La rentrée, déjà, qui marque le moment des transitions entre deux formes contrastées de temporalité. Une fois encore, les instants dérobés à l’écoulement implacable de toutes les routines se condensent dans des souvenirs. Très partiels, mais précieux. On perd sans doute beaucoup en réduisant quelques semaines de vie étirée aux quelques fragments que la mémoire est en mesure d’en conserver. Et pourtant, ce processus inévitable de condensation apporte aussi son lot de révélations et de rapprochements inattendus. Ainsi cette collision entre deux émotions marquantes provoquées presque simultanément par la contemplation – au cours d’une séance d’astronomie amateure – d’un lever de pleine lune, aussi radieux que les plus beaux couchers de soleil, et l’écoute du nouvel album de CouteauX. Coïncidence à part, il subsiste quelque chose de cette lueur à la fois incandescente et crépusculaire dans ces douze chansons : l’impression durable que le plus beau peut advenir après-coup, alors que ce qui paraissait jusqu’alors essentiel s’est déjà achevé. Continuer la lecture de « CousteauX, Stray Gods (Silent X) »
Catégorie : chroniques
Catégories 45 tours, chroniques
Yves Bernard, 15 août EP (autoproduction)
« J’ai repris ma bagnole et j’me suis cassé je remettrai plus les pieds dans cet endroit bondé, dans cet enfer bleuté. »
1. Je l’évoquais pas plus tard que récemment ici à propos de Prince de Perse de Vaillant, l’idée de tube de l’été a toujours taraudé le monde de la musique : idéal pour faire danser dans la chaleur de la saison, il est un enjeu pour le commerce, bien sûr, mais surtout d’image : il s’agit de captiver un public ouvert à la farniente, de lui vendre des tonnes de disques et de devenir la bande-son d’un amour éphémère, d’une rencontre fortuite, ancrée à jamais dans les souvenirs pour finalement s’inscrire dans la culture populaire comme un tatouage estival décidé la cervelle cramée par le soleil. Continuer la lecture de « Yves Bernard, 15 août EP (autoproduction) »
Catégories chronique nouveauté, chroniques
Lonely Kid Quentin, Quatorze stations (Potagers natures, Fougère Musique…)
« Fais attention quand même,
tu mises tout sur ton air blême »
Sous l’apparence de joyeux drilles, ils tentent de faire passer en loucedé de sacrés paquets d’idées noires, des fêlures, des brisures qui feraient passer les armées de jeunes gens en noir pour de sympathiques fanfares de clowns multicolores. Ils, ce sont nos amuseurs musicaux nationaux : David Lafore, Trotski Nautique, Walter & Lavergne, leur cousin décédé Jean-Luc Le Ténia, j’en passe et des meilleurs ; ont appris de leurs oncles d’Amérique ou d’Angleterre, Jonathan Richman ou Dan Treacy. Les publics s’en iront de leurs concerts la banane au bec, un peu plus musclés des abdos, tandis qu’ils rentreront dans leurs loges les brumes de la dépression se levant dans leurs petites têtes mal faites. Tant pis, incompris, c’est déjà pas mal. Continuer la lecture de « Lonely Kid Quentin, Quatorze stations (Potagers natures, Fougère Musique…) »
Catégories 45 tours, chronique nouveauté
Alvilda, Négatif (Alien Snatch) / Telly*, Amour Hi-fi (1988 Records)
« Il y a tout ce monde autour de moi, je me demande ce que j’fais là »
Nina, Eva, Sandra et Mélanie reprennent le flambeau d’une pop à guitares primitive et mélodique laissées plus ou moins en jachère depuis les années 80 disons (et disons repris en pointillé notamment par les rockers parisiens des 2000) . Bien sûr, on abusera de la comparaison avec les Calamités, parce que c’est des FILLES (et on jouera le jeu de l’Histoire officielle en admettant que le girl group est un style, pourquoi pas, je ne suis pas trop armé pour la déconstruction), et sans doute aussi grâce à ce son de cave si spécifique d’A bride abattue (la fameuse anti-production de monsieur Lionel Herrmani, ami des Dogs et des Olivensteins). Mais l’énergie véritablement punk d’Alvilda laisse peu de place aux harmonies Beatles si chères aux demoiselles de Dijon, et les chansons apparaissent plus comme des cailloux aiguisés projetés par une fronde que comme les pépites scintillantes (lien Nuggets) d’un temps plus ancien. Continuer la lecture de « Alvilda, Négatif (Alien Snatch) / Telly*, Amour Hi-fi (1988 Records) »
Catégories chronique anniversaire
The Strokes, Is This It (Rough Trade, 2001)
Il y a 20 ans jour pour jour sortait le premier album des new-yorkais.
Eté 2001, retour du classico Benicassim/Route du Rock pour rédiger un mémoire de DEA (MTV : Reflet ou création d’une jeunesse américaine ?) sur mon Imac turquoise, un an de travail délaissé pour la table du Pop In ou le dancefloor du Pulp à effectuer en trois semaines. Les affiches des deux festivals reflètent parfaitement l’époque, un mélange de passé et de présent, rarement de futur. Il y a des groupes « britpop » qui essaient coûte que coûte de se débarrasser de cette étiquette gênante, venus présenter sans enthousiasme « l’album de la maturité » (Pulp, The Divine Comedy), des routiers (Mogwai, Ash, James, Belle & Sebastian), des américains cultes (Big Star, Frank Black, Low, The Flaming Lips), des artistes « dépressifs » (Clinic, I Am Kloot pour les britanniques, Yann Tiersen et Françoiz Breut pour les bretons) et de sympathiques groupes électro-pop que les vingt dernières années auront presque effacé de la mémoire collective (Superheroes, Ladytron, Zoot Woman). L’excitation est plus à chercher du côté de la scène « électronique » (Basement Jaxx, The Avalanches, Freestylers) ou pour les amateurs du genre, des groupes rétro-pop espagnols qui ont le mérite de ne pas se prendre au sérieux et de s’habiller correctement. Les seuls non-ibères à cocher ces deux dernières cases sont les New-Yorkais d’Interpol, ravis d’être là alors qu’ils n’ont pas encore sorti d’album.
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Catégories chronique nouveauté
Le Bâtiment, Réponses rythmiques et mélodiques à vos questions sur la mort (autoproduction)
« Je me noie de lumière et dans l’ombre, bercé, je n’ai plus en dedans de larmes à verser »
Pour son ixième long format – je renonce à compter sur Bandcamp, d’autant plus que j’imagine que d’autres disques de cet énorme corpus se cachent ailleurs – Le Bâtiment continue de s’avancer démasqué. Sans que l’on ne sache trop s’il est question d’économie des moyens, de lâcher prise ou d’adéquation sur-consciente avec le sujet du disque (compris dans le titre) – en gros une urgence à s’exprimer en dehors de tout cadre pour une question de vie et de mort, donc – il se présente avec sa guitare, seul devant son micro, avec de très légers re-re (des chœurs très jolis, une seconde guitare, quelques percussions) pour interpréter, à vif, une dizaine de chansons nues. Continuer la lecture de « Le Bâtiment, Réponses rythmiques et mélodiques à vos questions sur la mort (autoproduction) »
Catégories 45 tours, billet d’humeur
La roue de l’enthousiasme
Quatre singles signés Big Thief, Aimee Mann, Hand Habits et Shannon Lay dans la moulinette des sorties

Vous vous en sortez avec les réseaux ?
Moi, non, d’ailleurs j’ai arrêté. C’est impossible. Ce n’est pas tenable. Ce n’est pas possible de s’en tenir à – je regarde – les cerveaux brûler – les cerveaux brûler.
J’ai passé des lustres à contempler et à me contempler, moi, ou des idées de moi, ou des idées d’un moi, dans les réseaux, sans parvenir à apercevoir toujours les chansons, ni qui les écrit. Pas toujours ne veut pas dire – jamais – pas toujours veut dire – pas toujours.
On y trouve de belles amitiés, beaucoup de chevaliers blancs – et le plus grand des chevaliers blancs, le moi, qu’il se tienne au-dessus de la bataille, le fier, ou qu’il y plonge – comme s’il y avait une bataille. Comme s’il y avait toujours quelque chose à rectifier. Continuer la lecture de « La roue de l’enthousiasme »
Catégories 45 tours, chronique nouveauté
Vaillant, Prince de Perse (Herzfeld)
« Comme tu en pinces,
comme tu en pinces,
pour le Prince »
Que restera-t-il d’une seule chanson jetée sur YouTube en été ? Le fantasme d’un tube à l’essai, d’un nombre de vues millionnaire, ou d’un geste pour la beauté, de l’art pour l’art. Le label Herzfeld de Strasbourg s’entête depuis une dizaine d’années, via son site, à proposer un format quasi-gratuit (3 euros) et c’est tant mieux : dernier en date, ce Prince de Perse, par Vaillant, sorti de la tête d’Olivier Stula (ex-Second Of June) qui nous émerveille. On pourrait régler l’affaire d’une paresseuse et comique analogie : un New Order 87 bien cramé (ces basses profondes et mourantes) mené par un Plastic Bertrand sous anxiolytique (cette voix étrange aussi fragile qu’elle semble sûre de son fait) fait tourner une ritournelle sans fin, une boucle, parfaite, pourquoi pas, en bande-son d’un jeu vidéo du même nom. Continuer la lecture de « Vaillant, Prince de Perse (Herzfeld) »