Quand ils étaient jeunes, ils aimaient bien faire du bruit avec leurs guitares. Quand nous étions jeunes, nous avons parfois pris plaisir à les écouter. Au-delà de ces quelques réminiscences triviales, il n’y avait pas forcément grand-chose à attendre, en 2023, de ce qui ressemblait fort à une réunion d’anciens combattants du shoegaze organisée par un second rôle un peu vite oublié. Certes, le générique est éloquent. Ils sont venus, ils sont tous là, réunis autour de Simon Rowe pour apporter leurs écots, plus ou moins conséquents à celui dont ils ont croisé la route pour la première fois il y a plus de trente ans : presque tous les ex-Chapterhouse dont Rowe fut l’un des membres fondateurs, Neil Halstead et Ian McCutcheon (Mojave 3) qu’il accompagna dans la deuxième moitié des années 1990 et même Hamish Brown (Revolver) à la basse. Cela prouve indéniablement que Rowe est un chic type à même de nouer et d’entretenir des amitiés musicales durables. Pas qu’il soit en mesure de publier, à cinquante ans passés, un premier album solo digne d’un intérêt considérable. Continuer la lecture de « Simon Rowe, Everybody’s Thinking (Big Potato) »
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The Lost Days, In The Store (Speakeasy Studios)
Les trois minutes réglementaires du format canonique de la chanson pop ont toujours constitué un carcan formel à partir duquel les grands auteurs s’efforcent de proposer leurs déclinaisons personnelles. Une référence contraignante et féconde à la fois. Trois minutes donc, ou un peu plus : il y a ceux pour lesquels ce n’est pas assez ; d’autres – plus rares – pour lesquels c’est déjà trop. Depuis quelques années déjà, on sait que Tony Molina est l’un des plus brillants représentants de la seconde option : celle de l’implosion des cadres plutôt que du dépassement progressif. Un as de la distillation, un maître de la condensation. Ici associé à Sarah Rose Janko (Dawn Riding), il prolonge le travail de sape déjà brillamment initié avec son premier groupe, Ovens, ou en solo. Continuer la lecture de « The Lost Days, In The Store (Speakeasy Studios) »
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Sister Iodine, Hollozone (Nashazphone)
On se souvient d’un concert de Sister Iodine aux Instants Chavirés vers la fin des années 2000, qui nous avait totalement chamboulé : la puissance cathartique de la prestation du power trio avant-noise, sa radicalité et l’extrême sophistication de sa déconstruction de l’héritage no-wave, nous avait définitivement convaincu de son importance au sein du paysage des musiques expérimentales. Véritable chainon manquant entre un rock bruitiste — axe Glenn Branca/Sonic Youth (période Bad Moon Rising) — et l’abstract noise électronique — axe Mego/Pan Sonic/Wolf Eyes — , Sister Iodine fait figure de point d’ancrage pour toute une scène française et internationale. Actifs depuis 1992, Lionel Fernandez, Erik Minkkinen et Nicolas Mazet ont en effet élaboré une œuvre à la radicale insularité : formes et formats dont il s’agit de dissoudre les cadres trop établis et contraints, en hybridant d’une manière totalement libre noise, post-rock, power electronic, hardcore ou encore électro-acoustique. Continuer la lecture de « Sister Iodine, Hollozone (Nashazphone) »
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Jad Fair & Samuel Locke Ward, Happy Hearts (Kill Rock Stars)
Après avoir enregistré la bagatelle de 180 albums – en solo ou sous la bannière de Half Japanese-, et interprété au moins 2000 chansons, Jad Fair avait-il encore besoin de sortir un nouveau disque ? Pour être honnête, même les fans les plus acharnés auront ces derniers temps peiné à suivre les pérégrinations musicales de leur héros, tant sa cadence stakhanoviste de production est devenue infernale (une centaine d’albums en 2021, rien que ça). Mais voilà que l’outsider le plus prolifique de l’histoire de l’indie rock revient avec Happy Hearts, un nouvel album primesautier et diablement cool sorti chez Kill Rock Stars, qui s’impose déjà comme l’une des belles surprises de l’année 2023. Continuer la lecture de « Jad Fair & Samuel Locke Ward, Happy Hearts (Kill Rock Stars) »
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Pleasure Principle, Buvez Le Poison (Born Bad)
Trois ans après un premier album très attachant, Paul Ramon, croisé chez Bryan’s Magic Tears, Skategang, The Dolipranes ou La Secte du Futur, revient sous le nom de Pleasure Principle, son projet personnel. Toujours publié par Born Bad Records (Forever Pavot, Star Feminine Band…), Buvez Le Poison confirme la place particulière du musicien dans la scène hexagonale actuelle. Faisant le choix de s’exprimer principalement en français, Pleasure Principle pratique une pop dansante bricolée aux horizons infinis. Enregistré à la maison, sans contrainte, Buvez Le Poison a gardé de l’approche DIY un goût pour l’expérimentation. Continuer la lecture de « Pleasure Principle, Buvez Le Poison (Born Bad) »
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Ron Sexsmith, The Vivian Line (Cooking Vinyl)
Ron Sexsmith a déboulé dans nos vies en 1995 avec un disque qui était programmé pour régner sur le monde. Interscope Records avait en effet recruté Mitchell Froom et Tchad Blake pour le son, Daniel Lanois pour les photographies… Il faut dire que l’ami Ron avait (et a toujours) des arguments solides. Il suffit d’écouter Secret Heart et de se lancer bercer par In Place of You pour se laisser convaincre facilement. Sexsmith a ce génie d’écrire des chansons qui ont le pouvoir de changer votre quotidien. Elles vous désarment par leur simplicité, elles vous enchantent par leur mélodie. Mais l’affaire n’a pas fonctionné. Trop ou pas assez, l’ami Ron est resté coincé dans l’ombre et a dû se résoudre à jouer les seconds rôles. Bon an mal an, il a tenté de forcer le destin en publiant une petite dizaine de disques entre 1996 et 2008. Tous réussis, ils ont eu le chic de ne jamais être à la mode dans le passé et n’ont donc pris aucune ride. Et c’est un euphémisme d’écrire qu’on tuerait aujourd’hui pour avoir un type capable d’écrire les douze chansons d’un disque comme Retriever (2004). Continuer la lecture de « Ron Sexsmith, The Vivian Line (Cooking Vinyl) »
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Vanille, La clairière (Bonbonbon)
Certaines personnes ont pour mission de remettre de la tendresse et une pincée de féerie dans nos cœurs, d’y apporter un rayon de lumière pour sortir des bois sombres et touffus. La clairière, deuxième album de l’autrice-compositrice-interprète canadienne Rachel Leblanc, connue sous son nom de scène Vanille, embarque des balades pop-folk aux airs faussement simplistes et désinvoltes. Ce deuxième album, signé avec le label indépendant Montréalais Bonbonbon, ne se prive pas de mélancolie et aborde discrètement des sujets teintés d’amertume tels que ceux de l’oubli et de la rupture amoureuse. Connue pour des chansons rock indé adulescentes, Vanille offre ici un disque mature où se côtoient folk sixties façon Shirley Collins, Vashti Bunyan ou Bridget St John et certains accords pop-rock qui ne sont pas sans rappeler les débuts de Lush, période Sweetness and light ou Etheriel. Continuer la lecture de « Vanille, La clairière (Bonbonbon) »
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Robert Forster, The Candle And The Flame (Tapete)
La pop n’a jamais été particulièrement bien équipée pour restituer le gigantesque entre-deux du sentiment amoureux. Et pour cause. Musique adolescente conçue pour accompagner les découvertes juvéniles, elle s’est essentiellement concentrée sur l’évocation des brasiers initiaux de la passion et des tourments hyperboliques de la séparation. Le coup de foudre à un bout, la rupture à l’autre. Entre temps, pas grand-chose à chanter du couple et de son quotidien quand ils ne sont plus imprégnés de l’élan extatique originel – et avec toute l’admiration due à Graham et Joni, Our House, ça va cinq minutes : on ne passe pas une vie à s’ébaubir quand l’autre a simplement le bon sens de donner à boire aux fleurs qu’on vient d’acheter au marché – et qu’ils n’ont pas pour autant amorcé un quelconque déclin. Que trouver à dire d’intéressant quand rien ne change ? Peut-être simplement que derrière les apparences du calme plat se dissimulent ces petites touches incrémentales d’approfondissement qui naissent, imperceptiblement, du partage des routines et de l’accumulation des souvenirs communs. Et des épreuves aussi, qui confirment parfois ce que l’on savait depuis longtemps mais qui peuvent révéler aussi une partie encore cachée de cette même vérité implacable – à quel point il semblerait impossible de les affronter avec quelqu’un d’autre que l’être aimé. Heureusement, quelques-unes de nos idoles adolescentes ont eu le bon goût de vieillir avant nous et d’éclairer cette partie tout aussi essentielle du chemin. De plus en plus loin des débuts, de plus en plus proche des échéances dramatiques. Continuer la lecture de « Robert Forster, The Candle And The Flame (Tapete) »