Toute la musique rassemblée ici a été enregistrée en cinq ans à peine – entre la fin calamiteuse de la tournée américaine de Soft Machine en compagnie de Jimi Hendrix et l’expiration du contrat avec Harvest, faute de succès concluant. Hasards de la numérologie sans doute, c’est à cinq ans que je l’ai découverte. D’abord avec un nom. Associé, comme beaucoup d’autres, à l’enfance et à ces pochettes de disques qui trainaient dans la chambre de ma sœur aînée – en l’occurrence, une réédition qui regroupait en double album Whatevershebringwesing (1971) et Bananamour (1973) dont la garde m’a été généreusement attribuée depuis. Une musique ensuite, bizarre – un peu trop pour mes oreilles mal accoutumées aux dissonances – différente, incertaine. La voix si grave n’était pas désagréable – sauf quand elle était monstrueusement déformée : je détestais Song From A Bottom Of A Well – mais c’était comme si ce compositeur paresseux ne s’était pas donné la peine de terminer proprement et sérieusement toutes ses chansons. Cette sensation de négligence improvisée me troublait et m’inquiétait un peu. J’entendais bien quelques morceaux qui me plaisaient déjà mais, petit garçon, je préférais que mes chanteurs se comportent en adultes responsables, au moins sur toute l’entièreté d’une face, et qu’ils s’en tiennent à de vrais couplets suivis de refrains que l’on pouvait fredonner aisément. Comme Cat Stevens ou les Beatles, par exemple. Continuer la lecture de « Kevin Ayers, All This Crazy Gift Of Time, The Recordings 1969-1973 (Esoteric Recordings) »
Catégories Chronique en léger différé
Dottie Doppler, Dottie Doppler plays (Fréquences Critiques)
Il s’agit d’un phénomène bien connu : l’omniprésence d’une tendance musicale, la généralisation de ses gimmicks d’écriture ou de production, provoque quasi-systématiquement une forme de réaction ou de contrepied. Celle du laptop dans la musique expérimentale du début des années 2000 a logiquement contribué à ce que ce développe son contraire, à savoir la montée en puissance d’une esthétique de l’analogique, du matériel retro, de la circuiterie et du câblage. On ne pourrait comprendre la renouveau de la synthèse modulaire autrement, ou encore l’essor de labels comme Da ! Heard It Records ou Tanzprocesz. Car cela fait maintenant une bonne quinzaine d’années que se développe une scène mutante aux contours en perpétuelle évolution, qui réinvestit différents genres allant de l’indus oldschool aux entreprises électroniques concrètes ou aux différentes formes de bruitisme DIY. Continuer la lecture de « Dottie Doppler, Dottie Doppler plays (Fréquences Critiques) »
Catégories interview
Iain Matthews : « Quand on a écrit des chansons pendant trente ou quarante ans d’affilée, il n’y pas vraiment d’interrupteur ! »
Plus d’un demi-siècle de carrière et plusieurs vies musicales. C’est tout le temps qu’il a fallu pour que le jeune apprenti footballeur, stagiaire pro au club de Bradford, se mue, décennie après décennie, en l’un des interprètes ET des auteurs les plus considérables et les plus mal estimés de l’histoire du folk-rock. Et du country-rock. Et aussi de multiples autres styles, effleurés ou explorés tout au long d’une discographie dont il est devenu quasiment impossible de recenser exhaustivement toutes les dérivations tant s’y entremêlent les projets et les références. Alors que Cherry Red Records continue de tenter de remettre un peu d’ordre dans les archives plus que pléthoriques de l’ancien chanteur de Fairport Convention – plusieurs box-sets ont déjà été publiées, d’autres vont bientôt suivre – Iain Matthews publie cet automne un nouvel album solo, How Much Is Enough qu’il présente lui-même comme un ultime tour de piste. Continuer la lecture de « Iain Matthews : « Quand on a écrit des chansons pendant trente ou quarante ans d’affilée, il n’y pas vraiment d’interrupteur ! » »
Catégories sous surveillance
Sous Surveillance : Prism Shores
Qui ?
Où ?
Continuer la lecture de « Sous Surveillance : Prism Shores »
Catégories selectorama
Selectorama : Nicolas Jublot, Géographie Records
En 2019, Nicolas Jublot, programmateur affûté au Point Éphémère à Paris, décidait de monter un label, Géographie. Première signature dans la foulée, le second album des très remarqués Marble Arch, Children of the Slump. Cinq ans plus tard, il a déjà une belle brochette indie pop à son actif : Paper Tapes, Born Idiot, Good Morning TV, Bad Pelicans… Deux groupes ont rejoint la maison cette année, relançant de manière impromptue mais réjouissante les activités du label. Dog Park, qui depuis a joué maintes fois dont une scène de taille, et SCHØØL, avec au micro Francis Mallari de Rendez-Vous et Erica Ashleson (Special Friend, eGGs). Sans compter les nouveaux venus Disarme, Logiciel (ex Jakju) ou Marcel. Une esthétique de label qui s’échappe un peu des sentiers battus de l’indie pour ouvrir le champ des possibles avec un peu plus de perspective. Alors qu’il fête ces jours-ci les cinq ans du label aux Bars en Trans de Rennes, il s’est volontiers prêté au jeu du Sélectorama et nous balance dix morceaux qui comptent pour lui. Et comme il n’est pas du genre à lésiner, il nous gratifie même d’une généreuse playlist au nom ultra intrigant : Jukebox Planisphere.
Continuer la lecture de « Selectorama : Nicolas Jublot, Géographie Records »
Catégories mardi oldie
Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984)
If it be your will.
« Si telle est ta volonté. »
C’est ainsi que Leonard Cohen conclut la difficile deuxième période de sa carrière dite « des désamours », qui a succédé à la lune de miel entre le poète et son public, à sa bohème élégante mais sincère, inattaquable géographiquement — le Chelsea Hotel et Hydra avant l’arrivée de l’électricité sur l’île, qui dit mieux ? — et artistiquement — les recueils, le roman, puis les trois premiers albums, inattaquables — trop noirs ? Inattaquables.
Ces fameux trois albums inauguraux qui captivent d’emblée l’Europe alors que ce sont ceux qui rêvent encore d’Amérique, qui deviennent des tables de la Loi, des mesures de toute chose folk, de tout arrangement – et très vite, dès Songs of Leonard Cohen, qui deviennent des prisons. Cohen lors de ses premières tournées, malgré toutes ses tentatives de sabotage — concerts sous LSD, chevaux, impréparation, empathie —, peine sous le poids des mots ravivant soir après soir les passés et les morts — père, amours, etc. —, sous le poids des attentes, sous le poids de la perfection qu’il atteint quand il fait sans essayer d’être. Un poids sous lequel Bob Dylan, d’un cuir plus solide, a déjà craqué et s’est enfui avant de réapparaître autre, tout autre. Continuer la lecture de « Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984) »
Catégories chronique nouveauté
Kit Sebastian, New Internationale (Brainfeeder)
Depuis 2019, Kit Sebastian construit une délicate discographie. Melodi (2021) succéda à Mantra Moderne (2019). Le groupe londonien ajoute ces jours-ci un troisième joyau à leur couronne déjà bien garnie. Toujours composé du musicien anglais multi-instrumentiste Kit Martin et de l’artiste chanteuse turque Merve Erdem, Kit Sebastian change de label mais certainement pas son propos. D’abord domicilié chez les têtes chercheuses de Mr Bongo (SOYUZ, Project Gemini, Sven Wunder, Marxist Love Disco Ensemble), le duo est désormais hébergé chez Brainfeeder (Thundercat, Louis Cole, Mr. Oizo), le label californien créé par Flying Lotus qui travaille main dans la main avec les vétérans de Ninja Tune. New Internationale (2024) reprend ainsi l’histoire à l’endroit où ses prédécesseurs s’étaient arrêtés. Continuer la lecture de « Kit Sebastian, New Internationale (Brainfeeder) »
Catégories playlist
LA PLAYLIST DES NOUVEAUTÉS DE NOVEMBRE 2024
Novembre, ce mois coincé entre la queue de comète de la rentrée et la précipitation annoncée des fêtes. Novembre, où on se rend compte d’un besoin de se recentrer, de se ressourcer alors que le froid revient. Pour aller dans ce sens, voici une sélection qui ira autant chercher dans les recoins de l’internationale pop (française, anglaise, américaine, ibérique…) que parmi ceux qui ont compté jadis et qui comptent toujours (Kim Deal, Julian Cope, Brigitte Fontaine), ou encore auprès de ceux dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler. Tout le paradoxe réjouissant de section26.
Écoutez cette playlist sur votre plateforme favorite : YouTube, Deezer ou Spotify.
NDLR : les playlists Deezer et Spotify ne comportent pas l’intégralité des titres de la sélection commentée ci-dessous.
Continuer la lecture de « LA PLAYLIST DES NOUVEAUTÉS DE NOVEMBRE 2024 »