistre banlieue londonienne.

Sumos
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Des guitares, donc. Ce sont elles qui ont tiscaux depuis l’enfance sans qu’on parvienne, jamais, à en dissiper le mystère un peu fascinant : un son comme un magma de notes enchevêtrées ou l’on entend pourtant s’égrener le contact de chaque doigt sur chacune des cordes. Un bourdonnement où la précision mélodique est brouillée, sublimée à la fois, par les cliquetis de l’électricité, où les instruments semblent résonner pour ce qu’ils sont – une boîte en bois verni fourrée de câbles électriques – tout en échappant, comme par magie, à cette trivialité matérielle. Une impression ambivalente de réconfort et de danger, comme si toute la vie à venir pouvait tenir condensée dans quelques mesures très simples. Ce sont ces mêmes guitares que l’on retrouve aujourd’hui sur le premier album de Sumos et qui abolissent provisoirement toutes nos aspirations à l’innovation formelle ou à la modernité.

En neuf chansons et une trentaine de minutes, Surfacing coche en effet toutes les cases susceptibles de restimuler cet engouement devenu essentiel. A commencer par ses origines géographiques. Manchester, bien sûr, mais ce n’est pas forcément le plus important : le poids des traditions locales n’apparaît pas ici comme un fardeau insurmontable et la grisaille ambiante est vite dissipée à coup de mélodies radieuses. C’est surtout dans l’espace intime et confiné de leurs chambres que Joel Sloan et Kyle Tarbuck semblent avoir cultivé leur inspiration qui ne doit pas grand-chose à l’air du temps, c’est le moins qu’on puisse écrire. Après avoir recruté la sœur de Tarbuck pour jouer de la basse et leur camarade Andy Kilroy pour assurer le rôle de batteur, ils ont enregistré et confidentiellement publié un premier Ep, Weird Summer, 2020 avant de se lancer sur un format si condensé qu’on ose à peine le qualifier de long. Il n’y a aucun pari à prendre sur leur devenir à long terme. Simplement à se réjouir dans l’instant de (re)découvrir tout ce qu’un premier album pop peut avoir à offrir de meilleur : une insouciance communicative, une innocence parfois maladroite mais qui ne surjoue jamais la naïveté et une conviction qui balaie les doutes et les réticences nostalgiques, comme si seule comptait l’urgence à mettre ces chansons au monde, sans se préoccuper de leur ancrage historique. Qu’importe alors qu’on ait pu le ressentir avant et avec d’autres. Le plaisir éprouvé à entendre les cadences entraînantes de Come On Over, les changements d’accords pourtant rebattus qui précède le refrain de Enemies ou les saturations bordéliques de The Other One demeure absolument intact. Grâce soit rendue à Sumos de rafraîchir ainsi bien davantage que de simples souvenirs.


Surfacing par Sumos est disponible sur le label Safe Suburban Home/Meritorio.

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