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Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984)

If it be your will.
« Si telle est ta volonté. »

C’est ainsi que Leonard Cohen conclut la difficile deuxième période de sa carrière dite « des désamours », qui a succédé à la lune de miel entre le poète et son public, à sa bohème élégante mais sincère, inattaquable géographiquement — le Chelsea Hotel et Hydra avant l’arrivée de l’électricité sur l’île, qui dit mieux ? — et artistiquement — les recueils, le roman, puis les trois premiers albums, inattaquables — trop noirs ? Inattaquables.

Ces fameux trois albums inauguraux qui captivent d’emblée l’Europe alors que ce sont ceux qui rêvent encore d’Amérique, qui deviennent des tables de la Loi, des mesures de toute chose folk, de tout arrangement – et très vite, dès Songs of Leonard Cohen, qui deviennent des prisons. Cohen lors de ses premières tournées, malgré toutes ses tentatives de sabotage — concerts sous LSD, chevaux, impréparation, empathie —, peine sous le poids des mots ravivant soir après soir les passés et les morts — père, amours, etc. —, sous le poids des attentes, sous le poids de la perfection qu’il atteint quand il fait sans essayer d’être. Un poids sous lequel Bob Dylan, d’un cuir plus solide, a déjà craqué et s’est enfui avant de réapparaître autre, tout autre. Continuer la lecture de « Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984) »

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Sagittarius, Present Tense (Columbia, 1968)

La compilation Nuggets (1972) est généralement considérée comme fondatrice dans la définition du garage-rock pourtant, entre autres merveilles, un trésor de sunshine pop s’y cache. En 1967, la radio américaine diffuse My World Fell Down de Sagittarius. Reprise d’une chanson des Britanniques de The Ivy League, la titre produit par Gary Usher, collaborateur des Beach Boys et The Byrds, obtient un modeste succès commercial (une soixante-dixième place) aux États-Unis. S’il propose initialement la composition au duo Chad & Jeremy, ces derniers la refusent, obligeant Usher à s’y coller avec un groupe de son invention : Sagittarius. Un an plus tard, Columbia donne au producteur l’opportunité de poursuivre l’expérience le long d’un album. Ce sera le magistral Present Tense. Continuer la lecture de « Sagittarius, Present Tense (Columbia, 1968) »

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V/A, The Rock Machine Turns You On (CBS, 1968)

Au milieu d’un océan d’albums cultes, quelques compilations se frayent tant bien que mal un chemin dans les classiques. Le format n’a pas bonne presse. Qu’elles soient dédiées à un artiste, un label, un genre, les compilations sont rarement considérées avec les mêmes égards que les albums, le format roi par excellence. Pourtant certaines d’entre elles méritent certainement notre attention. Parmi elles, The Rock Machine Turns You On a eu une réelle importance historique. En 1968, le disque est le premier sampler à prix attractif diffusé en Europe.  La compilation sera ainsi suivi de beaucoup d’autres: Bumpers, Fill Your Head with Rock ou You Can All Join In etc. Continuer la lecture de « V/A, The Rock Machine Turns You On (CBS, 1968) »

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Deacon Blue, Raintown (CBS, 1987)

Ils étaient loaded, bien avant Primal Scream, disons cinq bonnes années, et vu le clip, on ne sait pas trop à quoi ils tournaient, mais ils planaient bien haut. Et même que le chanteur avait un petit chapeau, le même que Stuart Murdoch de Belle & Sebastian s’est mis à porter quelques années plus tard, avec plus de classe, on dira. Ils venaient de Glasgow, comment en eut-il été autrement ? Ils venaient de cette ville d’Écosse, qu’ils surnommaient Raintown, ville de tous les fantasmes du petit gars de seize ans de l’Est de la France que j’étais. Je m’étais choisi ce coin de paradis comme d’autres avaient pointé, sur la carte de leur désir, Tahiti ou Bora-Bora. Ou plutôt, c’est cette ville qui m’avait choisi. Continuer la lecture de « Deacon Blue, Raintown (CBS, 1987) »

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Stranger Teens #26 : « Why Does It Hurt When I Pee » par Frank Zappa

Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.

Il y a beaucoup de chansons qui ont marqué mon adolescence. J’ai beaucoup hésité à écrire notamment sur In A Manner Of Speaking, la reprise de Tuxedomoon par Nouvelle Vague, puis sur Lola de Noir Désir, puis sur The Guns of Brixton de The Clash, et puis sur des choses moins avouables ; par exemple, j’avais écouté en boucle Les Hommes Que J’Aime de La Rue Kétanou parce qu’une fille dont j’étais amoureux m’avait dit que cette chanson comptait beaucoup pour elle, ou Absolution de Muse, parce qu’une autre fille dont j’étais aussi amoureux m’avait fait écouter sur son Discman une compile du groupe que son copain lui avait préparée (j’étais censé garder secret le fait qu’elle l’avait partagée avec moi, une transgression qui m’avait fait battre le cœur). Puis sur toutes les choses que l’on écoute par mimétisme, sans questionner – c’est pour ça que je connais encore les paroles de deux albums de Tryo par cœur, et que je m’en souviendrai probablement, de ce poison, quand, rongé par Alzheimer, je peinerai à me souvenir du prénom de mes petits enfants. Mais Joe’s Garage et Why Does It Hurt When I Pee – la chanson la plus con de l’album, qui en compte pourtant beaucoup – est le seul disque que j’aime toujours autant, et peut-être toujours pour les mêmes raisons. Continuer la lecture de « Stranger Teens #26 : « Why Does It Hurt When I Pee » par Frank Zappa »

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Stranger Teens #10 : « Suzanne » par Leonard Cohen

Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.

Une chanson a-t-elle sauvé mon adolescence, un Running Up That Hill qui m’aurait fait émerger de l’enfance ? À vrai dire non. Quand on vivait dans une petite ville ouvrière du 71 à la fin des années 60 / début 70, l’accès à la musique était des plus réduits. Pas de magasin de disques, une radio pour toute la famille, une télé sur le tard et des vacances chez la grand-mère à 30km. Hervé Vilard hurlait que Capri, c’était fini, mais bon, Capri ne m’inspirait pas, la vague yéyé était amusante mais pas de quoi faire naître une révélation. Le refuge se trouvait dans les livres. Continuer la lecture de « Stranger Teens #10 : « Suzanne » par Leonard Cohen »

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Stranger Teens #5 : « Tommy Gun » des Clash

Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.

Comment appelait-on ça ? Les têtes d’ampoule. Malcolm n’était pas encore arrivé en France mais nous étions, déjà, de fait, des têtes d’ampoule, assigné·e·s têtes d’ampoule, risées gymniques, réputé·e·s infréquentables et de fait infréquenté·e·s.
Ça s’était trouvé un peu comme ça, à la fin de l’école primaire, quand le collège imminent n’offrait d’autre perspective que la perpétuation du bullying – il n’a jamais fait bon lire, parler aux filles sans essayer de voir sous leurs culottes – réputation nigaud – et être insondablement nul au foot – une bifurcation inattendue : les premières classes européennes. L’opportunité d’être dans un collège éloigné, d’y être possiblement anonyme, sans réputation – sans cailloux dans les poches. Continuer la lecture de « Stranger Teens #5 : « Tommy Gun » des Clash »

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The Byrds, Preflyte (1969, Together)

Artistiquement, Preflyte (1969) n’est certainement pas le disque le plus intéressant des Byrds mais il n’en constitue pas moins un témoignage fascinant sur l’un des groupes américains les plus importants des années soixante. En 1964, après un set au Troubadour, Gene Clark fait la rencontre de Jim (Roger) McGuinn. Tous les deux issus de la scène café folk californienne, les musiciens partagent un amour inconditionnel pour les Beatles. David Crosby rejoint à son tour le duo qui commence à répéter à trois, aux studios World Pacific, sous la houlette de Jim Dickson, devenu leur manager. The Jet-Set n’a alors pas encore de batteur ni de bassiste. Ils arrivent cependant à convaincre Elektra de publier un 45 tours sous le nom de The Beefeaters, mis en boite avec l’aide de musiciens de studio. Continuer la lecture de « The Byrds, Preflyte (1969, Together) »