Martin Dupont, revenants de la Cold Wave

Martin Dupont
Martin Dupont

Le choc. Il existe donc en France un groupe qui a ouvert pour The Lotus Eaters et Siouxsie and the Banshees, qui a publié des disques à l’esthétique parfaite d’un niveau insoupçonnable… Et nous le savions pas. Les Martin Dupont, car c’est bien d’eux dont il est question aujourd’hui, ont posé quelques jalons de 1984 à 1987 et n’ont pas sombré dans l’oubli. En effet, écouter Love on my Side une fois, c’est tomber dans le piège tendu par les claviers d’Alain Seghir. Et c’est ainsi pour quasiment toutes les chansons de ce groupe de Marseille qui a le mérite de glacer le sang de la Canebière. Car au final, quel est le meilleur remède contre le réchauffement climatique ? Les refrains d’outre-tombe de ce groupe au nom totalement improbable.
La musique de Seghir n’a jamais sombré dans l’oubli grâce à ses fans, à Agnès B et au label Minimal Wave qui travaille la discographie du groupe. Elle va même revenir sur scène en 2023 et voir de nouveaux morceaux arriver grâce à un album. Un nouveau choc en approche. Vous revenez aux affaires avec un disque, Kintsugi. Le kintsugi est l’art japonais de la réparation des céramiques. Comment doit-on comprendre ce titre ?

Alain Seghir : C’est effectivement en lien avec notre histoire puisque cet art japonais sublimant l’objet brisé par une réparation à l’or évoque aussi la métaphore psychologique de la reconstruction d’où on ressort grandi. C’est à mon sens ce que vit le groupe.

Quel a été l’évènement déclencheur de votre retour ? Si événement il y a eu évidemment.

Alain Seghir : J’aime que le hasard s’en mêle et ça a été souvent le cas pour nous. J’avais été invité par Alexandre Louis du label Infrastition à un concert de Collection d’Arnell Andrea où on m’a présenté Thierry Sintoni et Sandy Casado, les ex-Rise and Fall of a Decade dont j’avais tous les albums. Le hasard a voulu qu’il aient acheté une maison dans un petit village normand près de chez nous. Nous avons travaillé ensemble et, non seulement c’était tout à fait dans l’esprit Martin Dupont, ça collait extraordinairement bien entre nous. Nous avons fait écouter les deux premiers morceaux que nous avions retravaillés à Stanislas Chapel du label Meidosem qui s’est enthousiasmé et nous a incités à enregistrer. Nous avons  fini par faire un nouvel album. J’ai alors sollicité un musicien rennais, Ollivier Leroy (Olli and the Bollywood Orchestra, Contréo, The Secret Church Orchestra) dont j’aimais l’éclectisme et la qualité du travail, pour des conseils et j’ai obtenu beaucoup mieux, il a rejoint le navire !

Avez-vous gardé la même méthode de composition que pour les précédents albums ?

Alain Seghir : J’ai toujours eu tendance à créer les morceaux trop rapidement, je ne saurais pas dire si c’était l’empressement pour la composition ou de la simple flemme mais la présence de Thierry Sintoni m’a permis de mieux travailler les morceaux. Je suis par ailleurs ravi que tous participent aujourd’hui au processus de création.

Votre retour est intimement lié au label Minimal Wave. Quelles relations avez-vous avec ce label ?

Alain Seghir : Veronica Vasicka m’avait contacté pour me dire qu’elle adorait Martin Dupont et voulait nous rééditer, elle est venue de New-York pour me rencontrer à Cherbourg et les choses se sont vite mises en route. Elles est largement responsable de notre notoriété internationale, notamment aux États-Unis. Elle nous a fait l’honneur de sortir un coffret prestigieux dont le graphisme a été confié au styliste new-yorkais Peter Miles, qu’elle a récemment réédité. Notre relation a toujours été teintée d’estime réciproque et d’amitié; elle a une fille, Vale, qui a le même âge que la mienne, Athena, et elles sont comme deux jumelles inter-continentales !

L’esthétique du groupe est liée au travail d’Yves Cheynet… et à certaines photographies. Quelle est l’histoire de ce cliché ?

Martin Dupont
Martin Dupont

Alain Seghir : La relation avec la peinture d’Yves Cheynet est fondamentale pour moi, j’ai découvert sa peinture au début de l’aventure  Martin Dupont et j’ai immédiatement su que sa peinture illustrerait toutes mes productions. Nous n’imaginions pas à l’époque que nos photos puissent être un jour diffusées aux quatre coins du monde et les rares séries que nous avons pu faire étaient le fruit de notre amitié avec deux photographes, Michel Bresson et Michel Berard. Il s’agit d’une photographie de Michel Berard.

Vous remontez sur scène en janvier 2023 à Marseille. Comment se passent les choses au niveau de la technique ? Je crois avoir lu que tu avais revendu tous tes claviers. Arrives-tu à retrouver ton son avec les nouveaux claviers ?

Alain Seghir : Je pense avoir de la chance d’être épaulé par deux piliers qui maitrisent et gèrent les aspects techniques, Thierry Sintoni et Ollivier Leroy, qui de surcroit vont assurer de grosses parties instrumentales sur scène. Par ailleurs, je trouve que Brigitte a gagné en maturité vocale, que Beverley a un meilleur son que jamais, et que Sandy apporte par son sens mélodique et la souplesse de sa voix une richesse supplémentaire. Pour ce qui est du matériel, je regrette bien sûr d’avoir vendu mes vieux synthés analogiques mais je suis malgré tout très satisfait des outils dont nous disposons aujourd’hui.

Ce retour sur scène était…impératif ? Sortir un nouvel album, c’est de facto le défendre sur scène ? Qu’est-ce-qui t’a le plus manqué ? Enregistrer ou donner un concert ?

Alain Seghir : C’est de loin la création musicale qui m’a le plus manqué, toutefois avec la formation actuelle le concert a toutes les chances de me plaire beaucoup plus qu’à l’époque. Ce n’est pas que je n’aimais pas le concert mais je devais alors gérer seul tous les aspects techniques, jouer plusieurs instruments et chanter à la fois.

Martin Dupont
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Qu’écoute Alain Seghir aujourd’hui ?

Alain Seghir : Beaucoup de choses ! Après l’arrêt des activités du groupe à l’époque, j’ai immédiatement compensé par un appétit musical décuplé et j’ai toujours acheté énormément de disques avec une curiosité tous azimuts. Aujourd’hui je serais incapable de dire combien de milliers de disques je possède et je suis presque paralysé à l’idée d’omettre des choses que je peux considérer comme majeures. Donner une liste de noms aujourd’hui me semblerait réducteur.


La discographie des Martin Dupont est disponible sur leur bandcamp. Ils seront en concert le 21 janvier 2023 à l’Espace Julien (Marseille).

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