Le texte de Blandine Rinkel mis en scène avec La Féline et le danseur Clément Gyselinck
On oublie souvent que le langage est aussi un son, qu’avant la parole, il y a le chant. Une lecture est toujours le moment de la mise en volume de ce qui s’agite dans la tête, de ce qui se jette sur le papier. Blandine Rinkel a choisi la formation d’Agnès Gayraud, La Féline, pour l’accompagner sur scène en compagnie du danseur Clément Gyselinck afin de redonner du corps à son texte, Vers la violence, paru en septembre 2022 aux éditions Fayard. Continuer la lecture de « Vers la violence »
C’est un format qui va et qui vient. Apparait, disparait – omniprésent dans les années 1960, aux abonnés presque absents lors de la décennie suivante, il a fait un retour en grâce si ce n’est en force au début des années 1980. Mais c’est au début des années 1990 qu’il vit l’un de ses âges d’or : de part et d’autre de la Manche et de l’Atlantique, un nombre assez dingue de groupes opte pour ce format qui séduit souvent et fascine toujours – parce qu’on le veuille ou non, en musique pop, l’objet est forcément au centre des ébats. Remis récemment au gout du jour par l’élégant label franco-anglais Violette Records – qui vient de réaliser le très beau Elp de Meaning of Tales – et alors que du côté de Clermont-Ferrand, le plus rock 6Tone Records ne sort ses vinyles que dans ce format-là, il était temps de proposer une sélection absolument subjective de onze disques qui ont su marier le fond et cette forme. Pour un plus grand plaisir. Continuer la lecture de « 25 cm de plaisir »
Cet été, de Plage de Rock à La Route du Rock, Baxter promène son flegme de crooner débraillé.
Baxter Dury / Photo : Roland Somogyvary
La première fois que je me suis retrouvé en face de ce garçon, c’était il y a vingt ans – pas tout à fait jour pour jour, mais pas loin. Il était à Paris et passait ses après-midis dans les bureaux de PIAS, la structure belgo-française qui distribuait son premier album sur le Vieux Continent. Un premier album épatant, un peu sombre, un peu psyché, annoncé l’année précédente par le EP Oscar Brown, où le morceau éponyme contenait un sample plus ou moins discret du Velvet Underground (ça fait toujours bien en société) et comptait l’appui d’un bourlingueur nommé Henry Olsen, ayant croisé les routes de Nico, Primal Scream ou Beth Orton – il y a pire, comme CV. Se débarrassant aussitôt de l’étiquette toujours embarrassante de « fils de… » – étiquette encore plus embarrassante quand le père se trouve être l’auteur d’un hit seventies et déglingué intitulé Sex & Drugs & Rock’n’Roll –, le jeune homme affichait déjà trente printemps au compteur d’une vie bohème un peu dissolue et avait perdu son père deux années plus tôt – comme s’il avait eu besoin de cette triste échéance-là pour oser s’affranchir d’une ombre tutélaire (parfois) omniprésente. Continuer la lecture de « Baxter Dury, dans la chaleur de la nuit »
Au moment de la sortie du nouvel album de Michael Head, retour sur les chassés-croisés entre les jumeaux Head et Gallagher.
Michael Head
Il se passe des choses étranges en Angleterre. Michael Head, accompagné de son Red Elastic Band, vient de réussir l’exploit de placer Dear Scott, son nouvel album, dans le top 10 des charts anglais. Remis en selle en 2013 par l’entremise et le travail acharné du label franco-anglais Violette Records, l’ancienne tête pensante des Pale Fountains perce (enfin) et joue (de nouveau) dans des salles de taille respectable. La performance est salutaire quand on se rappelle que Pacific Street s’est classé à la 85e place du top anglais la semaine de sa sortie et que Michael Head jouait, devant la caméra d’Arte, dans la cuisine de la maison de ses parents après l’arrêt prématuré des Paleys. Continuer la lecture de « Head toi et le ciel t’aidera »
Succès surprise de ces derniers mois, Running Up That Hillde Kate Bush a fait une entrée fracassante dans le Top 10 américain, pour la première fois, 36 ans après sa sortie. L’exploit n’est pas mince. La chanson avait, à l’époque, atteint la 34ème place du Billboard 100, la voici désormais en quatrième position, et en première en haut des charts anglais. Devenue virale suite à une synchronisation dans la saison en cours de Stranger Things, la chanson est en passe de connaître un destin similaire à Dreams de Fleetwood Mac, autre prouesse inattendue. Cette nouvelle intrusion du passé dans le présent ne manque pas d’interpeller. Stereogum a d’ailleurs écrit un article intéressant sur le sujet, posant de bonnes questions, à défaut de toujours proposer les réponses les plus probantes. L’article présente ainsi le phénomène : « la croissance actuelle du marché vient d’anciennes chansons. » Rachel Brodsky, l’autrice, ajoute : « le prochain succès viral pourrait être littéralement n’importe quoi. Le problème est que cela implique aussi des sorties anciennes. » Pour le dire autrement, le passé, de tout son poids, exerce une concurrence démesurée sur le présent. Continuer la lecture de « « Running Up That Hill » : la nouveauté cannibalisée par le rétro »
Paul McCartney a donc 80 ans, dont au moins les trois-quarts passés à écrire, composer, jouer, enregistrer une œuvre qui restera probablement comme le catalogue de chansons le plus impressionnant du xxe siècle, avec celui de Bob Dylan. En d’autres termes, cela signifie tout simplement qu’on a tous “dans le cœur” une ou plusieurs chansons de Paul McCartney ou une multitude de souvenirs associés, d’une façon ou d’une autre, à des chansons de Paul McCartney. Bien sûr, ces titres inoubliables sont principalement ceux des Beatles, mais peu importe. L’œuvre solo de McCartney, avec ou sans Linda et les Wings, n’est pas loin d’être aussi importante (je force un peu le trait, bien entendu). En tout cas, il est clair qu’aucun autre compositeur contemporain n’aura à ce point diffusé ses chansons dans tous les recoins du monde et dans les discographies de milliers d’autres artistes. Raconter un demi-siècle de création musicale de cette importance est une entreprise forcément singulière. Pour célébrer ces 80 ans d’une façon originale, j’ai pensé que le mieux était sans doute de mélanger les standards atemporels dans leurs versions originales et certaines reprises majeures ou inattendues qui, à leur façon, témoignent du chemin parcouru à travers le monde, mais aussi à travers le temps, par l’immense répertoire de chansons de Paul McCartney. Je trouve que cette playlist fait travailler l’imaginaire et remonter des souvenirs. C’est une proposition parmi des milliers d’autres possibles.