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Jacco Gardner, Hypnophobia (Full Time Hobby)

Jacco GardnerJacco Gardner avait ouvert en grand les portes de son Cabinet Of Curiosities (2013), le public s’y pressa, émerveillé par les beautés baroques qui y étaient exposées. Succès critique autant que populaire, le juvénile batave a aujourd’hui la lourde tâche de donner une suite à cette prouesse sonore, d’une délicatesse inouïe. Hypnophobia (2015) nous entraîne ainsi dans les nuits blanches du hollandais volant de vingt sept ans. Ce périple sinueux dans les tourments angoissés d’une âme romantique et pure, moins immédiat que son prédécesseur, confirme cependant les espoirs placés dans le timide jeune homme. Les chemins de traverse instrumentaux (All Over, Grey Lanes) à la croisée d’Air, Michel Legrand et Broadcast y rencontrent le psychédélisme chamarré de Syd Barrett et The Move (Find Yourself). Il flotte un doux parfum d’encens rassurant, des volutes de fumées de narguilé emplissent la pièce vide (Outside Forever). Jacco attrape sa guitare sèche, il improvise des arpèges au grès de son inspiration, laissant ses doigts filer sur le manche (Brightly). Le troubadour épigone de Donovan et Nick Drake hante ses nuits de mélodies antiques pour surmonter son insomnie (Hypnophobia). Aux rêves éveillés, bouffées de délire (Before The Dawn) succèdent berceuses en demi-teintes (Make Me See), cependant Jacco ne trouve toujours pas le repos tant désiré. Il se plonge à corps perdu dans sa collection de romans gothiques (Face To Face, Another You) préférant le mythe de Prométhée à une réalité aussi bruyante que déconcertante.

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San Carol, Humain Trop Humain (Gonzaï Records)

San Carol, Humain trop humainDe San Carol, on n’avait pas oublié La Main Invisible (2013). Un premier effort intrigant, un disque (de) solitaire entièrement tourné vers les synthétiseurs et une certaine idée des eighties, cette décennie que Maxime Dobosz n’a pas connue. Plus ramassé et percutant, ce second essai enregistré en groupe prend le rock à bras le corps, sans évacuer l’amour des claviers analogiques ni le sens du décalage. Continuer la lecture de « San Carol, Humain Trop Humain (Gonzaï Records) »

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Erlend Øye – Soleil froid

Erlend Øye, sur son vélo.

En duo dans Kings Of Convenience, les Simon & Garfunkel norvégiens du début des années 2000, ou en quatuor aux côtés de The Whitest Boy Alive, tout récemment séparés, Erlend Øye porte en lui depuis toujours le gène de la nonchalance et le goût du voyage. Bergen, Berlin, Manchester, Londres, et désormais Syracuse, il va où le vent le berce, et compose au fil des escales. Alors qu’on l’attendait avec un disque en Italien, Erlend revient avec Legao, second album solo onze ans après Unrest (2003). Dix titres enregistrés à Rejkjavik avec les musiciens du groupe reggae Hjálmar, en forme de retour chaloupé pour celui qui désormais marche avec le soleil. Continuer la lecture de « Erlend Øye – Soleil froid »

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Ultimate Painting, Green Lanes (Trouble In Mind, 2014)

Ultimate Painting fut un de nos coups de cœur de l’automne 2014. L’album, sous ses airs austères, laissait apparaître de graciles mélodies entrelacées. Projet parallèle de Jack Cooper (Mazes) et James Hoare (Veronica Falls, The Proper Ornaments), Ultimate Painting, du nom d’une œuvre réalisée par Drop City, une communauté hippie du Colorado, doit être considéré avec le même égard que les principaux groupes des intéressés. Si dans les années 60, il était courant de sortir deux albums dans un intervalle inférieur à un an, la pratique est aujourd’hui une anomalie rafraîchissante que seuls quelques hurluberlus pratiquent (Ty Segall en tête). Les deux Britanniques semblent ainsi éditer des disques au gré de leur féconde inspiration et non de quelques impératifs mercatiques. Nous pouvons les en remercier, Green Lanes est tout aussi habile et subtile que son prédécesseur. Pas de révolution sonore : Ultimate Painting se plaît toujours à explorer les méandres de rythmes indolents (Kodiak, Sweet Chris), s’éprend encore de délicats arrangements de guitares (The Ocean), et aime à nous combler de leur deux voix harmonisées (Break The Chain, Paying The Price). Les héros du groupe ne sont certes jamais très loin (Bob Dylan, The Byrds, The Velvet Underground, The Beatles), mais le talent d’Ultimate Painting ne doit être pour autant négligé : sous une apparente modestie, une formation adroite et élégante dans l’art éternel de la chanson pop.

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Tahiti 80, Ballroom (Human Sounds)

Les années 90 sont si proches et pourtant si éloignées. Nous étions fringants et beaux. Notre soif d’idéalisme n’avait pas encore été perverti par un matérialisme galopant. Que reste-t-il de nos amours de jeunesse ? Évaporées en souvenirs diffus et sibyllins, quelques chansons émergent de la brume. Heartbeat est de celle-ci. La guitare funk blanc façon Orange Juice, son motif de synthétiseur obsédant (agaçant diront certains) et l’accent français de Xavier Boyer agissent de concert pour ressusciter notre candeur. Déjà quinze ans que Puzzle (1999) est sorti ! Près de deux décennies après leur formation Tahiti 80 est encore là. Durablement installé dans le paysage musical français, le groupe n’a jamais cessé de composer de très bons disques de pop, largement boudés par un grand public frappé de cécité ! Loin de se décourager, les Rouennais ont chéri leur formule magique : une pop bien écrite, légère, dansante, optimiste mais teintée de mélancolie. Continuer la lecture de « Tahiti 80, Ballroom (Human Sounds) »

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Homeshake, In The Shower (Sinderlyn, 2014)

The Homeshake Tape (2013) accompagna notre été naissant, cette année-là. Bande originale d’un road-movie dont nous étions les héros, le disque nous marqua profondément. Il est probable que nous ne fûmes pas les seuls à tomber sous le charme irradiant de cette cassette éditée à bien peu d’exemplaires par le précieux label Fixture Records. Derrière Homeshake, un nom bien connu des aficionados de Mac DeMarco, le guitariste de son groupe live : Peter Sagar. Originaire d’Edmonton mais installé à Montréal, le Canadien partage avec son camarade de label (Sinderlyn est une nouvelle structure créée par Captured Tracks) ce goût pour un funk blanc éclopé et dépenaillé. Les guitares sont tordues, clinquantes et accordées avec une justesse relative. La comparaison a ses limites. Magnifique premier long format de l’intéressé, In The Shower en est une excellente illustration. L’album creuse les obsessions de Sagar déjà présente en filigrane dans The Homeshake Tape (2013), soit une pop nourrie à la southern soul, au jazz (Slow), au blues (Doo Dah), rugueuse et pourtant si raffinée ! Le disque se situerait ainsi quelques part entre Orange Juice, Prince et des Ohio Players sous calmants (She Can’t Leave Me Here Alone Tonight). Dix morceaux et presque autant de diamants bruts qui vont hanter vos soirées, votre vie, s’insinuer dans les méandres de votre esprit et ne plus jamais vous lâcher. Mélancolique, indolent, mais râpeux, In The Shower sonne terriblement juste et sincère. Il saisit avec la hardiesse des grands ce qui rend la soul si puissante : capturer un peu d’âme et l’offrir à nous autres, mortels et séculiers.

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Bleeding Rainbow, Interrupt (Kanine)

Bleeding RainbowReading Rainbow était un charmant duo indie pop de Philadelphie. Aux côtés d’ Eternal Summers et des Young Sinclairs, ils représentaient les plus sérieux espoirs du coin. Après deux albums très chouettes dont l’excellent Prism Eyes (2009), le duo devient quatre et lâche Reading pour Bleeding. Édité dans la foulée, Yeah Right (2011) est une relative déception. Le son a gagné en puissance, mais le groupe a perdu en grâce. Interrupt, bien que dans la lignée de son prédécesseur, nous réconcilie en partie avec les Américains, sans toutefois évacuer tous nos regrets. Dans ses meilleurs moments (Dead Head, Time & Place), le disque évoque une rencontre entre les Posies et Hole, soit un album sous forte influence 90’s. On imagine volontiers Bleeding Rainbow dans le catalogue de Sub Pop produit par Don Fleming. Les batteries cognent, les guitares noisy et massives en mettent plein la gueule. Seule la voix de Sarah Everton amène un peu de lumière dans cet univers impitoyable (Out Of). La recette fonctionne assez bien. On est souvent séduit (Tell Me, Start Again), mais attention à l’indigestion cependant (Images). Un peu de légèreté aurait été bienvenue.

 

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The Young Sinclairs, This is The Young Sinclairs (Ample Play / Modulor)

The Young Sinclairs est un des secrets les mieux gardés de la scène indépendante américaine. Leur nouvel album, This Is The Young Sinclairs est le premier à bénéficier d’une distribution française grâce à une signature sur l’excellent label Ample Play (Sudden Death Of Stars, Bed Rugs). Membre de la famille informelle The Magic Twig Community (Bleeding Rainbow, Eternal Summers), le groupe de Roanoke (Virginie) s’est fait le chantre d’un folk-rock élégant et gracieux depuis une dizaine d’années. 45 Tours après 45 Tours, Sam Lunsford, principal compositeur et initiateur du groupe, a perfectionné un son majestueux et cristallin qu’il déroule fièrement sur ces quinze compositions. La première face de l’album compile une sélection de titres édités en simples dans lesquels Dylan croise les Byrds. Gorgés de Rickenbacker 12 cordes, Problems, New Day et Turned Around font mieux qu’imiter les maîtres, ils les égalent. Chansons égarées dans une faille spatio-temporelle, entre 1966 à Los Angeles et 1987 à Glasgow, l’émotion et la sincérité qui les parcourent sont intemporelles. Dans le second acte, The Young Sinclairs, à la surprise générale, remisent les guitares, place aux pianos et orgues ! That’s All Right et Between The Summer And The Fall tiennent ainsi autant d’Otis Redding et Booker T Jones que du Zimmerman et McGuinn. Country et Soul s’unissent dans un slow langoureux culminant sur la sublime All Fallen Down. Lui succède une anodine I Could Die. Conclusion bien trop bruyante pour un disque si délicat et sensible.