Extrait de la Lyrics Video de Khalid, « 8teen ».Logo : Gabrielle
Elles / ils sont des filles de, fils de – ou peut-être des cousines ou des cousins, des nièces, des neveux. Toute la journée, toute la semaine, ils subissent la musique forcément cool qu’écoutent leurs parents ou les membres de leur famille avant que ces derniers n’écrivent quelques lignes ou des tartines pour Section26 – voire d’autres sites du même acabit. Alors, ces ados et pré-ados sont-ils déjà condamnés à écouter ce qu’on leur impose au presque quotidien ? Pas forcément, la preuve par 16, comme en témoigne la quatrième mixtape de cette série, concoctée par Mayli, 16 ans.
Le nouvel album de Jonathan Fitoussi, Plein soleil, file la double métaphore de la luminosité et de la géographie imaginaire. Une manière de convoquer l’utopisme futuriste typique des débuts de la musique électronique : comme par exemple avec Amazonie ou encore Vents magnétiques, qui évoquent certaines figures mythiques comme celles de Morton Subotnik ou de Suzanne Ciani, en célébrant cet art subtil de la synthèse modulaire analogique et ce qu’elle peut porter comme visions d’avenir fantasmatiques. Et pour le coup, l’album de Jonathan Fitoussi place la barre très haut. Sa force d’évocation révèle un musicien en pleine possession de ses moyens. Continuer la lecture de « Selectorama Jonathan Fitoussi »
L’été fut l’occasion de rattraper un peu notre retard sur l’année écoulée en matière de nouveautés. Sorti mi-mai, quelques jours après la fin du confinement, Abracadabra de Jerry Paper n’avait pas eu l’honneur d’une chronique ici contrairement à Like a Baby, son prédécesseur, sorti fin 2018. Enfin physiquement récupéré et posé sur la platine, Abracadabra est aussi séduisant que le précédent si ce n’est plus. Certes Jerry Paper reste fidèle à son esthétique et continue d’œuvrer dans la même direction mais le résultat est toujours aussi charmant, espiègle et élégant. Continuer la lecture de « Jerry Paper, Abracadabra (Stones Throw Records) »
Le californien Alex Izenberg a tout de l’élève trop doué et fantasque qui sait qu’il n’a pas besoin d’en faire trop. Son premier album Harlequin, paru en 2016, en a sûrement perdu plus d’un alors que celui-ci célébrait une belle folie dandyesque masquée par un certain je-m’en-foutisme. Il faut reconnaître au garçon, par ailleurs diagnostiqué schizophrène, le don de frustrer son auditoire et maquiller sous des faux airs de démos à peine abouties des compositions pop baroques et psychédéliques pourtant au final vraiment exquises. Quelque chose comme les ambitions démesurées d’un jeune Van Dyke Parks enregistrées sur un 4-pistes de seconde main et accompagnées par la fanfare de la MJC du coin. Continuer la lecture de « Alex Izenberg, Caravan Château (Domino) »
Interview The Apartments, extrait du numéro 1 de la RPM, daté de mars-avril 1995.
On ne doit pas rencontrer ses héros ? Sans doute. Mais il y a toujours des exceptions. Lorsque j’ai rencontré Peter Milton Walsh pour la première fois, c’était dans les locaux de son label français – New Rose, peut-être – un matin de novembre, au lendemain d’une prestation électrique au festival des Inrockuptibles. Je crois qu’il avait une légère gueule de bois – et il n’a donc pas dû s’apercevoir que je tremblais légèrement et que j’avais la bouche désespérément sèche. Au moment de lancer le magnéto pour enregistrer ses propos, je ne me doutais pas qu’on parlerait de Kylie et de Dusty, je ne me doutais pas qu’il me laisserait un exemplaire de son premier 45 tours. Et je me doutais encore moins qu’un quart de siècle plus tard, j’écrirais encore à son son sujet – avec la même peur de ne pas être à la hauteur.
À l’orée des années 90, on avait depuis longtemps rédigé l’épitaphe de Peter Walsh et de The Apartments. « Compositeur australien surdoué, contemporain de Robert Forster et de Grant McLennan, responsable d’un album essentiel –The Evening Visits… Ans Stays For Years– et d’une poignée de singles. A disparu aux environs de 1987, sans laisser d’adresse ». Et puis, l’an passé, l’homme donnait de ses nouvelles, comme si de rien n’était. Drift, disque bleuté et séduisant, confirmait un talent intact. Aujourd’hui, Peter Walsh annonce même la sortie prochaine d’un nouvel album. Une occasion rêvée pour une visite guidée inespérée. État des lieux.
Interview : Les Frères Poussière. Photos : Michelle Pavlou
« A Bright Light, Karen and The Process » d’Emmanuelle Antille
Disparue en 1993, dans sa maison de Woodstock et dans l’anonymat le plus complet, Karen Dalton n’aura finalement laissé qu’une très maigre discographie, puisque celle-ci ne comprend que deux albums officiels, It’s So Hard to Tell Who’s Going to Love You the Best(1969), son chef-d’œuvre, In My Own Time (1971), un disque plus inégal (même s’il contient la meilleure version connue du classique folk Katie Cruel), ainsi qu’une poignée de home recordings, sortis après sa mort et de plus ou moins bonne qualité. Pourtant, si modeste qu’elle soit, cette discographie aura suffi à transmettre l’essentiel, c’est-à-dire l’empreinte d’une voix unique, que beaucoup ont comparée à celle de Billie Holiday et qui, abîmée par l’alcool, les drogues et la vie, donne souvent le sentiment d’avoir affaire à une vieille âme ayant traversé les âges pour s’échouer dans une époque où elle n’aura, in fine, jamais vraiment réussi à trouver sa place.
Et alors, on écrit quoi ? On écrit quoi sur un groupe au sujet duquel on a déjà tant écrit ? On écrit quoi sur un groupe qu’on chérit – et peut-être le dernier groupe pour lequel on serait encore prêt à en venir aux mains ? On écrit quoi sur un groupe dont on pense à chaque disque qu’il a réalisé son meilleur album alors que bien évidemment, le suivant nous fout à nouveau par terre, nous laisse le souffle coupé, nous donne envie de nous servir un dernier verre ? Alors, on écrit quoi ? Des faits, peut-être. Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #16 : The Apartments »