Sept années de vie pour trente minutes de musique. Il n’en fallait pas moins. Sans doute parce que, au-delà même des contingences matérielles inévitables qui ont pu ralentir ou entraver parfois le chemin d’Olivier Perez et de ses camarades, ce troisième album, presque inespéré, de Garciaphone porte en lui les traces d’une beauté qui n’aurait pas pu surgir autrement que dans la durée longue des retouches, des détours et des hésitations. A l’instar de la peinture incandescente qui orne la pochette – et témoigne au passage des talents graphiques de Perez – les dix chansons semblent ici s’esquisser et s’estomper dans un même mouvement, laissant deviner entre les mots et les notes les émotions en clair-obscur, sans chercher à les figer. Continuer la lecture de « Garciaphone, Ghost Fire (Microcultures / Only Lovers) »
Étiquette : Label : Microcultures
Catégories interview
Ulrika Spacek : « Les bons groupes à guitare se font rares »
Sans avoir durablement marqué les esprits, Ulrika Spacek a sorti deux bons albums de pop DIY avant de disparaître des radars en 2018. J’ai appris leur retour en tout début d’année via la playlist des nouveautés Section 26. Écouté par curiosité plus qu’autre chose, The Sheer Drop m’a littéralement bluffé. Le son énorme, le chant unique, l’écriture aventureuse. Mais surtout, tout semblait être mis au service des guitares, comme une déclaration d’amour à un artisanat qui souhaite réhabiliter les grandes heures de la pop indépendante. Mais avec une volonté d’avancer, de casser les barrières. Les titres de ce niveau, Compact Trauma les enchaîne les uns après les autres avec ce qui semble être une facilité déconcertante. Notre rencontre avec Rhys Edwards et Syd Kemp nous apprend pourtant que tout n’a pas été aussi simple qu’on ne le pense, mais le groupe en est ressorti grandi, fier d’un disque qu’ils meurent d’envie de défendre auprès de leur public, qui avec Compact Trauma, a de fortes chances de s’agrandir. Continuer la lecture de « Ulrika Spacek : « Les bons groupes à guitare se font rares » »
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Fontaine Wallace, Le Projet (Microcultures)
« Puis j’ai retrouvé Sophie, c’était vraiment bien »
De mon temps, Superflu représentait cette petite chose fragile dont il était aisé de moquer la littérature frontale d’étudiant, disons, pour aller vite, le spleen des jeunes gens français des années 90. Leur musique d’arpèges un peu tristes (le sentiment, pas la qualité) laissaient de glace surtout que l’école Lithium d’à côté – Superflu était signé sur le Village Vert – y allait fort question noirceur et engagement. Il y avait de la retenue alors qu’on se rêvait un peu plus bravache, il y avait du sentiment, alors qu’on se rêvait armé. Pourtant, quand je me suis retrouvé, j’avoue un peu par hasard, au concert du groupe de Nicolas Falez, j’en suis ressorti tout retourné, et même, un peu plus humble. Continuer la lecture de « Fontaine Wallace, Le Projet (Microcultures) »
Catégories borne d'écoute
The Reed Conservation Society, Gold, Gun and God (Microcultures/Kuroneko)
Tout n’est pas parti à vau l’eau au cours de l’année écoulée, heureusement. Pour The Reed Conservation Society, une première boucle s’achève avec le troisième volet de ce triptyque introductif, initié il y a deux ans. Une autre semble déjà prête à s’amorcer, alors que Stéphane Auzenet et Mathieu Blanc bénéficient désormais des excellents offices vocaux de quelques collaboratrices – dont Claire Oneglia, désormais membre à part entière du groupe – qui apportent une coloration mixte et des harmonies encore plus nuancées aux sept nouveaux titres qui composent cet Ep3, une démarche parfaitement cohérente avec la propension déjà soulignée du groupe à s’inspirer de figures féminines dans ses paroles et ses pochettes. Tous ensemble, ils prolongent leur mission commune, toujours fidèles à la cause d’une pop délicate, mélancolique et subtilement rehaussée de cordes et de cuivres. En témoigne ce premier extrait, Gold, Gun And God, ballade onirique et sans ancrage fixe au beau milieu de paysages contrastés, où les accents musicaux empruntés au terroir américain côtoient sans anicroche le classicisme de l’Ancien Monde.
Catégories interview
Matt Low – La Ruée vers l’or
S’il y a trois ou cinq personnes dont je suis proche dans la musique, Matt en fait partie.
Avant de le rencontrer, j’enregistrais des bizarreries sur un huit-pistes et je faisais des relevés de toutes les parties de toutes les chansons que j’aimais. Après échange de riffs de Think Tank contre riffs de Neil Young autour d’une bouteille de vodka sifflée à deux, on a filé dans la nuit de 2003 pour conquérir le monde les années suivantes, approximativement. Continuer la lecture de « Matt Low – La Ruée vers l’or »
Catégories chronique nouveauté
Bertrand Betsch, Demande à la poussière (Microcultures) / Institut, L’effet whaou des zones côtières (Rouge-déclic) / Da Capo, Paradise (Autruche)
Plongé dans la rédaction des Années Lithium, je sens mes oreilles se déformer lentement au gré des musiques qui me parviennent de mes jeunes années, forcément rêvées, imaginées, recomposées. Forcément aussi, comme mû par ce vieux réflexe de sonder les réseaux sociaux à la recherche d’amis collège-lycée-fac, je me suis piqué de reprendre l’histoire où elle s’était arrêtée : rien ne vaut le présent finalement pour éclairer ce passé qui passe trop vite. Et on peut dire que ces derniers temps, les retrouvailles ont été belles avec les anciens de la maison Lithium. C’est d’abord Superbravo et La Fresto dont j’avais relaté les aventures ici, mais on pourrait citer aussi Michel Cloup Duo & Pascal Bouaziz, en compagnie du regretté Joseph Ponthus, sur À la ligne – Chansons d’usine, Nicolas Paugam et son magnifique Le ventre et l’estomac de 2019 (et sa chanson-vie parfaite, Rendez-vous au sommet). Ces dernières semaines, avec l’annonce d’un nouvel opus de Mendelson et de Françoiz Breut, c’est au tour de Da Capo, d’Institut et de Bertrand Betsch de remettre le couvert. Continuer la lecture de « Bertrand Betsch, Demande à la poussière (Microcultures) / Institut, L’effet whaou des zones côtières (Rouge-déclic) / Da Capo, Paradise (Autruche) »
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Selectorama : Joseph Fisher
Des claques, j’en ai prises. Des virtuelles, des réelles. Des claques données par des chansons, des disques, des filles. Non, jamais par des garçons. Enfin, pas directement. Parce que, bien sûr, vous avez raison : derrière les chansons, derrière les disques, il y a souvent eu des garçons. La dernière claque en date – assez violente sur l’échelle des émotions – remonte à l’automne dernier. Un jeune homme que je connais – mais pas si bien que ça –, que j’ai croisé – mais pas si souvent que ça – envoyait les fichiers audio de son premier album à tous ses souscripteurs – via l’excellente structure Microcultures. Ce jeune homme, donc, venait de terminer un disque dont on devinait une gestation longue et parfois douloureuse – mais quand un disque raconte les morceaux d’une vie, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Un disque qui parle de lui, mais qui, ai-je compris dès les (presque) premiers mots (“Moi qui fais tout pour t’épater / qui cherche ton admiration / Je passe mon temps à t’assommer / Quand je ne passe pas pour un vrai con…”), allait aussi parler un peu de moi. Et puis, tant qu’on y est, de vous également. Un disque qui ne fait pas tout à fait les choses comme les autres. Un disque ancré dans la musique d’ici – ces textes encore, comme autant de nouvelles qui pourraient exister par elles-mêmes –, mais aussi tourné de l’autre côté de l’Atlantique.
Catégories chronique nouveauté
Joseph Fisher, Chemin Vert (Microcultures)
Quand un musicien dépasse la quarantaine – le temps passe vite, me répétait ma grand-mère – plusieurs chemins s’ouvrent alors : se reposer sur ses lauriers et refaire pour la cinquantième fois le même disque, explorer inlassablement tous les autres moyens d’expression et loisirs créatifs qui s’offrent à lui (cinéma, peinture, poterie, couture), ou raccrocher les gants pour balancer ses avis éclairés sur les réseaux (à propos d’autotune, de la pop française, du rap, de Macron…) Il peut aussi se décider à sortir un premier disque, comme ça, pour le plaisir, mais pas que, parce que l’urgence peut se ressentir à tout âge, pas sous la même forme qu’à 17 ans, c’est sûr, mais pas moins puissante. Continuer la lecture de « Joseph Fisher, Chemin Vert (Microcultures) »