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Blind Test Ian McCulloch (2001)

Ian Mc Culloch
Ian Mc Culloch / Photo Alex Hurst

C’est Michel qui a envoyé le message à la fin du mois de septembre : “Réservez votre soirée du 9 novembre”. Je n’ai compris qu’un peu plus tard qu’il parlait de l’année 2022. Car ce soir-là, dans la ville à côté de laquelle Hervé, Michel et moi vivons (mais pas ensemble) montera sur la scène de La Coopérative de Mai un groupe pas tout à fait comme les autres.
Pour certains adolescents des années 1980, Echo & the Bunnymen, ça a été quelque chose. Parce que parmi les groupes dont nous nous sommes entichés mes amis (mais ce n’était pas encore Michel et Hervé, c’était Laurent, Gilles, Thierry, puis Giuseppe, Vincent, Bruno, Christophe…) et moi, il a toujours eu une aura un peu différente. Sans doute parce que chacun d’entre nous aurait bien aimé ressembler à l’un de ces musiciens qui avaient tous une classe folle – même si le chanteur avait un don certain pour toujours choisir des chaussures un peu ridicules ; sans doute parce que ce groupe n’est jamais devenu aussi populaire que d’autres groupes que nous chérissions alors (et que oui, c’est vrai, nous chérissons toujours) et que nous avions donc un peu l’impression d’être des privilégiés ; sans doute parce qu’il y a eu ce concert diffusé aux Enfants du Rock, ce concert du 18 juillet 1983 au Royal Albert Hall de Londres ; sans doute parce que c’est ce soir-là, devant la télé, qu’on a entendu pour la première fois l’une de ces chansons dont on a su tout de suite qu’on ne se lasserait jamais (même après avoir été massacrée par Pavement), une chanson dont même le titre est parfait : The Killing Moon. Sans doute parce qu’on trouvait les interviews de Ian McCulloch, grande gueule du nord à l’humour décapant et au second degré enivrant, aussi drôles que géniales ; sans doute parce qu’il y a eu ce concert merveilleux au Grand Rex, à l’automne 1987 je crois ; sans doute parce que ça été le premier groupe de cette génération-là à publier une compilation de singles, Songs To Learn And Sing, et que toutes les chansons choisies étaient géniales ; sans doute parce qu’il y a eu la tristesse immense à l’annonce du décès soudain du batteur Pete De Freitas – et que pour la première fois, un musicien d’un groupe qu’on adorait disparaissait… Continuer la lecture de « Blind Test Ian McCulloch (2001) »

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Anika : La fin des compromis

Anika
Anika / Photo : Coralie Gardet

En juillet dernier, Annika Henderson faisait son retour avec un second album, Change, onze ans après celui qui avait fait connaître son nom en 2010, Anika. Alors journaliste politique entre Londres et Berlin, où elle vit désormais, l’Anglaise de Surrey avait répondu à l’appel de Geoff Barrow, membre fondateur de Portishead, à la recherche d’une chanteuse pour un projet encore jeune à l’époque, BEAK>. Neuf titres, dont sept reprises, de Bob Dylan, Ray Davies ou Yoko Ono, étaient nés de cette rencontre. La voix grave et sépulcrale d’Anika, souvent comparée à celle de Nico, assortie d’arrangements entre post-punk et dub, avait soufflé un vent froid mémorable sur ces grands classiques des années 1960. C’est sans surprise qu’on la retrouvait, en 2016, signée sur le plus sombre des labels indés, Sacred Bones, en meneuse du groupe Exploded View. Aujourd’hui, ce sont ces deux maisons, Sacred Bones et Invada, le label de Barrow, que la chanteuse a choisies pour publier son dernier album, son plus personnel et intime. Elle nous parle de son processus de création et de sa manière de le diriger, sans compromis, dans un entretien accordé fin septembre à Angers, quelques heures avant sa performance au Levitation France.

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Shannon Lay, Geist (Sub Pop)

J’aurais pas dû apprendre à parler
Un monde sans mots
Comme j’aurais préféré
Vivre dans un monde où le sens ne prend pas de sens

Tamura Ryûichi

Le vieux Tamura n’a pas trouvé le monde sans les mots, même s’il l’a un peu vu.

C’est une légère nuance.

C’est une joie d’apprendre à fermer son claque-merde. C’est une joie de dire, de s’exprimer, de créer, en fermant son claque-merde. Ou en le laissant s’ouvrir, en le laissant se refermer, en se laissant être inaudible, sans situation, sans direction. Invisible, ou visible dans l’invisible. De l’eau dans de l’eau.

Ploc.

Et parfois un courant, une fluctuation. Plus forte que les autres. Mais comme on est bien peu de choses, comme on n’est pas grand-chose de plus que de la flotte dans des milliards d’hectolitres de flotte, on peut couler tranquillement, épouser le courant, voir du pays avec lui.

Puis constater qu’on s’est laissé attraper par un autre, et un autre, et un autre, et ainsi de suite.

Et donc se laisser attraper d’abord par la voix de Shannon Lay. Continuer la lecture de « Shannon Lay, Geist (Sub Pop) »

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Pat Fish (1957-2021)

Pat Fish
Pat Fish (via Fire records)

J’ai toujours gardé à distance le Jazzbutcher, je ne sais pas trop pourquoi. Il était pourtant l’auteur d’un de mes premiers achats du label Creation, son LP appelé Fishcotheque (1988). En le réécoutant ce matin, j’ai bien aimé ce premier morceau, Next Move Sideways, sur lequel il joue avec cette section rythmique de rêve MorganGoulding, celle qui faisait le bonheur de Peter Astor dans les Weather Prophets. J’ai réécouté aussi Looking For Lot 49 qui faisait écho au livre de Pynchon, Vente à la criée du lot 49 qui trainait dans la bibliothèque de mon père et que du coup, j’avais dévoré (le livre, pas mon père), sans rien y comprendre, fin des années 80. J’avais suivi de loin la carrière de Pat Fish en fait, parce que Lawrence, Peter Astor, Dan Treacy ou Stephen Duffy me dessinaient sans doute une plus flamboyante famille anglaise. Je m’étais arrêté après Bicycle Kid, le dernier morceau qui m’avait accroché l’oreille sur le bien nommé Big Planet, Scarey Planet (1989), on ne peut donc pas dire que je suis un spécialiste ou un fan absolu, vous l’êtes tous, lecteurs, sans doute plus que moi. Continuer la lecture de « Pat Fish (1957-2021) »

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Selectorama : Ivan Smagghe

Ivan Smagghe
Ivan Smagghe / Photo : Kate Green

Ivan Smagghe a consacré les derniers mois dans sa maison de l’Est londonien, à lire toujours plus de livres, à regarder toujours plus de films… avant de retrouver le sens de sa démarche et de reprendre le chemin des clubs, où le Dj et producteur demeure une des personnalités les plus attachantes de ces trois dernières décennies. Sur le fil toujours, des bancs de Science Po aux ondes de Radio Nova, des lignes de la RPM au comptoir du disquaire Rough Trade jadis rue de Charonne, Ivan incarne à son corps défendant une certaine idée de la musique, sans concession, ni chapelle, ni dogme. Dans Passeur, le récit autobiographique de Jean-Daniel Beauvallet à paraître, l’ancien rédacteur en chef des Inrocks se souvient qu’Ivan le Terrible lui conseille alors ainsi le premier album de Palace Brothers : « Ça devrait te plaire, c’est hyper chiant ». Il joue alors aux soirées Respect à côté de la scène émergente, Daft Punk ou Dimitri From Paris en tête, mais c’est un petit club des Grands Boulevards qui l’intronise sommité dark aux Dj sets remarquables. Continuer la lecture de « Selectorama : Ivan Smagghe »

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Lionel Fernandez & Jérôme Noetinger, Outer Blanc (Sonoris) / Contumace, (Matt), (Tanzprocesz)

Figure centrale de la scène expérimentale, dans son versant bruitiste/no-wave, Lionel Fernandez peut aisément être considéré comme l’idéal-type du chercheur et déconstructeur de formes. Avec Sister Iodine tout d’abord, trio emblématique d’une scène sous influence Arto Lindsay/DNA/Sonic Youth, il a pu porter haut le flambeau d’une noise maximaliste dans son appréhension du matériau sonore. Ou encore par exemple avec Discom, Minitel ou Antilles, collectifs explorant des territoires plus électroniques, qui ont su incarner une certaine radicalité caractéristique des musiques aventureuses de la période 2000/2010. Peu étonnant dès lors de le retrouver en cette rentrée avec deux projets à l’insularité sans concession. Outer Blanc avec Jerôme Noetinger d’une part, sorti début septembre sur Sonoris, qui entend confronter guitare (passée au filtre d’une multitude d’effets) et magnéto à bande. Contumace ensuite, avec un disque (Matt) prévu début novembre sur Tanzprocesz, qui s’attaque quant à lui aux esthétiques post-industrielles et minimalistes. Continuer la lecture de « Lionel Fernandez & Jérôme Noetinger, Outer Blanc (Sonoris) / Contumace, (Matt), (Tanzprocesz) »

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Jellyfish, Bellybutton & Spilt Milk, (1990 & 1993, Charisma)

C’est la question que l’on redoute par-dessus tout et qui finit tôt ou tard par resurgir. Souvent en plein dîner de famille, parfois dès les premières minutes d’une nouvelle rencontre. Qu’il s’agisse de justifier l’irrationalité inflationniste d’une collection envahissante de quelques milliers de disques ou d’expliquer au profane le contenu exact de ce mystérieux webzine auquel on consacre du temps depuis un bon moment. Immanquablement, elle sera posée avec la naïveté déroutante et involontairement cruelle du Petit Prince face à l’aviateur : “Mais enfin, c’est quoi le genre de musique que tu écoutes ? ” Depuis quelques années, plutôt que de creuser davantage le fossé qui nous sépare de l’interlocuteur curieux en tentant d’échafauder une définition complexe ou en exhibant une liste de noms et de références trop rarement partagées, et qui finissent par éteindre les dernières lueurs de compréhension dans son regard, on préfère opter pour une pédagogie par l’exemple. Et ce sont presque toujours ces deux albums que l’on commence par ressortir. Continuer la lecture de « Jellyfish, Bellybutton & Spilt Milk, (1990 & 1993, Charisma) »

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Boost 3000, Quel album (Pop Supérette / Another Record)

« Est-ce que tu veux bien enlever l’amertume ? »

Voilà ce que c’est, une trop grande proximité avec un label et son gérant, un disque qu’on a écouté à l’avance et qui nous a comblé, les formules qui jaillissent (« Michel Legrand, mono d’une colonie de vacances à Paisley Park », assez imprécise mais spontanée) et qui ne disent pas grand-chose finalement, les kits de presse que personne ne lit (l’histoire d’un garçon et d’une fille qui filent sur une départementale sur une mobylette kitée, les cheveux dans le vent, ce genre, oui c’était un peu de moi, pas de secret entre nous), et on se retrouve fort dépourvus au moment d’écrire LA chronique qu’on aimerait à la hauteur de ce qu’on entend. Peine perdue, pas grave. Les gens bienveillants de Section26 savent que notre écriture est ancrée dans le fanzinat, pas dans la presse quotidienne nationale, ni la revue universitaire. L’excuse parfaite. Continuer la lecture de « Boost 3000, Quel album (Pop Supérette / Another Record) »