Dix ans déjà ! Le temps est passé si vite depuis 2015, non ? Le COVID est passé par là certainement. La décennie est un âge ingrat pour un album, trop récent pour susciter la nostalgie, pas assez proche de l’actualité, pile poil parfait pour le purgatoire ! Voilà dans quoi les Primitive Parts sont plongés. Leur unique album, le bien nommé Parts Primitive, est sorti il y a dix piges. Le paysage musical indépendant a changé entre temps. Les groupes britanniques indépendants (Fontaines DC, Yard Act, Idles…) ont repris (commercialement) du poil de la bête. Avec le recul, la génération précédente a été largement sacrifiée. Veronica Falls, Male Bonding ou Yuck auraient, en effet, mérité mieux en matière de carrière. L’unique long jeu de Primitive Parts est ainsi à la croisée de diverses trajectoires. Continuer la lecture de « Primitive Parts, Parts Primitive (Trouble In Mind, 2015) »
Étiquette : Lieu : Angleterre
Catégories chronique nouveauté
Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit)
« Il n’est pas de jouissance plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façon, et je m’y arrange tout de suite (…) Et quel plaisir encore d’oublier ses livres et ses plumes pour tisonner son feu, en se livrant à quelque douce méditation, ou en arrangeant quelques rimes pour égayer ses amis ! Les heures glissent alors sur vous, et tombent en silence dans l’éternité,
sans vous faire sentir leur triste passage. »
Xavier De Maistre, Voyage autour de ma chambre (1794)
« There’s a world where I can go / And tell my secrets to / In my room. »
Brian Wilson (1963)
On s’en était douté dès la première rencontre, en 2021 : Alex Pester dispose d’un talent et d’une inspiration radicalement incompatibles avec les dispositifs de mises en pause ou de court-circuit qu’imposent les rythmes communs et rationnels de l’industrie musicale – ou de ce qu’il en reste. Né sans le moindre interrupteur intégré, le jeune songwriter britannique a publié l’équivalent de sept albums en cinq ans, dont trois au cours des douze derniers mois. Continuer la lecture de « Alex Pester, Bedroom Songs (autoproduit) »
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The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991)
NDLR : Quand on aime, on ne compte pas, après celui de la semaine passée, voici un second point de vue sur la réédition du quatrième album des anglais.
Ce qui est bien ici, c’est que je peux radoter les quelques anecdotes sans fin, toujours les mêmes, parce qu’on est quand même dans une grande machine à oubli et qu’il vaut mieux se répéter quarante fois si nécessaire.
J’ai effectué quatre voyages à Londres entre 12 et 22 ans. Pas de quoi écrire des volumes de souvenirs, même si le premier, quand j’étais en 5e, était placé sous le signe de Musical Youth, dont la famille qui m’accueillait semblait épris, puisqu’elle n’écoutait que ça quand on mangeait du poulet-frites, après avoir joué au football. Mais quand même. En 3e, j’étais aussi au HMV pour la sortie de Parade de Prince, il y avait de grands portraits de lui attachés au plafond, j’avais acheté la cassette pour mon walkman Sony jaune, je crois que j’avais aussi volé la cassette d’Indochine à quelqu’un dans le bus, oui c’était moi, j’avoue, je me sentais très mal après – surtout que je trouvais ça nul, en fait. A quelques milliers de km, la centrale de Tchernobyl était en train de clamser. Continuer la lecture de « The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991) »
Catégories mardi oldie
The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991)
Pour une fois, l’ampleur presque démesurée de l’hommage vaut à elle seule d’être saluée. Il n’est pas certain que Astronauts (1991) soit le meilleur album de The Lilac Time – ni même le jalon majeur de la première partie de l’existence du groupe, celle qui s’est déroulée entre 1987 et 1991, avant une parenthèse solo longue de huit ans. Pourtant, Pete Paphides a fait fi de ces réserves éventuelles pour consacrer à ce quatrième volume des longues aventures de Stephen Duffy un mausolée digne des plus grand chefs d’œuvre sur son label Needle Mythology : trois volumes, pas moins, contenant une version remasterisée de l’album original, une large ration de démos et une autre d’enregistrements live datant de la même période. Un écrin dispendieux, dont l’architecte assume – revendique même : il faut lire le texte remarquable récemment publié par Paphides sur Medium à propos de ce projet – l’irrationalité des dimensions, érigé par pure passion pour ces chansons et pour se hausser à la hauteur du souvenir qu’en conservent les quelques amoureux, convaincus de leur importance. Trente-trois ans plus tard, Astronauts apparaît encore comme un disque de transition, d’entre-deux. Résolument à côté de son époque, de son label – Creation, donc – et même de son auteur qui, dans plusieurs interviews données au printemps 1991, étale publiquement ses insatisfactions et ses envies de tout abandonner, y compris cet album qu’il envisage d’avorter avant même sa publication. Continuer la lecture de « The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991) »
Catégories mardi oldie
Aphex Twin, Selected Ambient Works 85-92, Expanded Version (Apollo / Warp)
L’Expanded Edition de ce chef d’oeuvre absolu vient de ressortir pour les 30 ans de l’album original.
Lorsque Selected Ambient Works 85-92 paraît pour la première fois en 1992 sur le label Apollo / R&S Records, le jeune Richard D. James est déjà précédé de l’aura flatteuse du synth freak, du créateur génial et bricoleur surdoué. Repéré avec Analogue Bubblebath (Mighty Force, 1991), premier EP de la série, c’est par sa manière très personnelle de proposer une musique électronique radicale et ludique qu’il s’impose immédiatement comme l’une des figures majeures d’une scène alors en pleine effervescence. Bleep, ambient techno ou early IDM, différentes appellations pour un genre dont la mythique compilation-manifeste du label Warp Artificial Intelligence (1992) aura pu dessiner les contours : immédiatisme dancefloor et psychédélisme domestique fusionnent au sein d’une esthétique post-rave dont il s’agit d’incarner le versant le plus aventureux et expérimental. Continuer la lecture de « Aphex Twin, Selected Ambient Works 85-92, Expanded Version (Apollo / Warp) »
Catégories chronique réédition, mardi oldie
Kevin Ayers, All This Crazy Gift Of Time, The Recordings 1969-1973 (Esoteric Recordings)
Toute la musique rassemblée ici a été enregistrée en cinq ans à peine – entre la fin calamiteuse de la tournée américaine de Soft Machine en compagnie de Jimi Hendrix et l’expiration du contrat avec Harvest, faute de succès concluant. Hasards de la numérologie sans doute, c’est à cinq ans que je l’ai découverte. D’abord avec un nom. Associé, comme beaucoup d’autres, à l’enfance et à ces pochettes de disques qui trainaient dans la chambre de ma sœur aînée – en l’occurrence, une réédition qui regroupait en double album Whatevershebringwesing (1971) et Bananamour (1973) dont la garde m’a été généreusement attribuée depuis. Une musique ensuite, bizarre – un peu trop pour mes oreilles mal accoutumées aux dissonances – différente, incertaine. La voix si grave n’était pas désagréable – sauf quand elle était monstrueusement déformée : je détestais Song From A Bottom Of A Well – mais c’était comme si ce compositeur paresseux ne s’était pas donné la peine de terminer proprement et sérieusement toutes ses chansons. Cette sensation de négligence improvisée me troublait et m’inquiétait un peu. J’entendais bien quelques morceaux qui me plaisaient déjà mais, petit garçon, je préférais que mes chanteurs se comportent en adultes responsables, au moins sur toute l’entièreté d’une face, et qu’ils s’en tiennent à de vrais couplets suivis de refrains que l’on pouvait fredonner aisément. Comme Cat Stevens ou les Beatles, par exemple. Continuer la lecture de « Kevin Ayers, All This Crazy Gift Of Time, The Recordings 1969-1973 (Esoteric Recordings) »
Catégories interview
Iain Matthews : « Quand on a écrit des chansons pendant trente ou quarante ans d’affilée, il n’y pas vraiment d’interrupteur ! »
Plus d’un demi-siècle de carrière et plusieurs vies musicales. C’est tout le temps qu’il a fallu pour que le jeune apprenti footballeur, stagiaire pro au club de Bradford, se mue, décennie après décennie, en l’un des interprètes ET des auteurs les plus considérables et les plus mal estimés de l’histoire du folk-rock. Et du country-rock. Et aussi de multiples autres styles, effleurés ou explorés tout au long d’une discographie dont il est devenu quasiment impossible de recenser exhaustivement toutes les dérivations tant s’y entremêlent les projets et les références. Alors que Cherry Red Records continue de tenter de remettre un peu d’ordre dans les archives plus que pléthoriques de l’ancien chanteur de Fairport Convention – plusieurs box-sets ont déjà été publiées, d’autres vont bientôt suivre – Iain Matthews publie cet automne un nouvel album solo, How Much Is Enough qu’il présente lui-même comme un ultime tour de piste. Continuer la lecture de « Iain Matthews : « Quand on a écrit des chansons pendant trente ou quarante ans d’affilée, il n’y pas vraiment d’interrupteur ! » »
Catégories chronique nouveauté
Kit Sebastian, New Internationale (Brainfeeder)
Depuis 2019, Kit Sebastian construit une délicate discographie. Melodi (2021) succéda à Mantra Moderne (2019). Le groupe londonien ajoute ces jours-ci un troisième joyau à leur couronne déjà bien garnie. Toujours composé du musicien anglais multi-instrumentiste Kit Martin et de l’artiste chanteuse turque Merve Erdem, Kit Sebastian change de label mais certainement pas son propos. D’abord domicilié chez les têtes chercheuses de Mr Bongo (SOYUZ, Project Gemini, Sven Wunder, Marxist Love Disco Ensemble), le duo est désormais hébergé chez Brainfeeder (Thundercat, Louis Cole, Mr. Oizo), le label californien créé par Flying Lotus qui travaille main dans la main avec les vétérans de Ninja Tune. New Internationale (2024) reprend ainsi l’histoire à l’endroit où ses prédécesseurs s’étaient arrêtés. Continuer la lecture de « Kit Sebastian, New Internationale (Brainfeeder) »