The The, le festin nu

The The
The The

Alors que le chef d’œuvre Soul Mining vient de fêter ses 40 ans et que la tête pensante de ce groupe au nom palindrome (enfin genre) a annoncé une tournée mondiale en 2024, intitulée Ensouled World Tour, l’occasion était parfaite pour retrouver la trace d’une rencontre new-yorkaise survenue pendant l’automne 1999 à New York. Alors sur le point de sortir l’album NakedSelf, l’insaisissable Matt Johnson, alias The The, confirmait avec brio qu’il s’inscrivait dans la lignée de ces quelques compatriotes musiciens – feu Mark Hollis, David Sylvian entre autres – qui ont tutoyé le succès presque malgré eux tout en suivant une destinée artistique d’une élégante intransigeance… Dans un numéro de la RPM parue en janvier 2000, voilà à peu près ce quon pouvait lire au sujet de Johnson et de ce disque-là. Depuis 1995 et Hanky Panky, l’étonnant hommage rendu à l’œuvre d’Hank Williams, Matt Johnson avait disparu de la circulation. Entre un album arlésienne et une résidence new-yorkaise, l’homme, énigmatique et insaisissable, travaillait sur NakedSelf, un album féroce et métallique et ultime preuve qu’il est bien l’un des artistes le plus doué et inflexible de sa génération. Sûr de son bon droit, avec une rare intelligence, il porte un jugement sans pitié sur un univers musical qu’il côtoie depuis vingt ans et revient sur un parcours intransigeant.

La réputation de l’homme n’était guère flatteuse. Ou plutôt effrayante. On le disait irascible, muet comme une carpe, capable de quitter la pièce à la moindre question un tantinet provocante ou déplacée. Une réputation que l’on pensait d’une véracité sans faille, tant Matt Johnson est un personnage énigmatique, d’apparence hautaine, toujours sûr de lui et de ses choix artistiques. Depuis cinq ans et la sortie d’un projet peu banal, Hanky Panky, où il s’attaquait au répertoire de Hank Williams, figure emblématique de la country, il a d’ailleurs disparu de la circulation sans crier gare. Ce disque, au demeurant une réussite, pouvait sembler être une idée bien étrange de la part d’un musicien issu de la scène post-punk britannique. Mais Johnson a toujours aimé désarçonner jusqu’à ses fans les plus acharnés. C’est au Mercer Hotel, endroit des plus designs et cossus situé en plein cœur de Soho, à Manhattan, que la rencontre doit se dérouler. Comme de bien entendu, l’homme n’a rien du monstre de froideur annoncé. Au contraire. Certes très britannique, d’une politesse sincère, habillé sobrement – chemise noir, pantalon noir –, il entame immédiatement la discussion, tout en sirotant un thé brûlant. “Ça doit faire six ans maintenant que je suis venu m’installer à New York. Mais j’ai beaucoup bougé ces derniers temps, je vis entre les États-Unis, la Suède et l’Espagne. En général, je reviens un mois par an à Londres, pas plus… Je ne supporte plus l’Angleterre. Ce pays a agi comme une prostituée et s’est vendu au plus offrant. Tous les services d’utilités publiques appartiennent à des multinationales étrangères. C’est un pays qui n’existe plus, tombé entre les mains d’hommes d’affaires. Et puis, les médias sont devenus de plus en plus médiocres. Ils recherchent tous le plus petit dénominateur commun pour pouvoir vendre… Le Guardian, récemment, a consacré une pleine page à l’une des Spice Girl qui laissait tomber son petit ami. Le Guardian ! En fait, je trouvais que l’Angleterre ressemblait de plus en plus à une version miniature des États-Unis. Je me suis donc dit : ‘Autant aller vivre là-bas, car, au moins, je n’aurai pas de mauvaises surprises…’ En plus, je ne me sentais plus aucun point commun avec la scène musicale. Aujourd’hui, dès qu’un artiste a un peu de succès, il devient la huitième merveille du monde. Pour disparaître quelques semaines après. Tout cela me semble futile. Futile et pathétique”.

Vingt ans. Vingt ans que le premier disque de The The a vu le jour. Un single, Controversial Subject, réalisé par un label indépendant balbutiant baptisé 4AD. Matt Johnson a depuis mené sa barque sans jamais tricher, sans jamais hésiter à prendre son temps, à disparaître, se faire oublier comme pour mieux revenir au moment où on l’attend le moins… Pourtant, cette fois, sa retraite fut plus ou moins forcée. Car, voilà près de deux ans qu’est annoncé régulièrement le nouvel album de The The, premier disque à offrir des compositions originelles depuis Dusk, réalisé en… 1993. “Ce fut un long cheminement”, explique Matt Johnson sans perdre le sourire. “Souvent, quand des artistes britanniques viennent s’installer ici, ils ont tendance à mettre un peu d’eau dans leur vin… Alors que moi, je suis devenu plus agressif. Manhattan est un endroit étonnant, c’est une sorte d’état miniature. Bien sûr, tout indique que nous sommes bien aux États-Unis, mais c’est aussi un lieu très cosmopolite, où beaucoup d’idées circulent. Tom Waits a une très belle formule : ‘Manhattan, c’est le monde concentré dans une tête d’épingle…’ C’est un endroit très motivant. Depuis l’âge de vingt ans, je viens souvent à New York. C’était presque devenu une deuxième maison, j’ai toujours beaucoup aimé cette ville. Mais cela ne m’empêche pas d’haïr et de critiquer toujours la politique étrangère américaine. Mais il y aussi des côtés que j’admire chez les Américains, comme l’énergie perpétuelle qu’ils déploient pour parvenir à leurs fins”.

Au tout début, The The était un duo, complété par l’énigmatique Keith Laws. Mais cette formation n’est qu’éphémère. Rapidement, Johnson souhaite être seul maître à bord, enregistre un album solo pour 4AD, le cultissime Burning Blue Soul, et privilégie les collaborations sous l’un des patronymes les plus saugrenus de l’histoire du rock. Le résultat ? Signé sur Epic, le jeune homme – il a à peine 21 ans – réalise un disque prodigieux, Soul Mining, porté par deux hits – This The Day et Uncertain Smile – et auxquels participent quelques unes des figures de la scène musicale d’alors, tels Zeke Manyika, batteur d’Orange Juice, ou Thomas Leer, un dingue d’électronique. Le groupe-artiste entame alors une collaboration de dix-sept ans avec la major et surtout, fait suffisamment ses preuves, aussi bien artistiquement que commercialement, pour qu’on lui fiche la paix. En tout cas, jusqu’à un beau jour de 1997… “Après Hanky Panky, je me suis mis au travail sur nouvel album, intitulé Gunsluts (ndlr. seul la chanson éponyme finira par voir le jour…). Il était vraiment extrême, très expérimental, certaines compositions dépassaient les vingt minutes. Quand les représentants du label sont venus à New York pour écouter les bandes, ils ont trouvé le résultat atroce, ils ont pensé que j’étais devenu fou… Ils se demandaient pourquoi j’étais si agressif. Il n’y avait pas de raisons particulières, ce disque traduisait juste mon état d’esprit de l’époque. En tout cas, ils ont refusé de considérer ce disque comme un album de The The, de me donner l’avance nécessaire pour que je mène à bien ce projet. Alors, je l’ai mis de côté et ai commencé à travailler sur NakedSelf. J’arrivais au terme de mon contrat, ils le savaient très bien et voulaient jouer là-dessus pour m’influencer. Financièrement, je n’étais pas au mieux, mais je ne voulais tomber dans leur jeu. Ils voulaient prolonger mon contrat, mais attendaient de moi des singles… Mais c’est complètement opposé à la philosophie que j’ai toujours suivie ! J’ai un passé, j’ai vendu des disques, des tonnes de disques, j’ai déjà fait mes preuves. Je ne suis pas B*Witched ou Manic Street Preachers… Je leur ai dit que je ne voulais pas aller plus loin avec eux, que je voulais garder les bandes de Gunsluts et NakedSelf, qui était pour ainsi dire achevé. Et que, si jamais ils désiraient quand même commercialiser ce dernier, je n’assurerai aucune promotion. Nous avons discuté comme de grandes personnes, ils m’ont rendu ma liberté et mes disques…” En octobre 1998, Matt Johnson se retrouve seul. Pendant dix mois, l’homme étudie les diverses propositions, avant de se décider pour Nothing, la structure créée par Trent Reznor, éminence grise de Nine Inch Nails. “Ils ont écouté les titres, les ont trouvés extraordinaires et m’ont signé. Et à vrai dire, j’étais plutôt soulagé. Quand tu fréquentes un même milieu professionnel depuis vingt ans, il est normal que tu doives faire face à des changements, à des évolutions. Mais là, depuis que j’ai commencé, je crois que c’est la pire période que j’ai pu connaître. Plus personne ne laisse parler son instinct. Les gens quittent les labels de plus en plus vite, il n’existe plus de continuité… Plus personne ne cherche à développer un artiste sur le long terme”.

Sur NakedSelf, se côtoient deux approches presque opposées : certaines chansons sont très denses, très agressives, d’autres, complètement dénudées…
Tout simplement parce que certains morceaux, comme Soul Catcher par exemple, n’ont pas besoin d’arrangements, de rythmique pour délivrer toute leur puissance. Sur ce disque, j’ai décidé de prendre le contre-pied de tout ce que peut offrir la technologie moderne. Nous avons juste enregistré avec deux guitares, une basse et une batterie. Sur un seize-pistes. Nous n’avons utilisé ni claviers, ni samplers, ni sequencers, ni même un harmonica… Je me suis débarrassé du superflu, j’ai voulu revenir à la façon dont je travaillais à l’époque de Burning Blue Soul, à une époque où il fallait avant tout faire marcher son imagination, faire fonctionner son cerveau pour pouvoir utiliser toutes les possibilités d’un studio et être confronté à ses limites. Bien sûr, il est toujours possible d’acquérir le dernier gadget à la mode où tu n’as qu’à appuyer sur un bouton pour obtenir le son dont tu rêvais depuis dix ans… Mais le problème avec cette nouvelle technologie, c’est que tu passes plus de temps à lire le manuel d’utilisation qu’à faire ce que tu devrais faire, c’est à dire de la musique… C’est quand même fâcheux.

Tu sais, dès le morceau composé, comment tu vas le traiter en studio ?
Non, pas forcément. Maintenant, dès que j’ai joué Soul Catcher à la guitare acoustique, je savais qu’elle resterait en l’état. Pour d’autres, j’imaginais déjà, tout en les interprétant, la batterie, les parties guitares. Maintenant, il faut parfois attendre d’être en studio pour que l’ensemble prenne forme.

Le fait d’avoir enregistré Hanky Panky t’a-t-il influencé en tant que compositeur ?
Bien sûr, et je pense que cela s’entend sur les morceaux les plus simples de NakedSelf. J’ai compris qu’une chanson pouvait être courte et néanmoins excellente… À une ou deux exceptions prêt, les titres de ce nouvel album sont bien plus courts que ceux de mes disques précdents. J’ai essayé de condenser les choses. Au départ, DieselBreeze devait figurer sur Gunsluts, dans une version très longue que j’ai décidé de raccourcir. À l’origine, Boiling Point était une digression à deux guitares sur plus de quinze minutes… Et cette volonté nouvelle vient sans doute du fait d’avoir repris des morceaux d’Hank Williams. Ce projet a eu d’ailleurs beaucoup plus de succès que je ne l’aurais imaginé. Mais la plus belle réussite reste d’avoir reçu une lettre de sa fille où elle m’a avoué que ces reprises étaient les plus belles qu’elle a entendues… C’est un album que je voulais réaliser avant tout pour moi même, surtout pour ne pas avoir à ressentir la pression de la composition. Je voulais juste être chanteur. Je n’ai joué d’aucun instrument. Je m’occupais juste des voix et de la production. Je vais d’ailleurs refaire un projet du même type, avec des compositions de Robert Johnson.

Qu’entends-tu par la “pression de la composition” ?
C’est une pression intérieure. Je veux pouvoir me surpasser à chaque fois. Je me refuse à réaliser des titres qui ne soient pas assez bons selon mes critères. Parfois, d’autres personnes peuvent les juger excellents, et c’est leur droit le plus naturel. Mais il faut qu’ils me satisfassent moi.

Au fil du temps, tu penses t’être amélioré en tant que compositeur ?
Sans aucun doute. Sur ce disque, se trouvent sans doute les meilleures chansons que j’ai pu écrire. Je ne sais pas si tout le monde partagera cet avis, mais bon… En général, quand une personne compare tes albums, il y a toujours une dimension affective, nostalgique qui entre compte. Pour certains, Soul Mining restera à jamais comme mon meilleur disque parce qu’ils ont grandi avec… Je comprends tout à fait cela, j’ai le même rapport avec les œuvres d’autres artistes. Je vais préférer certains albums tout simplement parce qu’ils constituent la bande-originale de ma vie. Même s’ils sont loin d’être les meilleurs, d’un point de vue strictement artistique.

NakedSelf est un album étouffant, oppressant, où les poses acoustiques – SoulCatcher, December Sunlight ou Phantom Walls – sont autant de respirations salvatrices. Brutal et sans fioriture, le disque ne ressemble pas à son géniteur, au discours posé, toujours cohérent, même lorsqu’il évoque les sujets délicats ou irritants. Matt Johnson, de toute façon, est avant tout heureux de revenir sur le devant de la scène et se montre intarissable dès qu’il s’agit d’évoquer les musiciens qui l’accompagnent aujourd’hui. “On a fait une tournée d’une douzaine de dates aux États-Unis en novembre dernier et tout s’est très bien passé. Le groupe est fantastique… Ce sont des gens très étranges, aux personnalités très fortes. J’ai rencontré Spencer Campbell, le bassiste, par l’intermédiaire de Bryan McLeod, mon ancien batteur. C’est un musicien surdoué mais… incontrôlable. C’est un buveur de whiskey, une boisson qui rend agressive. Je connaissais sa réputation. Il a joué avec… Avec Kenny Rogers ! Un jour, en répétition, Eric, le guitariste, lui a demandé de baisser le son de son ampli… Alors, il a posé son instrument, s’est approché et lui a donné un coup de tête. Puis, il a repris sa place, monté le volume au maximum et a précisé : ‘Ne me répète plus jamais ça’. Bien sûr, je me suis demandé si je pouvais vraiment le garder… Dans la musique, aujourd’hui, on ne trouve plus de tel personnage, des Keith Moon, des John Bonham… Bien sûr, je prends un risque mais je ne peux me passer d’un musicien aussi talentueux, et j’en ai marre de cet univers aseptisé où tout le monde se croit obligé de sourire à son voisin. Earl Harvin, le batteur, est exceptionnel… Pourtant, j’ai toujours eu la chance d’être accompagné par de grands batteurs, Dave Palmer, Bryan McLeod ou Bruce Smith, du Pop Group, sur Dusk. Mais lui, c’est un prodige. Môme, on le surnommait le Michael Jackson de la batterie, il faisait des représentations. Je crois qu’il a accompagné Sly Stone à un moment. Mais il ne veut pas parler de son passé. J’ai vu des photos où il était habillé en femme… Auparavant, il jouait avec MC900 Ft Jesus, qui l’avait découvert dans un club jazz de Dallas. Eric, lui, m’accompagne depuis l’enregistrement de Hanky Panky. C’est un musicien très sous estimé, il n’a pas encore été reconnu à sa juste valeur. Il a joué avec Iggy Pop. On le surnomme ‘The Flying Deutschman’ car un jour, lors d’une tournée allemande, Iggy l’aurait balancé d’un bus en marche. Il a co-écrit trois morceaux sur NakedSelf. Il habite à New York et sa présence est presque rassurante pour moi… A priori, je pense que c’est la meilleure formation que j’ai jamais eue. Mais, après tout, qui sait. À l’époque de Mind Bomb, avec Johnny Marr, Dave Palmer, James Eller, nous avions atteint un sacré niveau . Mais je crois que le groupe actuel est capable de rivaliser”.

Contrairement à nombre de ses contemporains, Matt Johnson ne s’est jamais plongé dans les nouveaux courants électroniques, fidèle à une ligne de conduite qui l’a vu s’inspirer de la pop, du jazz ou du rock, laissant libre cours à ses envies, à son inspiration. Le bien nommé Infected, en 1986, Mind Bomb, en 1989 – porté par le tube The Beat(en) Generation – ou le Dusk de 1993 – dont l’enregistrement fut marqué par le décès du frère de Matt – ont à chaque fois imposé ce drôle de personnage aux sommets des charts et ce, quelle que soit la mode de l’instant. Mais cette considération – vendre ou ne pas vendre – n’ont jamais été prioritaires chez The The. À quelques semaines de la sortie de NakedSelf, elles le sont encore moins. Johnson fait même preuve d’une humilité et s’est même interdit “d’avoir un quelconque avis sur cet album, qu’il soit positif ou négatif car après avoir disparu sept ans en tant que compositeur, je ne peux que rester humble et attendre le verdict du public…” Il s’interrompt. D’une pièce voisine, s’échappe un rythme répétitif qui lui fait tendre l’oreille. Il soupire, montre quelques signes d’exaspération. “La techno… Sincèrement, je ne supporte pas. 95 % de la production est tout simplement exécrable. Tu entends ça partout aujourd’hui, dans les boutiques, les ascenseurs, tu ne peux plus y échapper. Quand j’ai débuté, il y avait peut-être un millier de disques qui sortaient par année. Aujourd’hui, ce doit être une centaine de milliers ! C’est un raz-de-marée perpétuel. Sincèrement, je n’envie pas ton métier, je ne vois pas comment vous pouvez faire face. Pour arriver aux productions intéressantes, il faut d’abord nager dans des eaux nauséabondes. Et je n’en ai plus le courage. (Sourire.) Je passe sans doute à côté de choses intéressantes”.

Nombre de tes contemporains pensent que les années 1990 furent parmi les plus excitantes en musique et surtout, bien supérieures à la décennie 1980… 
Ah bon… Je ne partage pas vraiment cet avis. Que reproche-t-on aux années 80 ? MTV ? Mais, c’est quand même lors des années 1990 qu’ont triomphé tous ces groupes stéréotypés et ancrés dans les années 1960, les boys bands, les mauvais rappeurs. Dans un sens, il me semble que les groupes, les artistes, ceux qui venaient des structures indépendantes, étaient quand même plus créatifs lorsque j’ai débuté.

Créatif, Matt Johnson l’a toujours été. S’il n’a réalisé que sept albums en l’espace de vingt ans, l’homme est pourtant bien plus prolixe qu’il n’y paraît. Mais une prolificité souvent bridée par des critères de sélectivité impitoyable. “Chez moi, je dois avoir des centaines d’heures de bandes non utilisées. Parfois, lorsque j’en réécoute certaines, je trouve des choses vraiment intéressantes, je n’arrive pas à comprendre pourquoi je ne le ai pas réalisées à l’époque. Après Dusk, j’avais composé des morceaux d’obédience plutôt trip-hop, alors que ce courant n’en était qu’à ses balbutiements. Mais je n’aime m’approprier un monde auquel je suis étranger… Ce courant appartient aux gens qui l’ont généré. Moi, je viens d’un milieu différent et je n’ai pas envie de monter dans un train en marche. Je trouve révoltants les groupes qui essayent de se recycler… C’est une position sans doute un peu vieux jeu… Mais si je décidais aujourd’hui de faire un morceau house, j’aurais l’impression de me déguiser en teenager !” Et Matt Johnson n’a plus le temps de jouer au clown… Après des années 1990 un rien frustrantes, il entre dans le nouveau millénaire de plain-pied, avec une multitude de projets. Il a, pour ce faire, créer son propre label, Lazarus, qui devrait permettre à ses fans d’assouvir tous leurs fantasmes… “C’est une petite structure qui me permettra de faire des choses en parallèle de Nothing, je ne recherche pas la compétition. Je vais commencer par réaliser les trois albums qui n’ont jamais vu le jour… Spirits que je n’avais pu réaliser en 1980, The Pornography Of Despairs, qui date de 1982 et était sorti en catimini et enfin, Gunsluts… J’avais réécouté Spirits il y a dix ans et je trouvais le résultat horrible, je ne me voyais pas sortir ‘ça’ un jour. Aujourd’hui, même si le disque sonne très naïf, je le trouve plutôt de bonne tenue. Il est assez proche de Burning Blue Soul. The Pornography… est beaucoup plus expérimental. En fait, à la lumière de NakedSelf, je leur trouve une certaine pertinence. Et puis, j’en ai un peu marre du monde des majors. Je veux trouver une nouvelle manière de distribuer ma musique ou une partie de ma musique. Je vais me servir de mon site Internet… Lazarus, c’est l’assurance de pouvoir disposer d’une liberté extraordinaire. Je vais réaliser une série de maxis, intitulée Interpretations, dont le premier sortira en mars : ShrunkenMan, extrait de NakedSelf, sera repris par trois groupes que nous respectons. Ça me semble quand même plus intéressant que de vulgaires remixes… Pour le premier, il y aura Fœtus, John Parish et un groupe belge, DAAU. Bien sûr, dans un premier temps, Lazarus sera réservé aux seuls travaux de Matt Johnson, tout simplement parce qu’il ne sent pas capable de “supporter sur mes épaules tout le poids de la carrière d’un autre. Si j’avais trois conseils à donner à un groupe qui débute aujourd’hui, ce serait : ne signer sur une major que si elle te propose une somme astronomique car, dans ce cas, tu peux être sûr qu’ils vont devoir s’employer pour récupérer l’argent investi ; ne surtout pas lire la presse à son sujet car elle te rend soit arrogant, soit te fait perdre confiance en tes moyens ; enfin, suivre l’exemple d’Ani Di Franco, une artiste que j’adore et qui a décidé de tout gérer en autarcie. Et si tu n’en as pas le courage, peut-être vaut-il mieux jeter l’éponge immédiatement”.


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