« Les temps s’annoncent difficiles pour les saints et les imbéciles »
Parfois un disque est mal né, au mauvais endroit, au mauvais moment. Détesté par ses auteurs, il reste sur le flanc pendant des lustres, au ban de l’humanité. A écouter Les églantines sont peut-être formidables, on peut comprendre pourquoi, même si le document revêt une dimension historique indéniable, avec sur certains morceaux cette production variété-jazz-rock, un beau produit « requin », ça joue, sur laquelle les deux chansonniers ont du mal à s’y retrouver. On préfère de loin sa relecture contemporaine, Baraka 80 (peut-être que là, c’est le titre qui est pas fameux, genre cibiste 2000, mais passons, la photographie de la pochette est superbe), nouveau disque finalement qui défonce tout sur son chemin. Continuer la lecture de « Areski & Fontaine, Baraka 80 (Kuroneko) »
Auteur : Renaud Sachet
Catégories chronique nouveauté
Domenique Dumont, Deux paradis (Antinote)
En plus d’être une aubaine pour le fraichement converti et absolument convaincu des délices de la langue française, le groupe balte francophone Domenique Dumont n’en était pas moins une anomalie, portée avec enthousiasme par la maison de disques parisienne Antinote dans les années 2010. Anomalie, parce que le duo produisait une musique hors format dont on fait les cultes, étrange et mystérieuse – bien au-delà de son choix pour une poésie naïve qui par ses paroles gazeuses rappelait celle des japonais francophiles des années 80. Anete Stuce et Artūrs Liepiņš avaient trouvé la formule parfaite entre légèreté dansante, découpée en de multiples détails sonores minutieux, et mélancolie approximativement psychédélique dans deux disques Comme ça (2015) et Miniatures de auto rhythm (2018) qui sont devenus chez nous de vrais classiques du temps présent, tout simplement. Continuer la lecture de « Domenique Dumont, Deux paradis (Antinote) »
Catégories hommage
Brian Wilson (1942-2025), le jour le plus triste de l’histoire de notre musique

De quelle façon aborder un tel monument ? C’est une question qu’on s’est posée ici. C’était perdu d’avance, presque tout a été écrit, et parfois même en avance, mais on s’est dit qu’on allait faire comme ça : s’appuyer sur les petites histoires qui nous ont touchés sur les réseaux, libérées dans la foulée de la disparition de Brian Wilson la semaine dernière, avec des interludes, réminiscences de nos obsessions, regroupés sous le titre trouvé dans une folle inspiration par notre confrère Etienne Greib. Des grains de sable qui jonchent la plage de légende que foule dorénavant quelque part le musicien californien, pour l’éternité. (RS)
Titre : Etienne Greib
Catégories chronique nouveauté
Vaillant, Excalibur (Herzfeld)
« Nouveau Salem, nouveau Salò »
Je vous avais récemment relaté un concert de Vaillant dans l’arrière-magasin. Dans une approche simple, de l’électronique et un micro, il avait concassé une sorte de new-wave passée à la moulinette dans un parlé-chanté sur la corde raide, entre hip hop décharné et poésie du cloud dont les jeunes sont friands de nos jours. On n’oublie pas une longue plage en introduction, moitié indus, moitié IDM, rappelant les nombreux efforts instrumentaux (Magie Noire, Mirage Orange…) que Vaillant a produit via Herzfeld depuis quelques années maintenant. On se souvient aussi de Prince de Perse, tube perdu de l’été 2021 où le musicien avait trouvé sa voix. Continuer la lecture de « Vaillant, Excalibur (Herzfeld) »
Catégories À écouter, billet d’humeur
Stereolab en français dans le texte
Prévu le 23 mai, le retour du groupe bicéphale franco-britannique a quelque chose de rassurant pour les gens de ma génération, un groupe revenu de beaucoup de choses, l’underground des débuts, la mise en place de son propre vecteur de diffusion, la signature sur Elektra, les vents, les tournées interminables, les marées, les changements de personnel… Et puis Stereolab est devenu un pilier, écouté bien au-delà de ses cercles de départ, une référence signée 4AD, sur Warp (les pionniers des années 90 ont le choix, c’est ça ou Domino), une prestance et une constance dans des musiques à la fois pop et irriguées par toutes sortes de choses (musiques brésiliennes, allemandes, britanniques, avant-garde, library, easy, uneasy listening, passé, présent…). Continuer la lecture de « Stereolab en français dans le texte »
Catégories chronique nouveauté
Alek et Les Japonaises, Tranquille (Gnignignignigni)
Perdu comme un kiwi /
sans étiquette à lui /
le mystère restera entier
On s’amuse bien à Bruxelles, tandis que la métropole sombre parfois dans une tristesse profonde, un sérieux de bon aloi, ou une retenue timide, Alek et Maï (elles sont sans doute plusieurs dans sa tête) mettent le feu dans leur cave transformée pour l’occasion en cabaret de tous les essais : le duo s’amuse bien avec la matière musicale, posant de petits moyens (les synthés sont réglés sur les presets) pour les transcender allègrement dans un mélange un peu camp, un peu kitsch de variété décomplexée. Si ça sonne 80, c’est plus justement dans l’économie des arrangements faussement idiots que dans la volonté de se réincarner dans un passéisme rigolo et disco. Continuer la lecture de « Alek et Les Japonaises, Tranquille (Gnignignignigni) »
Catégories chronique nouveauté
Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio)
Quand on essayait de rattraper le temps perdu, un ami bien informé nous mit sur la piste d’un groupe peu cité, auteur de plusieurs essais dont un album dans les années 2010, perdus depuis dans le limbes des musiques d’ici. Il s’agissait d’une œuvre sombre, mêlant musique électronique très maîtrisée et chant en français, sans qu’on puisse parler de synthpop, d’electroclash, ces choses qui souvent fâchent. Plutôt une musique d’espace technophile – sans qu’on sache si c’était rétromaniaque ou futuriste, pile entre les deux peut-être, le présent – avec des surgissements mélodiques et poétiques noires et déterminées comme l’âme sans doute de leurs auteurs. C’était ça, Night Riders (et son super album Future Noir), un disque qu’on ne pose pas sur la platine pour s’amuser mais plutôt pour un voyage intérieur, pour une transe intime, dans un mode recueillement plutôt intense. On ne sait pas trop si ça avait marqué les gens à l’époque, comme dit, on n’était pas vraiment là – et on le regrette – à part cet ami précieux qui savait, mais les disques du trio acquis depuis ne nous quittent plus. Continuer la lecture de « Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio) »
Catégories chronique nouveauté
Marius Atherton, Music For A While (Noway, Prix Libre, Cheap Satanism, Les Potagers Nature & Twintoe)
« Je ne sais pas quelle est ma place »
Pas facile d’aborder le disque de Marius Atherton tant l’homme sait poser des chausses-trappes dans sa tracklist. Proposer un album a priori de pop moderne, chansons et affiliées avec du Purcell, des blip blips électroniques et une reprise de Thee O’Sees met forcément votre rock critic moyen (bibi) dans des dispositions tenant de l’interrogation voire du malaise. Heureusement, quand la voix du garçon apparaît, on se rassure un peu : on va le rattacher vite fait à certains disques récents qui constituent un ensemble plutôt homogène (et un petit panthéon) d’hommes solitaires (au moins dans le métier, on ne sait rien de leur vie privée, Dieu merci) au profil non conventionnel. Continuer la lecture de « Marius Atherton, Music For A While (Noway, Prix Libre, Cheap Satanism, Les Potagers Nature & Twintoe) »