Dans les années soixante-dix, Greg Shaw met un nom sur la musique qu’il adore : la powerpop. Dans un numéro de la revue Bomp! il définit les tables de loi du genre. Dans un même élan sont associés Big Star, Badfinger, Blue Ash, Raspberries, The Move, Easybeats, The Beatles, The Who, The Creation et d’autres. En plus de l’écrit, le Californien se joint à l’action à travers un label du même nom que son fanzine. Sur Bomp! il publie de nombreux 45 tours de ces nouveaux groupes powerpop. Parmi eux, Shoes, The Romantics, 20/20, Flamin’ Groovies restent le temps d’un single puis rejoignent une major mais d’autres, comme The Last se fendent aussi d’albums. L.A. Explosion! sort ainsi en 1979. Le 33 tours du groupe de Los Angeles est au carrefour du foisonnement de l’époque. The Last croisent la scène hardcore (Black Flag, Redd Kross) à The Church et les prémices du son Paisley Underground (Bangles, 3 O’Clock) en concerts. Leur musique témoigne de cette ambiance si particulière. Si L. A. Explosion! est un vibrant témoignage à la musique des années soixante, elle n’hésite pas à s’encanailler auprès d’un punk plus musclé. Les premiers singles du groupe ne sont d’ailleurs pas piqués des hannetons ! Sur l’album, l’ancien bassiste d’Hawkwind, John Harrison, leur concocte un son plus aéré et propre. Certains regretteront ainsi l’énergie des débuts mais les guitares de The Last n’avaient alors jamais aussi bien sonné. C’est un festival de mélodies cristallines égrainées fougueusement. Les amateurs de jangly se sentiront un peu plus proches du paradis. Le groupe comprend alors Joe Nolte (guitare et chant), Vitus Mataré (flûte et clavier), Mike Nolte (chant), David Nolte (basse) et Jack Reynolds (batterie). Est-ce la présence de trois frères ? En tout cas L.A Explosion! présente un certain raffinement au niveau des chœurs et du travail vocal. Sans être aussi abouti que chez les Beach Boys ou les Byrds, cela participe à rendre ce groupe très attachant, de même que l’utilisation de la flûte. Joe Nolte se charge d’écrire la majorité des chansons. Celles-ci se démarquent aussi de la concurrence. Elles font preuve d’une réelle élégance.
This Kind of Feeling est ainsi un hommage appuyé au son merseybeat tandis que la formidable Every Summer Day s’éprend des plages chères au surf rock, notamment celui des Barracudas. Le piano frénétique de The Rack renvoie au rock & roll des pionniers. The Fool (écrite par Vitus Mataré) démarre comme une ballade moyenâgeuse avant d’embrayer sur un morceau surf-punk enlevé. C’est aussi irrésistible que stupide, une véritable extravagance. L’album peut aussi compter sur une ouverture grandiose : She don’t Why I’m Here est une fameuse chanson aux accents garage/folk-rock. En quelques secondes, The Last nous plonge sur le Sunset Strip quand Love ou Buffalo Springfield y tenaient le haut de l’affiche. En quinze morceaux, The Last tente ainsi une synthèse inédite, un pied dans le passé, l’autre fermement dans le présent, à l’image de la powerpop donc. L.A. Explosion! offre ainsi au genre un de ses plus beaux albums, un disque culte à redécouvrir, comme la suite de la carrière du groupe.
Chouette chronique. The Last a fait d’autres excellents disques. En particulier celui de 2013 ( « Danger ») produit par Bill Stevenson des Descendents et Black Flag.