Pernice Brothers, Who Will You Believe (Ashmont/New West)

Growing old seemed like death
to me when I was young.
Now I want to grow old.
And I want to belong.
Joe Pernice, How Will We Sleep

Dans Haute Fidélité de Nick Hornby (1995), le héros et ses adjuvants en érudition musicale éprouvaient toutes les peines du monde à concevoir la playlist idéale pour un enterrement – celui du beau-père de Rob. Cinq bonnes chansons évoquant la mort ? En dépit de leur connaissance encyclopédique des recoins les plus confidentiels de la pop, les trois disquaires ramaient lamentablement et finissaient par contourner la difficulté avec une pirouette et quelques rires. Trente ans plus tard, la tâche semble moins insurmontable. Nos figures de référence ont vieilli, et nous avec elles. Ou l’inverse.

Joe Pernice
Joe Pernice

Il a bien fallu inventer les réponses à la question centrale soulevée autrefois par le roman de Nick Hornby : comment vivre tant bien que mal son existence d’adulte tout en conservant ses attachements indéfectibles à une forme culturelle fondée, à l’origine, sur la célébration des élans éphémères de l’adolescence ? Le nouvel album de Joe Pernice – le premier en formation collective et familiale depuis cinq ans – contient, à cet égard, quelques pistes éclairantes et convaincantes. Depuis le dernier épisode, des amis ont disparu. David Berman. Gary Stewart, le co-fondateur de Rhino Records et soutien fidèle de l’artiste et de ses groupes successifs. Un cousin proche également. Confronté aux deuils en série, Pernice choisit de ne pas en évoquer frontalement les causes, les circonstances ou les retentissements directs. Lorsqu’il s’agit d’observer une éclipse, il vaut mieux accéder à la réalité par des voies filtrées ou détournées que de se brûler les yeux. C’est un peu la même chose.

La perte est donc omniprésente dans ces onze chansons ponctuées, à mi-parcours, par un instrumental, sans que, pourtant, il en émane ni accablement ni pathos. Ce sont les souvenirs qui en forgent la matière essentielle, nourrissant le récit poétique de détails à la fois très précis et, pour qui les découvre sans les avoir vécus, presque surréalistes – Not This Pig et son curieux bestiaire. Ils constituent autant de points d’appui sur lesquels il redevient possible de construire – et même de réaffirmer la présence d’un certain élan vital (Look Alive) – sans s’égarer dans l’expression du doute. Who Will You Believe, How Will We Sleep : pas de ponctuation pour feindre l’ouverture ou l’incertitude. Les questions-titres n’en sont pas vraiment ; les chansons apportent seules les fragments de réponse. Avec élégance et pudeur, Pernice esquisse en creux ce qui n’est plus – les amours (What We Had, December In Her Eyes) tout comme les amitiés plutôt que de chercher vainement à figer l’indicible. L’alternance parfaitement maîtrisée des registres musicaux très variés renforce cette impression de l’entendre tracer des cercles sonores concentriques autour de ces ombres essentielles. Pour les circonscrire, ne pas se laisser déborder – et, quand la voix si patinée se brise quelques instants à l’entame du bouleversant morceau final (The Purple Rain), on sent bien que l’issue du combat n’est pas complètement jouée d’avance. Les nuances orchestrales qui colorent la trame folk de plusieurs titres, les tonalités soul de December In Her Eyes, le quasi-classicisme country du duo mixte avec Neko Case (I Don’t Need That Anymore), les fulgurances indie-rock de Hey Guitar, ode assumée à ses passions musicales adolescentes : autant de pièces qui, assemblées gracieusement, forment comme un escalier en colimaçon dépourvu de dernière marche et qui s’achève, en suspens, sur un coin de ciel.


Who Will You Believe par Pernice Brothers est disponible sur le label Ashmont/New West.

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