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Ari Roar, Made To Never Use (Autoproduit)

Ari RoarLe texan Ari Roar – projet autarcique du chanteur/compositeur Caleb Campbell, qui assure peu ou prou l’ensemble des instruments – est l’un des secrets les mieux gardés de l’indie-pop américaine, l’un des plus doués aussi. Le garçon est apparu à la fin des années 2010, signant deux belles collections de vignettes pop au format de poche (Calm Down en 2018 sur le label Bella Union et Best Behavior en 2019, déjà autoproduit) aussi indolentes que pourtant d’une furieuse inventivité. Made To Never Use, dernier effort en date, essentiellement disponible pour l’instant sur Spotify, est une nouvelle fois un petit bonheur de disque bref, concis et totalement accrocheur. Continuer la lecture de « Ari Roar, Made To Never Use (Autoproduit) »

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Jake Xerxes Fussell, Good And Green Again (Paradise Of Bachelors/Modulor)

Il y a souvent quelque chose d’ingrat à fréquenter trop assidument les traditions archaïques. Pas facile d’y puiser, en tous cas, autre chose que ces mises en perspective qui surplombent et écrasent un peu les velléités d’expression singulière. Trop de recul historique tend parfois à tuer l’intime, à le noyer en l’incluant dans du gigantesque ou du massif. Jake Xerxes Fussell publie depuis sept années des albums de folk au sens le plus littéral du terme, sur lesquels il interprète essentiellement quelques-unes de ces œuvres sans âge ni auteur précisément déterminés qui ont fini par constituer un patrimoine populaire pour érudits. Et, pourtant, il parvient à chaque fois – et mieux encore sur ce quatrième essai, sans doute le plus plein et le plus abouti – à incarner ces chansons avec une humanité vivante et personnelle qui suffit à balayer d’un seul geste la poussière qui stagnait sur les pages des grimoires dont elles sont extraites. Continuer la lecture de « Jake Xerxes Fussell, Good And Green Again (Paradise Of Bachelors/Modulor) »

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True West, Kaleidoscope Of Shadows : The Story So Far (Bring Out Your Dead Records)

Les périodes de transition musicale sont souvent les plus intéressantes et les plus riches, en particulier quand elles s’animent dans les marges. Celle dont il s’agit ici est communément désignée – aussi bien d’ailleurs par les commentateurs que par les acteurs eux-mêmes – sous le terme de Paisley Underground. Début des années 1980, sur la côte Ouest des USA : une cohorte de jeunes musiciens locaux amorce une relecture originale et considérablement influente de l’histoire du rock. Sur le fond, ils demeurent profondément marqués par les soubresauts telluriques du punk dont ils ont essentiellement retenu l’appel à la création libre, émancipée de toute contrainte technique ou commerciale. Sur la forme, en revanche, ils refusent toute prétention à la pratique nihiliste de la table rase et revendiquent d’emblée une filiation claire et assumée avec les aînés négligés de la légende alternative. The Velvet Underground sert, évidemment, de point ralliement. Mais aussi Love, The Stooges, The Byrds et pas mal d’autres. Continuer la lecture de « True West, Kaleidoscope Of Shadows : The Story So Far (Bring Out Your Dead Records) »

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Silk Sonic, An Evening With Silk Sonic (Aftermath Entertainment/Atlantic, 2021)

L’art de faire des albums à la fois populaires et exigeants est un noble sacerdoce très sous-estimé. Il est si agréable d’aimer immédiatement une chanson et d’en saisir la qualité d’écriture au fil des écoutes. Silk Sonic, le duo formé par Bruno Mars et Anderson .Paak, appartient à cette catégorie de musiciens pas si prolifiques que ça : les orfèvres de la pop. De Quincy Jones en passant par Electric Light Orchestra, Teddy Randazzo ou la Motown ; ils sont quelques uns à faire des merveilles dans le format imposé du couplet-refrain. Silk Sonic maintient en vie la tradition avec leur premier album An Evening With Silk Sonic (2021). En une trentaine de minutes, le chanteur perfectionniste et le talentueux batteur déploient huit chansons écrites, enregistrées et arrangées selon des codes plus anciens que l’âge du duo réuni. Loin d’être rétro ou un vulgaire pastiche, An Evening With Silk Sonic est une ode aux grooves ondoyants, une flamme intense de plaisir. Ce geyser de mélodies sucrées saturent les veines de douceur. Les deux musiciens convoquent le meilleur de la Philly Soul et des groupes vocaux des années soixante-dix. Qui aurait cru que nous pourrions citer les Chi-Lites ou les Stylistics dans une chronique en 2021 ? L’affaire sonne, en tout cas, merveilleusement bien. Continuer la lecture de « Silk Sonic, An Evening With Silk Sonic (Aftermath Entertainment/Atlantic, 2021) »

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Poésie organique : L’Altra (2002)

L'Altra
L’Altra

Il faut bien l’avouer : au bout de vingt ans les souvenirs parasites avaient fini par prendre le pas sur l’essentiel pour ce qui concerne In The Afternoon de L’Altra. D’abord ceux d’une rencontre, quelques semaines après la sortie remarquée de l’album, dans un hôtel pas très loin de la place Léon Blum, avec deux des membres de L’Altra – Joseph Costa et Lindsay Anderson – qui, sans doute fatigués par les contingences d’une première tournée européenne d’ampleur, étaient restés vautrés sur le lit pendant toute la durée de l’interview ici restituée, ne consentant à répondre qu’entre deux bouchées de ce fromage local et insipide, qui représentait peut-être à leurs yeux le comble de l’exotisme parisien, et dont le nom m’avait semblé, dans l’instant, curieusement correspondre à la beauté de leur musique. Oui, la mémoire s’obstrue de détails futiles mais je suis certain que les deux musiciens s’étaient tapé une boîte entière de Caprice Des Dieux – avec baguette, comme il se doit – en trente minutes. Les souvenirs, surtout, d’une année où ce label de Chicago – Aesthetics – s’était brutalement imposé comme l’un des épicentres les plus captivants de nos passions musicales partagées. Dans cette chaîne unissant Pulseprogramming, 33.3 ou Windsor For The Derby, L’Altra n’apparaissait plus par moments que comme un maillon parmi d’autres, à peine plus éclatant. Continuer la lecture de « Poésie organique : L’Altra (2002) »

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Neutrals, Kebab Disco (Emotional Response)

Kebab Disco NEUTRALSAprès avoir sorti à l’arrache plusieurs cassettes, les Neutrals avaient fait presser en 2019 un excellent LP au titre des plus loufoques  : Kebab Disco. Victime de son succès, le disque attendait d’être réédité et c’est leur label Emotional Response Records qui a eu la bonne idée de le ressortir en version vinyle orange limitée à 100 exemplaires. On me dira qu’au vu des frais de ports prohibitifs pour l’acheminer vers la France, personne ne l’achètera, mais cette réédition sera une bonne occasion, pour ceux qui seraient passés à côté, de découvrir ce groupe californien.

Neutrals, c’est Allan McNaughton à la guitare et au chant, Phil Benson à la basse et aux choeurs et Phil Lantz à la batterie, trois quadras établis dans la région de San Francisco, qui prolongent allégrement l’adolescence en s’adonnant à une garage pop dans la veine de The Jam, des Undertones et des meilleures groupes de power-pop des années 80. Continuer la lecture de « Neutrals, Kebab Disco (Emotional Response) »

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Cassandra Jenkins, An Overview on Phenomenal Nature (Ba Da Bing)

An Overview on Phenomenal Nature Cassandra JenkinsAll I can do is offer up my own anecdotal evidence.
Alison Bechdel, The Secret to Superhuman Strength

Ça n’a pas fait un pli, ni deux, ni pléthore : quand j’ai écouté pour la première fois, de nombreux mois après sa sortie, An Overview on Phenomenal Nature, le titre y était pour beaucoup, ambiance empirique, phénoménologique, et je me suis pris à rêver – durant les rares secondes avant le premier clic, avant la première écoute – du compte rendu d’une epoche musicale, sans bien savoir précisément où ça pourrait mener, et donc précisément attiré par cette imprécision.

La destination est le chemin, lit-on un peu partout, à raison. Qui vous fait, et vous défait, lit-on aussi, raisonnablement. Ainsi, dès la première écoute du deuxième album de Cassandra Jenkins, a-t-on été fait, et défait, et de nouveau, et ainsi de suite, par le chemin infini de la projection de ce titre. Continuer la lecture de « Cassandra Jenkins, An Overview on Phenomenal Nature (Ba Da Bing) »

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Dean Wareham, I Have Nothing to Say to the Mayor of L.A. (Double Feature Records)

Dean Wareham

Pendant de nombreuses années, Dean Wareham a été une icône new-yorkaise. Une icône d’abord musicale : étudiant à la Dalton School de New York, il rencontre Damon Krukowski et Naomi Yang avec qui il forme, en 1987, à l’université Harvard, Galaxie 500. Quatre ans et trois chefs-d’œuvre plus tard (Today, 1998 ; On Fire, 1989 ; This is Our Music, 1990), le groupe se dissout et Wareham recrute un ex-The Feelies et un ex-The Chills pour fonder Luna, deuxième trio mythique. A partir de 2005, tout en composant pour lui-même ou aux côtés de sa femme Britta Phillips pour le duo Dean & Britta, il s’impose aussi dans le cinéma indépendant new-yorkais : des réalisateurs purement brooklyniens comme Noah Baumbach ou Greta Gerwig font appel au couple pour composer la bande originale de leurs films, et il apparaît en tant qu’acteur dans une dizaine de films et séries (y compris, entre deux réalisations pointues, un épisode de New York, police judiciaire). De quoi régulièrement oublier que depuis 2013, c’est dans la capitale-même du cinéma, Los Angeles, qu’il évolue. Son nouvel album, le troisième en solo, est là pour nous le rappeler.

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