Tony Wilson : « Qui dois-je imprimer alors, la vérité ou la légende? »

Anthony H. Wilson
Anthony H. Wilson

Il est une certitude. Détesté ou adulé, Anthony H. Wilson a changé le visage de la musique moderne. En créant un beau jour de 1978, avec une poignée d’autres illuminés, Factory Records. En « signant » Joy Division – devenu New Order – et Happy Mondays, mais aussi The Durutti Column et A Certain Ratio. En contribuant à la création de La Haçienda, le club par lequel la house music a débarqué sur le Vieux Continent. Journaliste, présentateur télé, manager, beau parleur et esprit frondeur, il a définitivement fait de Manchester l’un des points cardinaux de la scène internationale. De théories situationnistes en déclarations définitives, de décisions suicidaires en utopisme forcené, il a marqué toute une génération de mélomanes. Sans lui, peu de chances que Postcard, Creation ou Heavenly aient vu le jour. Sans lui, sans doute que ce magazine, et quelques autres, n’auraient jamais existé. En interview, l’homme aimait à citer un dialogue extrait du film de John Ford, L’Homme Qui Tua Liberty Valance (1962) : « Qui dois-je imprimer alors, la vérité ou la légende ? – Juste la légende, bien sûr ». Avec Anthony H. Wilson (1950-2007), les deux se confondaient plus que de raison.

A Certain Ratio et The Durutti Column

« Je m’occupais des deux groupes tout au début des années 80 : dans The Durutti Column, j’avais un guitariste fantastique qui faisait un piètre chanteur. Avec A Certain Ratio, j’avais un chanteur impressionnant qui voulait se consacrer à la trompette. J’ai donc passé deux ans de ma vie à tenter de convaincre le premier d’arrêter de chanter et le second de laisser tomber son instrument. Sans succès… »

MorrisseyStephen Patrick Morrissey

« Un jour, il m’appelle et me demande de passer le voir, chez sa mère à Stretford et là, il me dit : « J’ai décidé de devenir une pop star ». Il a fallu que je me retienne pour ne pas lui répondre : « Ca n’arrivera jamais… »

Factory Classical

« Je m’en fous si ça n’a pas marché. Tout au long de notre histoire, nous avons présenté la pop comme de la musique classique, comme un objet d’art. Avec Factory Classical, nous avons décidé de présenter la musique classique comme de la pop. Notre idéologie inversée. C’était un très beau concept. »

HaçiendaLa Haçienda

« J’ai toujours pensé, d’une certaine manière, que Factory rendait ainsi la monnaie de sa pièce à Manchester. (…) Une partie du génie de Joy Division venait de la culture de Manchester et, en construisant ce club, nous reversions ainsi à la ville une partie de nos profits. »

HaçiendaLa Haçienda – bis

« La Haçienda représente quinze années de cauchemar. Nous avons perdu des millions de Livres. Quand New Order enregistrait aux studios Real World (ndlr. durant l’année 1992), j’allais là-bas chaque semaine pour des réunions de crise à ce sujet. Lors d’une d’entre elles, j’ai dit à Barney : « Allez, c’était quand même merveilleux. S’il existait un bouton qui permette de faire disparaître La Haçienda, que ferais-tu sincèrement ? » Il m’a répondu : « Tony, dis-moi où se cache ce putain de bouton ! »

The Heyday Sex Pistols FactoryThe Heyday, une interview sur cassette des Sex Pistols parue sur Factory en 1980

« En fait, elle contient la vraie philosophie de Factory, dans la bouche même de Sid Vicious. On lui demande : « Quand tu composes, tu penses à l’homme de la rue ? » – « Non », répond-il. « L’homme de la rue est un trou du cul. » Voilà, ça résume complètement Factory. (…) Que l’homme de la rue aille se faire foutre ! »

Martin HannettMartin Hannett

« Vers 1982 est apparue cette machine, le Fairlight. Nous n’avions aucune idée de ce que c’était, nous savions juste qu’elle coutait horriblement cher. Et nous étions obsédés par le projet de La Haçienda. « Je veux un Fairlight, quelle est cette merde que vous êtes en train de construire, je veux mon Fairlight ! » Martin ne l’a jamais eu, contrairement à Trevor Horn. Et la suite s’appelle Frankie Goes To Hollywood. Le reste appartient à l’histoire… »

Stockholm MonstersStockholm Monsters

« Je ne pardonnerai jamais au public d’avoir dédaigné les Stockholm Monsters. »

FactoryFactory

« La presse nous voyait à mi-chemin entre le banditisme et l’intellectualisme, je pense qu’elle avait raison. Nous avons un peu des deux. Notre grande spécialité, c’est de mettre les gens en boîte. j’ai passé la moitié de ma vie à expliquer les actes de Rob Gretton (ndlr. l’associé de Wilson dans Factory, manager de Joy Division et New Order, décédé en 1999) et à m’excuser à sa place. C’est le mancunien définitif. En fait, voilà ce qui définit Factory. Nous sommes très mancuniens. C’est ce qui nous rend si différents. »

La scène américaine, en 1990

« Réveille-toi, Amérique, tu es morte ! »

White StripesLa scène musicale des années 00

« Les deux groupes les plus importants de ce début de troisième millénaire, The White Stripes et Franz Ferdinand, ont signé sur des labels indépendants. L’esprit est toujours là, n’en déplaise aux majors, qui ne comprendront jamais rien. »

24 Hour Party People24 Hour Party People

« C’est simple : il s’agit du seul film rock réussi de l’Histoire. Presque Célèbre n’est pas trop mal, mais la musique est minable. The Doors est un ratage complet, Absolute Beginners, une catastrophe. Dans 24 Hour, l’ambiance, l’atmosphère ont été privilégiées au détriment de la véracité. C’est là que réside sa force. » (A revoir ici)

Tony WilsonLui-même

« Je ne suis pas un génie machiavélique, comme l’est Malcolm McLaren. Je me contente d’être un suiveur. »

Tony Wilson Shaun Ryder 13

« Je suis incroyablement chanceux… Bébé, j’étais vaguement au courant de ce qu’était le rock’n’roll. j’avais treize ans et j’étais à l’école quand les Beatles sont apparus. (…) J’en avais vingt-six et j’étais présentateur télé avec ma propre émission au moment où le punk a explosé. Puis, à trente-huit ans, j’étais encore là pour assister à l’émergence de l’acid house. Comme ce sont des cycles de treize années – 1950, 1963, 1976, 1989 -, ma grande ambition est d’être là en 2002, quand se produira le prochain bouleversement musical. »

Tony WilsonSon cancer

« Je suis la personne de toute cette industrie musicale notoirement connue pour n’avoir jamais fait aucun profit avec ce business. j’avais l’habitude de déclarer que certains sont là pour gagner de l’argent, quand d’autres écrivent l’histoire – ce qui est très drôle, jusqu’au jour où tu n’as même pas de quoi t’offrir le luxe de rester en vie. »

Ian CurtisIan Curtis

(ndlr, la fausse déclaration que lui a prêté le journaliste Nick Kent en 1990, devenue depuis légendaire) « Ai-je un problème avec l’idée de voir l’un des Happy Mondays mourir dans mes bras ? (…) Ca ne me pose aucun problème de voir l’un de ces types crever ! Ecoute, la mort de Ian Curtis est la plus belle chose qui me soit arrivée dans la vie. La mort fait vendre ! »


Un article paru dans la RPM n°113, datée de septembre 2007.

Une réflexion sur « Tony Wilson : « Qui dois-je imprimer alors, la vérité ou la légende? » »

  1. a propos de The Durutti Column il y a trois rééditions en vinyle de premier plan dont section 26 doit rendre compte absolument

    Sex and Death chez factory benelux
    Red Shoes sortie en cd a l’epoque chez chez materiali sonori
    et idem pour Dry

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