Il faut bien l’avouer : au bout de vingt ans les souvenirs parasites avaient fini par prendre le pas sur l’essentiel pour ce qui concerne In The Afternoon de L’Altra. D’abord ceux d’une rencontre, quelques semaines après la sortie remarquée de l’album, dans un hôtel pas très loin de la place Léon Blum, avec deux des membres de L’Altra – Joseph Costa et Lindsay Anderson – qui, sans doute fatigués par les contingences d’une première tournée européenne d’ampleur, étaient restés vautrés sur le lit pendant toute la durée de l’interview ici restituée, ne consentant à répondre qu’entre deux bouchées de ce fromage local et insipide, qui représentait peut-être à leurs yeux le comble de l’exotisme parisien, et dont le nom m’avait semblé, dans l’instant, curieusement correspondre à la beauté de leur musique. Oui, la mémoire s’obstrue de détails futiles mais je suis certain que les deux musiciens s’étaient tapé une boîte entière de Caprice Des Dieux – avec baguette, comme il se doit – en trente minutes. Les souvenirs, surtout, d’une année où ce label de Chicago – Aesthetics – s’était brutalement imposé comme l’un des épicentres les plus captivants de nos passions musicales partagées. Dans cette chaîne unissant Pulseprogramming, 33.3 ou Windsor For The Derby, L’Altra n’apparaissait plus par moments que comme un maillon parmi d’autres, à peine plus éclatant. Continuer la lecture de « Poésie organique : L’Altra (2002) »
Étiquette : Label : Talitres
Catégories chronique nouveauté
The Apartments, In And Out The Light (Talitres)
Comment parler de ce disque sans parler de soi ? Car ce qui fascine, c’est ce qu’il provoque – va provoquer – sur chacun de ses auditeurs : ce sentiment d’avoir, dès les premières notes, l’âme ouverte en deux. Tout ce que l’on vous racontera sur ce disque, tout ce que vous lirez, ne sera qu’une suite d’expériences personnelles racontées avec plus ou moins de pudeur. Des mots aux mélodies, des instruments aux voix – car il y a la voix de Peter Milton Walsh et celle de Natacha Penot, ici voix-fantôme – , tout ici sert le sujet du disque : l’amour perdu, celui qui, cousu dans les entrailles, dicte votre vie.
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Catégories mixtape
Le club du samedi soir #16 : The Apartments
Et alors, on écrit quoi ? On écrit quoi sur un groupe au sujet duquel on a déjà tant écrit ? On écrit quoi sur un groupe qu’on chérit – et peut-être le dernier groupe pour lequel on serait encore prêt à en venir aux mains ? On écrit quoi sur un groupe dont on pense à chaque disque qu’il a réalisé son meilleur album alors que bien évidemment, le suivant nous fout à nouveau par terre, nous laisse le souffle coupé, nous donne envie de nous servir un dernier verre ? Alors, on écrit quoi ? Des faits, peut-être. Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #16 : The Apartments »
Catégories chronique nouveauté
Thousand, Au paradis (Talitres)
« Condamnés par Dieu à manger de l’or, et une fois remplis, en manger encore, qu’ils voient dans l’immense pauvreté de la mort, que la faim est un trésor »
Le retour de Thousand m’a pris par surprise. Loin d’avoir épuisé Le tunnel végétal, que je m’étais habitué à explorer plus que régulièrement, en m’attachant tour à tour à des titres aussi marquants que Le nombre de la bête et La nuit des plus beaux jours de ta vie, je ne pensais être prêt ni à passer à la suite, ni à les négliger. Persuadé intimement que ce « premier » disque – dans le sens où c’était le premier en français de leur auteur – était la somme d’une maturation très longue et qu’en donner une suite dans la foulée serait impossible, je profitais toujours avec délectation du meilleur disque de 2018, le mien, sans conteste. Continuer la lecture de « Thousand, Au paradis (Talitres) »
Catégories mixtape
Mixtape Section26 #8 : Thousand
Stéphane Milochevitch dit Thousand a surpris son monde en 2016 avec son album Le Tunnel Végétal, dans lequel beaucoup ont aimé et aiment encore se perdre. Déjà auteur de deux albums, le premier sur le label défricheur Arbouse Recordings, le second sur Talitres, sa maison de disques actuelle, il s’affranchissait de l’anglais pour offrir ses mots à tous, ici et maintenant et s’affirmait d’emblée comme un auteur ambitieux et accessible. A la fois profonde et mystérieuse, sa littérature chargée de références, religieuses et historiques, n’oublie pas le langage actuel, celui parlé dans nos rues et nos villages, jusqu’à l’écran de nos téléphones, entre classicisme et ultra modernité. Tout cela aurait pu masquer le reste de ses qualités et désamorcer la portée de son disque, si Thousand n’était avant tout un musicien instinctif et radicalement efficace : ses mots sont portés par des mélodies qu’on a envie de chanter avec lui, et pour lesquelles il se met au service avec sa garde rapprochée. Au-delà de la reconnaissance et du succès, Thousand recherche l’abandon, dans une quête évidente d’extase, faite de collisions incongrues, de collages contemplatifs, à l’image de la mixtape cabossée qu’il nous propose, si loin, si proche de sa musique.