Stranger Teens #3 : « Expecting To Fly » par The Buffalo Springfield (1967)

Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.

J’ai toujours fonctionné par phases, des phases très intenses, où la passion en question allait occuper toutes mes pensées, déborder sur ma bibliothèque d’enfant, mes jeux et jouets et plus tard ma discothèque et les emprunts à la médiathèque du coin. Cela durait en général quelques années, d’abord les dinosaures, puis l’Egypte ancienne comme beaucoup d’enfants, rien de très original.

Je ne me rappelle plus très bien comment l’Irlande est entrée dans mes passions, mais elle a sans doute été l’une des passions les plus envahissantes que j’ai connu. Je devais avoir environ 10 ans quand j’ai commencé à demander à ma mère de me graver sur cd-rom absolument tous les disques des Chieftains qui trainaient à la médiathèque de Fouesnant (heureusement en Bretagne ma passion était bien lotie, quoiqu’en légère concurrence avec la musique bretonne traditionnelle). Et cette passion s’est installée dans mes oreilles pendant vraiment longtemps. C’était parti pour les cours de tin whistle, puis de flûte traversière irlandaise, les sessions irlandaises au bar du coin, les concerts des Chieftains, les autographes à leur sortie de loge au festival de Cornouailles à Quimper, un voyage à Galway, j’ai même converti ma meilleure amie de l’époque qui avait appelé son chat Doolin, comme une petite ville d’Irlande.
Et tout ça pour dire que j’ai tout loupé, mais alors vraiment tout raté, de l’époque des Libertines, Babyshambles et The Strokes ; et que la première fois qu’on m’a donné un exemplaire de Rock’n’Folk, je suis tombée de très haut. Ce grand saut correspondait finalement plutôt bien avec ma crise d’adolescence, et j’appréciais très bien ce contraste avec ma nouvelle idole, Kurt Cobain.
Une fois avoir lu toutes les biographies de mon nouvel ami Kurt, écouté tous les disques de Nirvana – forcément-, fantasmé sur l’idée que j’étais probablement sa résurrection, être persuadé que si, c’était Courtney Love qui l’avait tué (j’aurai aimé être moins misogyne à l’époque); je me suis attardée sur une des dernières phrases de sa lettre de suicide : It’s better to burn out than to fade away (« Il vaut mieux bruler franchement que de s’éteindre à petit feu »), une citation tirée de Hey Hey, My My (Into The Black) de Neil Young, qui me parlait fort bien.
C’était le moment où ma nouvelle phase ouvrait milles autres portes, et allait durer, très certainement, pour le reste de ma vie, et allait devenir finalement bien plus envahissante que ma passion pour l’Irlande.

Neil Young
Neil Young

Neil Young représentait tellement de choses pour moi, c’était à la fois les K7 de Harvest de ma mère, qu’on écoutait sur la route du collège, j’y retrouvais aussi la musique traditionnelle américaine blanche que mon père jouait au dobro, ma fureur adolescente, ma mélancolie qui a toujours été là. Et tout bonnement c’était l’accord parfait avec la musique grunge, post-rock, post-hardcore, punk que me dévoilaient les Rock’n’Folk.
Sa musique me semblait une évidence, et quand je l’écoutais, j’étais en paix.
Plus question d’être l’ado écartelée entre ses deux parents et la garde alternée, qui quittait l’enfance et qui devenait doucement adulte.
J’étais enfin en paix avec Neil Young, les moments d’écoute étaient finalement des moments harmonieux avec tout ce que je pouvais vivre. Quelque chose de plus grand que moi, mystique et pourtant tellement intime pouvait déborder et couler tranquillement sur moi. Et sans doute pour cela aussi que j’aime tant la musique sacrée, autant que la « folk music », le côté vibratoire de la musique y prend tout son sens .

Je ne me suis jamais posé la question de ce j’aimais ou pas dans les albums que j’écoutais, et c’est encore le cas aujourd’hui (dans une discographie choisie, les disques des années 80 et jusqu’à Harvest en 1992, je les ai un peu zappés).
On en vient à la question de choisir une chanson, et mon amour inconditionnel pour la musique de Neil Young et son énorme discographie complique considérablement ma tâche.
J’ai voulu choisir Ambulance Blues, le morceau qui clôture l’album On The Beach, je me revois vivre l’émotion, me plonger dans une mélancolie profonde, écouter ces 9 minutes en boucle. C’est clairement un morceau à ranger dans le même tiroir de beauté avec Bert Jansch et Anne Briggs. C’est le genre de morceau qui vous donne une émotion qu’en dirait vieille de plusieurs centaines d’années.
Mais ma Vecna à moi, mon monstre, c’est la tristesse et la mélancolie et ce morceau ne pourrait pas m’en sauver, je m’y installerai volontiers trop confortablement dedans.
Il me faut un morceau de lumière, et c’est bien Expecting To Fly des Buffalo Springfield qui remplit ce critère à la perfection. Et cela ne sert pas à grand chose d’écrire plus sur ce titre, écoutez le fort, il chasse à merveille les monstres de tristesse car il est immense par son harmonie et sa beauté.


Expecting To Fly par The Buffalo Springfield est sorti en 1967 sur le label ATCO Records.


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