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Le club du samedi soir #12, Peintres, peintures & musiciens

Beauford Delaney⁠,Marian Anderson (détail), 1965.
Beauford Delaney⁠, Marian Anderson (détail), 1965.

Si c’est le regardeur qui fait le tableau comme l’a dit Duchamp, est-ce l’écouteur qui fait la musique ? Et que se passe-t-il lorsque le musicien se fait regardeur ? Se demande-t-il si la trame nue de la toile est le silence du peintre ? Est-il ébloui de trouver en lui un alter ego troublant ? Se demande-t-il si la surface vide encore à naître est l’écho parfait des moindres bruissements du monde muet qui soudain se fait mélodie dans l’espace de son désir de créer ? Mon postulat éthologique d’une liaison inévitable entre ces deux espèces d’êtres, soit peintre et soit musicien, comporte une liste interminable d’exemples sous forme d’amitiés indéfectibles et d’œuvres jumelles. Qu’il s’agisse de liaisons créatives imaginaires ou non entre maîtres réels ou rêvés et élèves plus ou moins disciplinés. De Frédéric Chopin et Eugène Delacroix à Pierre Boulez et Paul Klee, en passant par Debussy et Claude Monet… mais particulièrement, puisque c’est l’image qui vous regarde ici, à travers les yeux de la contralto Marian Anderson peints par Beauford Delaney, qui par son portrait célébra celle qui fut la première femme africaine-américaine à chanter au Metropolitan Opera à New York. En ce qui concerne le champ pop moderne, ce lien créatif oculo-auditif n’est pas en reste non plus. Et cette playlist en est une tentative de démonstration pleine de bonne et mauvaise foi qui ne tient qu’à ma volonté de faire tenir ma propre vision. Écoutez donc et fermez un peu les yeux pour voir ! Continuer la lecture de « Le club du samedi soir #12, Peintres, peintures & musiciens »

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Les Coronados, N’importe Quoi (Romance)

Tout l’été, les albums qui ont échappé aux radars des plateformes de streaming.

Au panthéon des groupes rock français, les Coronados se situent quelque part entre Marie et les Garçons, les Dogs ou les Olivensteins. S’inscrivant dans cette tradition bien française des groupes élégants et sauvages, le dandysme électrique des Coros a marqué durablement la scène underground hexagonale à défaut de connaître un succès grand public. Aujourd’hui encore absent des sites de streaming, la discographie (deux albums) du groupe francilien est rééditée par les Niçois de Mono-Tone. Ils ont démarré en 2019 avec Un Lustre (1989), le second album de la formation, reste N’importe Quoi initialement paru en 1984 chez Romance Records, éphémère labels qui ne produisit qu’une dizaine de références (Les Injectés, Civils Radio entre autres). Continuer la lecture de « Les Coronados, N’importe Quoi (Romance) »

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À la recherche du poptimisme

Frank Zappa

« Les journalistes de rock sont des gens incapables d’écrire qui interviewent des gens incapables de parler pour des gens incapables de lire » avait dit un jour Frank Zappa. Cette phrase prend un sens particulier dans le contexte actuel. Si le journalisme musical a accompagné pendant de nombreuses années la pop en témoignant sur son époque, il semble aujourd’hui être dans une phase de transition (si on est gentil) voir amener à disparaître (si on est pessimiste). Pendant longtemps, en plus d’être un observateur, un des rôles du critique était d’être un guide d’achats. Cette fonction n’a plus lieu d’être en 2020 tant la musique est facilement accessible avant d’éventuellement l’acheter (autre geste déclinant). Ce questionnement s’ajoute à un autre : le poptimisme. Au cœur de la critique des objets culturels (cinéma, musique, littérature…), cette approche influence la manière dont nous percevons les œuvres. Le poptimisme est un vrai trait de notre époque. S’opposant au rockisme, elle influe les sujets et leurs traitements, définissant les contours de la critique en 2020. La récente liste des meilleurs albums de la décennie du vénérable site Pitchfork en est une éclatante démonstration tant elle diffère de l’occurrence précédente. Le concept est pourtant assez ancien, de même que le débat autour. Peut-être surtout cantonné à la sphère anglophone, à notre tour de mettre une pièce dans la machine et voir ce qu’il en sort. Continuer la lecture de « À la recherche du poptimisme »

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Holy Shit reprend « Tomorrow » de The Durutti Column (inédit)

Matt Fishbeck (Holy Shit)

Il y a quelques semaines (autant dire dans une autre vie – c’était au mois de mai je crois), j’ai déjà écrit toute ma fascination pour l’Américain Matt Fishbeck, un esthète comme on n’en croise plus aucun dans l’univers de la musique pop, taillé dans l’étoffe d’un héros d’un film de Pasolini – si tant est qu’il y ait des héros dans les films de Pasolini, mais c’est une autre histoire. Une fascination qu’est venue nourrir ce matin, presque au réveil (Matt Fishbeck est de ceux qui font attention au décalage horaire, une qualité assez rare pour être soulignée), la réception d’une reprise via un lien YouTube. Mais reprise n’est sans doute pas le mot le plus juste. Il s’agit plutôt d’une relecture.

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Jim O’Rourke, Shutting Down Here (Portraits GRM/Mego)

Depuis le début des années 1990 avec Brise-Glace et Gastr Del Sol, formations estampillées « post-rock », jusqu’à ses monumentales Steamroom (49 volumes à ce jour), sans oublier bien évidemment ses disques sur Drag City, son label historique, ou encore ses multiples collaborations avec la crème de la scène expérimentale, Jim O’Rourke est sans aucun doute l’un des musiciens les plus précieux de ces dernières décennies. Passeur indispensable auprès du public pop de toute un pan de la création musicale actuelle (drone, minimalisme, musique répétitive, etc. ), songwriter génial et producteur de tout premier ordre, son importance est assimilable à celle d’un Eno, par exemple. Continuer la lecture de « Jim O’Rourke, Shutting Down Here (Portraits GRM/Mego) »

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Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte

Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte
Cosmic Trip de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte

Ce n’est pas tous les jours qu’on voit les Spacemen 3 à la télévision. Et pourtant, cela arrivera avec la diffusion probable et prochaine de Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace sur une chaîne culturelle franco-allemande bien connue. En attendant, cette somme imposante mise en forme et composée par Christophe Conte (ex-Inrocks, Libération) et Gaëtan Chataigner (The Little Rabbits, les clips de Katerine et un peu plus que ça…) est à découvrir en avant-première dans le cadre de cette nouvelle édition du FAME. Continuer la lecture de « Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace de Gaëtan Chataigner et Christophe Conte »

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Katie Dey, mydata (Run For Cover)

La discographie de Katie Dey est une lente révélation. Progressivement, dans l’écoulement de quatre albums parus depuis 2015, les épaisses couches érigées en forteresse autour de sa musique se détachent peu à peu, se creusent, deviennent perméables à notre regard. Placées à la suite, les pochettes elles même semblent raconter l’histoire de cette dissipation continue. La silhouette est devenue regard, puis visage. La cacophonie sursaturée et intérieure de asdfasdf s’est vidée de ses parasites pour ressembler à la texture chaude et sereine d’un ciel aux couleurs irréelles. Continuer la lecture de « Katie Dey, mydata (Run For Cover) »

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« He went in the piano » : note sur l’obsession, note sur une démo de « Surf’s Up »

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Brian et son piano, 1971.

Grâce au mode aléatoire qui agite le quotidien — rencontres impromptues de telle heure et telle œuvre —, il se trouve que je découvrais pour la première fois la démo de la piste des Beach Boys, Surf’s Up, dite « solo version » — ce qualificatif…  — alors que je tournais les dernières pages de l’essai Pierre Sky l’Enchanté de Sébastien Smirou (Marest Éditeur). Le soleil se posait en fines bandes sur le gazon en filant dans la dentelle des frondaisons. C’était le Jardin du Luxembourg et au loin, les sifflets des gardiens du Sénat résonnaient. C’était un soir d’été. J’ai voulu pleurer. Je n’y suis pas parvenu. C’est resté à l’intérieur. La voix, qui ressemble à la voix que j’avais dû avoir avant de muer, terminait : « a children song… » Il s’en suivait des vocalises qui assuraient ensuite l’intégralité de la mélodie. Le piano, sur Surf’s Up, n’offre qu’une variation d’accords en boucle, une stricte modulation qui constitue le cercueil de la chanson. Un nuage fin passe dans le ciel de Paris, c’est quasiment du répit. Et enfin, Brian, qui dit, penaud, let’s hear that : l’accident est gravé sur les sillons du studio. Continuer la lecture de « « He went in the piano » : note sur l’obsession, note sur une démo de « Surf’s Up » »