Bien évidemment, avec cet interview définitivement trop tardive (l’album est sorti fin 2018, ndlr), on a un peu l’impression de perpétuer le flambeau éternel de défense des beautiful losers, cette pratique séculaire française qui a fait de notre pays la terre d’accueil de nombre de parias plus ou moins fréquentables de la scène internationale, pour le pire parfois (les affreux Archive…), pour le meilleur aussi, des magnifiques Apartments du grand Peter Milton Walsh ou jadis du complètement cramé Johnny Thunders. La France aime les perdants. Eugene McGuinness ne jouit pas encore d’un tel statut mais en a, hélas pour lui, tous les atouts. Continuer la lecture de « Eugene McGuinness – la grâce urbaine »
De passage à Paris, pour un concert au Petit Bain, Steve Gunn a pris le temps d’évoquer un peu la genèse de The Unseen in Between, son onzième album, mais aussi son parcours singulier de guitariste folk qui, après s’être longtemps inscrit dans les sillages abstraits de musiciens comme John Fahey ou Jack Rose, a fini par trouver sa propre voie et se met, sur le tard, à apprivoiser des formes d’écritures plus simples et accueillantes. Depuis 2016, Steve Gunn se trouve dans une position un peu étrange. Signé chez Matador pour Eyes on the Lines, son dixième album, ce guitariste new-yorkais, grand admirateur de John Fahey et Sandy Bull, s’est affranchi d’un coup de la confidentialité relative dans laquelle son œuvre semblait végéter depuis presque dix ans. Désormais plus en vue, grâce à l’envergure internationale de son nouveau label, Steve Gunn vend plus de disques, voit tout un nouveau public se presser aux guichets de ses concerts et se retrouve régulièrement interrogé dans les pages des grandes titres de la presse rock anglo-saxonne (Mojo, Uncut, The Wire, etc). Pour autant, il n’est pas certain que ce quadra originaire de la banlieue de Philadelphie se retrouve complètement dans son nouveau rôle de figure montante du rock indépendant américain. Déjà parce que sa discographie foisonnante suffit à rappeler qu’il n’a rien d’un débutant et qu’il se pose même, plutôt, comme un artiste accompli et à l’identité très forte. Et ensuite parce que, contrairement à son ami Kurt Vile, qui fait le bonheur du même label Matador depuis une petite dizaine d’années, Steve Gunn ne donne pas le sentiment d’avoir jamais été véritablement attiré par la lumière des projecteurs. Continuer la lecture de « Steve Gunn – Macadam cowboy »
Le 4 Avril 2019, le troisième (et dernier) album de Codeine fêtait le vingt-cinquième anniversaire de sa sortie dans une indifférence générale (merci Daniel Yeang pour la piqûre de rappel). C’était l’occasion de rassembler quelques souvenirs et d’évoquer la lenteur d’une musique dont la beauté reste à couper le souffle.
Après quelques mots sur Codeine, relisez en fin d’article l’interview intégrale réalisée pour Magic Mushroom n°9, au printemps 1994, accompagnée d’une playlist dédiée au groupe ici.
Avec seulement deux titres dans ses bagages, SASAMI a débarqué sur le devant de la scène à l’automne dernier. Grâce à une solide décoction de dream pop aérienne et de fulgurances grunge, elle a envoûté la presse internationale et s’est vue sur-le-champ décerner les titres de Best New Song par Pitchfork et de « rock’s next big thing » par l’influente revue américaine The Fader. Des prémonitions confirmées par SASAMI, premier album renversant imaginé au cours d’une année sur la route avec Cherry Glazerr, ex-gang de l’originaire de Los Angeles. En dilettante, elle enregistre ses idées sur son iPad et puise pour l’inspiration dans ces messages trop chargés, ceux que l’on renonce à envoyer et que l’on enterre dans les « Notes » de son smartphone. Avec un ferme « Let’s fucking do it! » elle a ouvert notre discussion et, à deux jours de la Journée internationale des femmes – qui, et cela ne saurait être un hasard, fut aussi celle de la parution de son album –, a exprimé sa reconnaissance à toutes les musiciennes et professionnelles qui l’ont accompagnée jusque-là et font évoluer, progressivement, le milieu de la musique.
Le rendez-vous avait été fixé en toute fin d’après-midi, dans les locaux de son label, Polydor, à Londres. Je suis à peu près certain que c’était au mois de novembre. La nuit était tombée tôt, il pleuvait. Lors de cet entretien qui a frôlé l’heure, Mark Hollis n’a bien sûr pas du tout ressemblé à sa musique – taiseuse, ascétique, bouleversante, avec le silence en guise d’arrangement. L’homme qui s’assit en face de nous était, lui, bavard. Mais un bavardage qui allait toujours à l’essentiel. Il avait évoqué pêle-mêle Jimmy Miller, Les Enfants du Paradis, le jazz, Talk Talk, l’improvisation, la Première Guerre Mondiale… L’interview a été une première fois publiée en janvier 1998, au moment de la sortie de cet album solo, puis une nouvelle fois en 2008 – pour célébrer son dixième anniversaire.
Quatre décennies à arpenter les scènes avec son jeu de basse identifiable et unique, Peter Hook se souvient au long de différents ouvrages, dont le dernier en date, Substance, New Order Vu De L’Intérieur (Le Mot et le Reste). De Joy Division à New Order, qu’il a quitté depuis 2006 avec perte et fracas, de son club emblématique l’Haçienda jusqu’à Peter Hook & The Light qui revisite une discographie exemplaire, le natif de Salford dans la banlieue mancunienne se livre sans détour, quelques semaines avant la parution de ce troisième ouvrage à l’automne 2017. Touché au cœur par ses anciens compagnons de route et presque dans sa chair par l’horrible attentat de mai 2017 à la Manchester Arena, le bassiste défend sa vie et son œuvre, et écorne la légende qu’il a contribué à façonner, avec cet humour vache du Nord de l’Angleterre. Aminci et sobre, amical et sensible, Hooky revient alors sur sa vision de l’histoire de Joy Division et New Order, et celle de Manchester. S’il n’a toujours pas remisé sa basse au placard, en témoignent les récentes dates françaises de début 2019 avec Peter Hook &The Light, un accord avec son ancien groupe a été signé peu de temps après cette interview, déjà publiée, mais dont voici une extendedversion inédite.
Quelques semaines avant la sortie de son nouvel album, Inferno (Tapete/Differ-Ant), et au lendemain de la diffusion d’un programme radiophonique entièrement consacré à son oeuvre, il est temps de ressortir de nos archives l’interview de Robert Forster réalisée en septembre 2015, quelques heures à peine avant que l’ancien co-leader de The Go-Betweens assiste au grand retour sur une scène parisienne de son compère de jadis, Peter Milton Walsh. En cette occasion mémorable, nous avions fait le point avec lui, sous forme de mots-clefs, sur une carrière qui s’étale désormais sur cinq décennies et dont les récents prolongements ne cessent de surprendre agréablement.