Holy Wave : Julian Ruiz, Joey Cook, Ryan Fuson et Kyle Hager
En voilà un autre qui se sera fait attendre. C’est demain, vendredi 3 juillet, que Holy Wave délivrera son quatrième album, Interloper. Pour nous faire patienter alors que sa sortie, initialement prévue début mai, était bousculée par les événements que nous connaissons, ce ne sont pas moins de quatre singles qui ont été dévoilés par les Texans. Des envolées oniriques du titre homonyme, Interloper, au krautrock stroboscopique de Hell Bastards, le dernier né confirme le tournant amorcé par son prédécesseur vers des sonorités plus synthétiques, des atmosphères plus nébuleuses. Julian Ruiz et Ryan Fuson se sont prêtés à l’exercice du Selectorama, sans y dissimuler une certaine obsession pour Broadcast et quelques plaisirs coupables (pas si coupables, si vous voulez mon avis). Ils nous proposent également de les retrouver le samedi 25 juillet pour célébrer la sortie de ce nouvel album au travers d’un concert, qui sera diffusé en streaming en collaboration avec Levitation, la fameuse organisation d’Austin [détails et réservation ici].
Il y a quelques mois à peine, Spread The Feeling (2019) mettait un terme bienvenu à une décennie de disette. Avec cette classe si particulière qui n’appartient qu’aux Immenses, Joe Pernice y renouait les fils de cette écriture aigre-douce – les textes pleins de mordant habilement dissimulés derrière un voile mélodique délicieusement molletonné – qui, à l’exception d’une brève collaboration avec son voisin Norman Blake au sein de The New Mendicants en 2015, n’avait plus brillé que par son absence depuis trop longtemps. Quiconque serait passé à côté de cet album scandaleusement mal distribué en dehors du continent nord-américain pourra s’y reporter d’urgence pour s’émerveiller rétrospectivement en contemplant le versant le plus solaire et le plus pop du génie de Pernice. Et découvrir, au passage, le meilleur titre de New Order depuis des lustres, Throw Me To The Lions. Continuer la lecture de « Joe Pernice, Richard (Ashmont Records) »
En écoutant Jessde Trey Gruber, je me suis dit – voilà une chanson pour baignoires tristes. Ce type de baignoire définitivement délaissée du corps aimé, un corps qui résonne encore contre l’émail et en parfume, par instant, les contours blanc cassé. Peau regrettée, peau du souvenir qui s’éteint lentement, trop lentement. En écoutant Jess de Trey Gruber, je me suis dit – le tonnerre, à présent, tonnera toujours avec les battements du coeur. Voilà ce que je me suis dit, en imaginant la vie Benjamin Trey Gruber ; ce jeune homme qui, avec son groupe Parent, hantait bien des soirs le Thalia Hall à Chicago. Continuer la lecture de « La mort, difficile. »
Samedi dernier, nous publiions une mixtape consacrée à la Baie de San Francisco. Le lendemain, réaction à chaud de Matt Fishbeck, dont nous vous avons parlé récemment, à travers sa magnifique reprise de Decades de Joy Division. Notons d’ailleurs au passage que d’ici à quelques mois, le premier album de Holy Shit, groupe où sont passés Ariel Pink et Christopher Owens, ressortira par l’entremise du label Mexican Summer. Dimanche dernier donc, il nous adresse spontanément cette mixtape, élaborée comme un appendice, un complément, une autre vision de ce qu’à été la créativité musicale de The City by the Bay, vue par lui. Et comme il est impossible pour nous de ne pas partager avec vous ce brillant droit de réponse, le voici. Enjoy.Continuer la lecture de « Le club du samedi soir # 5 : Baubles From The Barbary Coast – A San Francisco mixtape by Matt Fishbeck »
Départ pour la Baie de San Francisco, entre Oakland, San José, Palo Alto et Fremont pour un voyage dans le temps depuis les années 60 et ses diverses contestations au doux parfum de patchouli et autres herbes odorantes. Quelques années plus tard durant les années 70/80, on y trouvait les prémices du punk sauvage mais aussi expérimental autour de la salle Mabuhay Gardens, qui rassemblait la fine fleur des révoltés ou marginaux du coin. Puis dans une époque plus contemporaine, le renouveau « cool » de la ville, qui depuis quelques années ne laisse plus le choix aux musiciens et artistes de bouger en périphérie faute d’argent pour y vivre. Direction Oakland, qui devient à son tour un vivier de groupes. Continuer la lecture de « Le club du samedi soir # 4 : SF Bay Area »
On se souvient forcément de la première fois. Surtout de la première fois où on a écouté une production Italians Do It Better. 20 rue du Sentier, dernier étage, un bureau en face de l’entrée, un bureau qui donne sur un balcon. Une personne de confiance qui tend un CD et affirme : “Je crois que ça peut te plaire”. Une boucle, une guitare, une voix et le fantasme qui devient réalité – The Cure aurait enfin découvert le XXIe siècle et embrigadé une femme… À partir de ce moment-là, on a surveillé de près toutes les productions du label américain – et ça continue aujourd’hui. En 2009, on avait pu se procurer ce maxi. On ne savait rien ou pas grand chose. On a écrit ça, vite, parce qu’on n’a pas envie de réfléchir quand c’est un coup de foudre. On fonce, on verra après quoi. Dans le texte qui suit, il y a des erreurs. Des erreurs factuelles – le type s’appelle Richard Durham, Johnny Jewel n’est en fait pas loin (et pour la petite histoire, Twisted Wires a ensuite réalisé un deuxième maxi sept ans plus tard et les deux disques sont compilés sur le CD Half Lives, paru en 2017). Mais pour l’émotionnel, je ne changerais pas une seule virgule. Continuer la lecture de « Twisted Wires, One Night At The Raw Deal (Italians Do It Better, 2009) »
Je crois que c’est aussi pour ça que je me suis passionné pour la musique. Pour la musique pop – dans le sens le plus large possible. Parce qu’au-delà des chansons, il y avait celles et ceux qui les composaient, il y avait leurs interviews, leurs postures, leurs fringues, leurs attitudes. Il y avait ce monde auquel nous n’avions pas accès, si ce n’est par procuration. Il y avait dans les journaux, dans les magazines, sur les pochettes – extérieures ou intérieures, recto ou verso – ces photos qui prouvaient qu’ils étaient différents. D’ailleurs, je me souviens très bien à quel point j’avais trouvé terrifiant un article paru dans le NME ou le Melody Maker au moment de la sortie du premier album de The House Of Love où le journaliste résumait la situation par une sorte de « c’est cool, ils sont comme tout le monde ». Bah non. Justement. Ce n’était pas cool du tout. Et je crois que cette image a fait que j’ai décidé de me désintéresser du groupe de Guy Chadwick – je sauve tout de même la première version de Shine On, sans doute parce qu’à l’époque de sa première écoute, je ne savais pas encore pour la normalité…
Aujourd’hui, pour les quelques raisons évoquées plus haut (les chansons ET LE RESTE), s’il y a bien une pop star, c’est Matt Fishbeck. Depuis la Côte Ouest des États-Unis, il cultive le mystère, sort des disques au compte-gouttes, porte des fringues comme personne ne sait les porter, prend des photos qui ressemblent à des tableaux et peint des tableaux qui ressemblent à des photos, écrit des chansons que lui seul peut chanter et enregistre des mixtapes d’une beauté bouleversante. Dans quelques semaines, le label Mexican Summer va rééditer (pour la première fois en vinyle) le premier album de Holy Shit – son groupe dans lequel sont passés Ariel Pink et Christopher Owens –, Stranded At Two Harbors (2006). Pour cette occasion, Matt Fishbeck m’a demandé d’écrire quelques mots – des notes de pochettes comme on dit dans le jargon. J’ai bien sûr accepté, en essayant de ne pas trop laisser paraitre à quel point j’étais fier et impressionné – oui, fier ET impressionné, et d’autant plus qu’elles ont été traduites de français en anglais par Winston Tong, l’éternel interprète de In A Manner Of Speaking. Je me suis exécuté et je crois que le résultat a plu. Le disque sortira cet été. Ou peut-être à la rentrée. Mais avant cela, Matt Fishbeck a souhaité me remercier – et rien ne l’y obligeait, je vais être payé pour ce travail (oui, il parait que c’est un travail). Alors, hier, il m’a envoyé cette chanson. C’est une reprise. Une reprise magnifique. Solennelle. Personnelle. Mais comme les plus beaux cadeaux sont ceux qu’on finit toujours par partager, la voici…