Ce fut l’une des meilleures surprises de 2024. Alors qu’on n’osait plus vraiment l’espérer, les immenses mérites méconnus de Redd Kross se sont trouvés célébrés comme quasiment jamais dans l’histoire, pourtant longue de près d’un demi-siècle, de ce groupe fondamental. Un concert parisien trop longtemps reporté mais magnifique dans sa démesure, la diffusion annoncée dans plusieurs festivals d’un documentaire – Born Innocent, The Red Kross Story d’Andrew Reich, la publication d’une biographie nourrie des témoignages, parfois contradictoires, des principaux intéressés – Now You’re One Of Us de Dan Epstein. Enfin la sortie estivale d’un nouvel album, double et copieusement garni de ces tubes à la fois pop et saturés dont les frères McDonald semblent avoir précieusement conservé le secret. C’est depuis un hôtel bruxellois où se poursuit la tournée européenne du groupe que le cadet – Steven – a consenti à se repencher avec nous sur quelques-uns des jalons de ce périple fraternel et atypique. Continuer la lecture de « Steven McDonald (Redd Kross) : « J’évite de trop m’en foutre » »
Catégorie : interview
Catégories interview
Michael Hiscock / The Gentle Spring : « J’ai appris le pouvoir de la chanson en vivant en France »
On ne peut pas donner tort à cent pour cent à Malraux lorsqu’il affirmait que “à force de déterrer le passé, on finit par enterrer le présent”. Mais ce serait négliger la beauté de l’intemporel au sens large. A sans cesse vouloir innover, se démarquer, on prend le risque d’oublier le principal, la cohérence et la qualité. Qui n’a pas été déçu par la réécoute d’albums adorés il y dix ans qui sonnent affreusement datés ? On sait dès la première écoute que Looking Back At The World, le premier album du trio The Gentle Spring ne tombera pas dans cet écueil. Avec une guitare, une basse et un synthé, les mélodies et les textes de l’ex Field Mice Michael Hiscock et d’Emilie Guillaumot vont à l’essentiel. La combinaison d’une musique minimaliste où les moments de silence sont parfois aussi importants qu’un subtil changement d’accord et de textes/mini scènes de vie dans lesquels tout le monde se reconnaîtra, font de Looking Back At The World un disque qui va nous accompagner pendant un long moment. Trente-quatre ans après le dernier album des Field Mice, groupe initialement formé en duo avec Bobby Wratten, Michael Hiscock nous prouve qu’il sait encore s’entourer de gens talentueux pour produire une musique qui n’a rien à envier au passé. Continuer la lecture de « Michael Hiscock / The Gentle Spring : « J’ai appris le pouvoir de la chanson en vivant en France » »
Catégories interview
Christopher Owens : « Je n’ai jamais eu aussi peur de sortir un disque »
De son propre aveu, il n’en avait aucune idée, mais qu’est ce que Christopher Owens nous avait manqué ces dernières années ! Cela faisait presque dix ans que nous attendions la suite de Chrissybaby Forever, son dernier album solo en date. Pendant cette période, Girls, son intouchable premier groupe, est passé du statut de groupe respecté à celui de groupe culte, cumulant des millions d’écoutes sur les plateformes. Mais voilà, Christopher Owens a malheureusement connu à titre personnel une situation inversement proportionnelle, en passant de pop star s’affichant sur les campagnes Saint Laurent, Isabel Marant ou H&M à une vie de sans domicile fixe ignoré de ses propres amis. Remonter la pente a été long, douloureux, mais sans cette descente abrupte I Wanna Run Barefoot Through Your Hair n’aurait jamais vu le jour. Continuer la lecture de « Christopher Owens : « Je n’ai jamais eu aussi peur de sortir un disque » »
Catégories interview
Iain Matthews : « Quand on a écrit des chansons pendant trente ou quarante ans d’affilée, il n’y pas vraiment d’interrupteur ! »
Plus d’un demi-siècle de carrière et plusieurs vies musicales. C’est tout le temps qu’il a fallu pour que le jeune apprenti footballeur, stagiaire pro au club de Bradford, se mue, décennie après décennie, en l’un des interprètes ET des auteurs les plus considérables et les plus mal estimés de l’histoire du folk-rock. Et du country-rock. Et aussi de multiples autres styles, effleurés ou explorés tout au long d’une discographie dont il est devenu quasiment impossible de recenser exhaustivement toutes les dérivations tant s’y entremêlent les projets et les références. Alors que Cherry Red Records continue de tenter de remettre un peu d’ordre dans les archives plus que pléthoriques de l’ancien chanteur de Fairport Convention – plusieurs box-sets ont déjà été publiées, d’autres vont bientôt suivre – Iain Matthews publie cet automne un nouvel album solo, How Much Is Enough qu’il présente lui-même comme un ultime tour de piste. Continuer la lecture de « Iain Matthews : « Quand on a écrit des chansons pendant trente ou quarante ans d’affilée, il n’y pas vraiment d’interrupteur ! » »
Catégories interview
Steve Wynn (The Dream Syndicate) : « Je me suis répété : sois honnête, n’aie pas peur »
Ils ne sont pas si nombreux. On serait même bien en peine de les compter sur les doigts des deux mains. Les musiciens dont la carrière s’étend désormais sur cinq décennies et qui parviennent à prolonger dignement les fulgurances initiales qui leur ont valu une place de choix dans les livres d’histoire. Steve Wynn est de ceux-là, et pas qu’un peu. On a beau chercher : pas vraiment de mauvais album dans une discographie pléthorique où on les compte par dizaines. Certains qu’on a plus eu envie d’écouter que d’autres, simplement. Et d’autres que l’on redécouvre au fil des ans, en s’offusquant souvent d’être passé à côté. Depuis une bonne dizaine d’années, Wynn jongle allègrement entre les projets et les casquettes sans jamais flancher ni laisser poindre les traces de l’usure de l’âge : incendiaire virtuose et artisan de la flamme psychédélique au sein de The Dream Syndicate, gardien de son propre musée et organisateur de campagnes de rééditions qui ont permis d’apprécier à leur plus juste valeur des jalons parfois négligés de son catalogue, songwriter classique dont le talent rare s’exprime dans les fragments trop longtemps interrompus de sa discographie solo. Et désormais écrivain puisque, en même temps qu’un nouvel album en solitaire et remarquable – Make It Right (2024) – il publie ses mémoires, honnêtes, passionanntes et hautes en couleur. Au fil des pages de I Wouldn’t Say It If It Wasn’t True (2024), on croise ainsi quelques figures plus (Alex Chilton, le gratin du Paisley Underground) ou nettement moins (Michael Jackson enfant, Mac Davis, l’auteur d’In The Ghetto pour Elvis Presley) attendues. Au lendemain d’une performance émouvante où ont alterné lecture et chant, on retrouve donc le maître, en terrasse, pour évoquer avec lui quelques-unes de ces nombreuses et récentes activités. Continuer la lecture de « Steve Wynn (The Dream Syndicate) : « Je me suis répété : sois honnête, n’aie pas peur » »
Catégories interview
Graham Gouldman : « Il n’y a que deux sortes de chansons : les bonnes et les mauvaises »
Dans son autobiographie, Wild Tales (2013), Graham Nash raconte, avec un ton d’incrédulité, que les décennies ne sont pas parvenu à atténuer cette rencontre, en 1965. A la demande insistante de leur ex-manager Michael Cohen, lui-même tanné de près par une de ses voisines dont le fils, prétend-elle, se pique d’écrire des chansons, les Hollies au complet acceptent, non sans réticence, de rendre visite à ce gosse juif de dix-neuf ans dans les beaux quartiers de Manchester, bien décidés balayer ses prétentions d’un revers dédaigneux. Sans se démonter, le gamin en question leur joue coup sur coup trois de ses créations des dernières semaines : Bus Stop d’abord, Look Through Any Window ensuite. Les Hollies s’empressent d’acheter, bouche-bée. Et enfin No Milk Today, qu’il a déjà promis à un autre groupe du coin, pour faire bonne mesure. Figure aussi discrète que majeure de la pop de l’ère classique, Graham Gouldman a poursuivi sa longue route ensuite, enchaînant les succès pour les autres – Hollies, Yardbirds, Ohio Express : la liste est aussi interminable qu’impressionnante – et pour lui, au sein de 10CC puis de Wax. Depuis un peu plus d’une décennie, il a également enrichi ce patrimoine personnel pléthorique de quelques albums solo – I Have Notes, le troisième en douze ans est sorti sans bruit cet été – qui prouvent qu’il n’a rien perdu de son enthousiasme ni de son savoir-faire. Continuer la lecture de « Graham Gouldman : « Il n’y a que deux sortes de chansons : les bonnes et les mauvaises » »
Catégories interview
Uni Boys : « La power pop ne doit pas être un modèle dont il faut respecter scrupuleusement les règles »
Attablés à la terrasse d’un bistrot, les Uni Boys au quasi-complet – Reza Matin, co-leader et guitariste, a du prématurément abandonner ses camarades pour rejoindre en tournée The Lemon Twigs dont il est également le batteur et le bassiste – semblent goûter sans réserve aux plaisirs estivaux de leur escapade parisienne. La prononciation est encore un peu hésitante à l’heure de commander une tournée de « Kir Royal » mais la descente est impeccable. Noah Nash (guitariste et chanteur), Michael Cipolletti (basse) et Artie Fitch (batterie) paraissent avoir oublié pour quelques jours leur Los Angeles natal ainsi que les corvées attenantes aux jobs alimentaires qu’ils ont encore contraints d’occuper. Manifestement, le fait d’avoir enregistré coup sur coup deux des albums de rock mélodique et densément électrifié les plus remarquables et les plus rafraichissants de la décennie en cours ne garantit même plus à ces jeunes aussi talentueux que passionnés de pouvoir vivre décemment de leur art. Dont acte. Il n’en demeure pas moins que ces dignes héritiers locaux des Nerves d’antan méritent amplement qu’on prête une oreille attentive à leurs tubes flamboyants. Et qu’on s’intéresse un peu à leur parcours – encore bref mais plein de promesses à tenir. Comme chantaient The Who, ces kids sont dac. Continuer la lecture de « Uni Boys : « La power pop ne doit pas être un modèle dont il faut respecter scrupuleusement les règles » »
Catégories interview
Matthew Caws (Nada Surf) : « Les chansons sont un espace de sécurité totale »
Pendant longtemps, bon nombre des groupes que nous chérissions étaient ceux avec lesquels nous avions grandi. Désormais, il y a ceux avec lesquels nous choisissons de vieillir. Parfois, ce sont les mêmes. Mais pas toujours. En musique comme en amour, la nuance est d’importance. A la simple continuation nostalgique des émois de jeunesse, dont l’intensité initiale suffit parfois à retarder la dissipation inévitable, il faut parvenir à substituer une autre source d’enchantement. Moins bouillonnante, sans doute. De celle qui puisse survivre à la dissipation des attentes illusoires de la nouveauté radicale, d’un chef d’œuvre susceptible de rebattre l’ensemble des cartes usées aux encornures d’un jeu distribué il y a plusieurs décennies. Les albums de Nada Surf se suivent, plus ou moins régulièrement. Ils se ressemblent aussi, souvent, et ça n’est pourtant jamais un motif de déception. Le sillon creusé avec persévérance par Matthew Caws et ses camarades est suffisamment profond et fertile pour y replonger à chaque occasion. Comme tous ses prédécesseurs sans exception, Moon Mirror contient sa douzaine d’excellentes chansons, alternant entre accélérations powerpop électrisées et ballades méditatives. Comme à chaque fois, l’impression s’impose d’entendre se renouer les fils d’une conversation intime avec l’un des auteurs les plus touchants dans les évocations honnêtes de ses fragilités. Continuer la lecture de « Matthew Caws (Nada Surf) : « Les chansons sont un espace de sécurité totale » »