Sous Surveillance : A Ghost Column

A Ghost Column
A Ghost Column / Photo : DR
Qui ?

Victoria RH (voix, guitares, claviers)
Sophie Ellison (guitares, voix)
Syd Kemp (basse, voix)
Callum Brown (batterie)

Où ?

Hackney, Londres

Hasard des rencontres, nous avons croisé récemment Syd Kemp et Victoria au Motel, le lendemain de leur concert en première partie d’En Attendant Ana au Trabendo à Paris. Malgré leur carrière à ses prémices (un seul titre sur Soundcloud / Youtube), ils ont révélé un univers très prometteur, où on peut sentir une filiation avec les autres projets de Syd, comme le collectif HAHA Sounds ou Ulrika Spacek avec qui il collabore. Voici les tout débuts de leur histoire qu’on leur souhaite très longue, nichée dans un petit quartier de Londres.

Victoria : Vers 2014, nos chemins se sont croisés avec Syd presque tous les jours, alors qu’il travaillait dans un café proche de là où j’habitais, à Hackney Wick. Six mois plus tard, on habitait ensemble. Nous y sommes depuis une dizaine d’années maintenant. Nous avons adopté un vieux chat et avons un jardin avec une serre. J’aime beaucoup notre quartier, et je suis assez active dans la communauté locale. Quand j’ai le temps, je chante dans une chorale folk européenne qui s’appelle The Wing, et je suis volontaire plus haut dans la rue dans le centre pour migrants de Hackney. Syd travaille en tant que producteur au Total Refreshment Centre, à un jet de pierre de notre appartement. Nous sommes aussi proches du Cafe Oto, où nous essayons d’aller voir des concerts assez souvent. HAHA Sounds a donné un concert là-bas en 2019, nous en sommes tous les deux membres. C’est génial d’avoir ce lieu juste à côté de chez nous ! J’aimerais pouvoir dire qu’on restera là-bas longtemps, mais on voit plutôt les choses comme elles viennent, nous avons de la chance pour le moment, mais je sais que c’est rare et que tout peut changer en une seconde.

Cal : Je suis basé à Limehouse, aux Studios de Cable Street avec ma partenaire et notre acolyte félin. Syd avait un studio par là pendant quelques années, et nous étions voisins à ce moment-là. C’est là où nous avons enregistré les premières démos de A Ghost Column, et le lieu a servi également de quartier général pour Ulrika Spacek.

Victoria : Nous travaillons maintenant au Total Refreshment Centre où HAHA Sounds répète tous les dimanches depuis un certain temps. Nous sommes très reconnaissants que ce genre d’espaces existent, ça apporte tellement de choses à la communauté musicale locale.

Total Refreshment Centre
Total Refreshment Centre
Comment ?

Victoria : Lorsque nous avons emménagé à Hackney avec Syd, c’est à ce moment-là qu’on a commencé le travail préparatoire pour HAHA Sounds, une plateforme basée sur le principe de la communauté et la collaboration avec un petit label. On a sorti les premiers 7” de Syd sur HAHA Sounds, ce qui a très bien fonctionné comme début de notre travail ensemble. La naissance de HAHA Sounds Collective a été une extension naturelle de cet ethos, en rassemblant des artistes dans le même esprit, et en réimaginant Earth Rot (1970) de David Axelrod, un projet qui a rapidement donné de l’élan et rassemblé un groupe de musicien.nes et chanteur.euses talentueux.ses. qui ont travaillé ensemble au Wilton Way Studios et au Total Refreshment Centre, un important pivot dans la culture musicale à son niveau. Bien évidemment, comme beaucoup d’autres, nos plans ont été déviés par la pandémie. Le challenge d’une collaboration éloignée a défié notre détermination en tant que groupe d’amis et de musiciens. Les gens ont déménagé, ont eu des bébés, et ont quitté Londres. Ca a plus ou moins tué le projet et en même temps, rendu HAHA Sounds difficile à manager à long terme dans ce format. J’ai vraiment envie d’y revenir, car on a travaillé sur beaucoup d’excellente musique que nous n’avons pas eu le temps de finir.

J’ai parallèlement commencé à travailler un peu plus mon écriture il y a quelques années. J’écris des chansons depuis que je suis très jeune, et avec des projets divers comme HAHA Sounds, je n’ai pas senti que je pouvais m’engager jusqu’à récemment. Désormais, il s’agit plus de restructurer les morceaux et travailler dessus avec le groupe. On travaille en ce moment sur une chanson que j’ai composée en 2015. C’est toujours bien de travailler sur d’anciennes idées avec une nouvelle perspective.

Syd a commencé à travailler avec Ulrika Spacek sur leur EP Suggestive Listening en tant que producteur, et il est également devenu leur bassiste. A travers ce parcours, nous avons soudé de fortes amitiés à travers les années. Callum sait comment compléter la musique presque sans efforts, il a toujours eu un retour très positif sur mes chansons, ça a donc été juste qu’il soit avec nous presque instantanément. Sophie et Callum ont aussi travaillé sur d’autres projets ensemble. Curieusement, notre rencontre a eu lieu lors de notre toute première répétition en novembre 2023. C’est un vrai plaisir d’avoir commencé à travailler avec une équipe aussi talentueuse.

Particularités ?

Victoria : La philosophie de Syd englobe le processus créatif entier, du commencement à la réalisation. En tant que produceur et auditeur attentif, le sens du détail de Syd enrichit nos efforts collaboratifs, et met l’accent sur les nuances et les profondeurs de notre musique. Ça aide beaucoup d’avoir quelqu’un qui peut sentir le potentiel des chansons et les emmener plus loin. Comme Syd, Cal apporte aussi un pragmatisme au mix. Il s’assure que notre vision collective fasse partie du morceau, et apporte de nouveaux accords, des textures, des idées auxquelles je n’aurai peut-être pas pensé.

Sophie et moi n’avons pas travaillé ensemble pendant l’enregistrement pour le moment, mais j’adore ce qu’elle apporte à notre son en concert, nos voix se mélangent vraiment bien ensemble. Je suis impatiente d’aller en studio avec elle pour voir comment cela se passera.

Pour ma part, j’admets être plus volatile dans mon approche. Cela sonne peut-être comme un cliché mais une partie de mon inspiration provient de mes rêves. Il y a quelque chose d’indicible dans ces mélodies qui émergent des moments de flottement subconscients. En réalité, je cherche mon téléphone ou du papier pour écrire ds choses vers deux heures du matin. A partir de cela, j’essaye de donner corps à des mélodies et les incarner à la guitare, j’ajoute des synthés (dx7 et Minifreak) et parfois une ligne de basse, mais ils restent souvent ainsi jusqu’à ce que nous soyons tous ensemble. Certaines chansons ont été laissées telles quelles, comme Opening Night qui sera sur l’album. Je joue toutes les paries à part la batterie. C’est assez chouette comme ça. Plutôt que d’essayer de  rendre l’ensemble trop compliqué, je crois qu’on a plutôt tous envie de laisser les morceaux s’exprimer eux-mêmes.

Influences ?

Victoria : On a beaucoup de musique en commun. Je dirais qu’on est de grands fans de Paul McCartney and the Wings, Tim Buckley et Radiohead. Des groupes comme Palm, Duster et Yo la Tengo ont aussi leur place. Côté chant et songwriting, des artistes comme Linda Perhacs, Joni Mitchell, Laetitia Sadier, Tia Blake, Elis Regina et Gal Costa ont toutes joué un rôle important pour moi.

Syd : Des influences du côté du jazz, du hip hop, et de la musique électronique ont aussi compté pour le son de A Ghost Column. Il ne s’agit pas seulement des genres musicaux en tant que tels mais plutôt de l’état d’esprit qu’ils évoquent. Mon objectif est d’atteindre quelque chose qui ait de l’impact. Des artistes comme Panda Bear et Daniel Rossen ont joué des rôles pivots dans la construction de notre direction musicale. Leur approche innovante a vraiment influencé notre processus créatif.

Cal : En incorporant des rototoms (un membranophone qui se place dans la famille des toms de batterie, ndlr) et un SPD (un pad de percussion numérique, ndlr), ça nous a aidé à construite les sons de batterie de A Ghost Column. En créant cette nouvelle installation, ça m’a inspiré et informé les parties que j’écris et je joue. Il s’agit d’être au service du morceau, de sa vision, et de trouver des façons intéressantes de le faire.

Dernière sortie

Victoria : La mélodie est la force qui guide ma façon de composer. Je note des phrases ou des extraits de conversations qui résonnent en moi et je les associe à une phrase mélodique – ou parfois vice versa, en utilisant ces mélodies ou ces paroles comme une base. Ce morceau en particulier s’est crée à partir d’une longue conversation entre Syd et moi à propos de ce rêve récurrent où on faisait partie de la résistance lors de la Seconde Guerre Mondiale. J’ai initialement composée la chanson au piano, mais c’est durant la collaboration avec Syd qu’elle est devenue ce qu’elle est maintenant. L’alternance entre la batterie de Cal et le sentiment général de la session d’enregistrement ont eu un pouvoir de transformation. Je me souviens que j’avais une angine quand nous enregistrions. On utilisait un micro cher et de qualité, et ça me stressait, et Syd a proposer d’essayer une pédale Zoom. J’ai recouvert le micro SM58 avec un t-shirt et ça m’a libérée. J’ai trouvé de nouvelles mélodies et des couches pour les vocaux. Cela montre juste qu’un changement d’humeur, une nouvelle approche, un moment de ce genre peut être libérateur. Il ne faut pas s’enfermer dans une seule voie. La musique ne devrait pas être contrainte par des systèmes de pensée rigides, ou écrasée par la routine. Rester joueur permet de rendre l’expérience de faire de la musique très positive.

La chanson témoigne aussi des combats collectifs et des pressions sociales que nous affrontons tous. C’est un reflet des systèmes imparfaits qui ont besoin d’être remis en question, et redéfinis. Aborder ces questions n’est pas seulement épuisant à évoquer, mais doit aussi permettre de s’endurcir au sein d’une société injuste.

Futur conditionnel

Victoria :  Notre objectif est de nourrir notre créativité et de perfectionner notre son. On est impatients de se plonger plus souvent dans le processus de jouer ensemble, en transformant mes démos en chansons pleinement réalisées. Nous voulons capter notre énergie en tant que groupe maintenant et la partager dès que possible. Quoi que nous fassions, on a tous déjà une certaine forme d’expérience et j’espère que cela se verra dans notre travail.


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