Fontaine Wallace, Le Projet (Microcultures)

« Puis j’ai retrouvé Sophie, c’était vraiment bien »

De mon temps, Superflu représentait cette petite chose fragile dont il était aisé de moquer la littérature frontale d’étudiant, disons, pour aller vite, le spleen des jeunes gens français des années 90. Leur musique d’arpèges un peu tristes (le sentiment, pas la qualité) laissaient de glace surtout que l’école Lithium d’à côté – Superflu était signé sur le Village Vert – y allait fort question noirceur et engagement. Il y avait de la retenue alors qu’on se rêvait un peu plus bravache, il y avait du sentiment, alors qu’on se rêvait armé. Pourtant, quand je me suis retrouvé, j’avoue un peu par hasard, au concert du groupe de Nicolas Falez, j’en suis ressorti tout retourné, et même, un peu plus humble. Alors que l’exercice leur semblait hors de portée, qu’on avait sorti le sourire en coin, le groupe nous avait coupé la chique en incarnant totalement sa musique et en portant ses mots et ses petites mélodies du cœur sans fausse pudeur. Nous étions penauds. Comme les gens de Lithium, mais dans un autre registre, Superflu réussissait à créer son langage, à la fois contemporain et intemporel. Et plus tard, il y eut aussi cette amie étudiante, qui sifflotait en permanence l’air de 25 ans. J’aimais l’observer quand elle chantait les paroles par cœur, durant notre brève histoire d’amour. Cette musique avait infiltré ma vie, sans le savoir vraiment. Touché.

Fontaine Wallace
Fontaine Wallace

De l’eau a coulé sous les ponts : après trois albums, Superflu avait tiré sa révérence, et Nicolas Falez s’est reconstruit dans Fontaine Wallace. Le mois dernier, il livrait Le projet, album soigné au son ambitieux mais sans afféterie : quelques cuivres magnifiquement posés (Les systèmes finissants), des chœurs intrigants (l’imparable Le projet), des percussions dynamiques et des guitares amples qui lâchent les chevaux dans la dernière ligne droite… et toujours cette voix féminine spectrale qui double quand il faut sa voix principale. Cette mélancolie n’est plus celle du jeune homme, elle a vécu, elle évacue amertume et cynisme, mais reste ancrée dans des petits riens de nos habitudes. D’où elle réussit même à produire un discours sur notre quotidien, une façon de dire la politique sans convoquer les gros mots, quelque chose de fin qui ne soûle jamais. On pense à la façon de raconter d’Yves Simon (Tu débarques avec la nuit), ou à la faconde d’un Miossec (Dédalus) s’il avait été marin d’eau douce. Plutôt que de pleurer sur ses jeunes années, Fontaine Wallace habite son âge avec justesse, sans remord, sans regret, comme nombre de (quasi) quinqua qui habitent désormais nos platines quotidiennes. Ma génération, quoi.


Le Projet de Fontaine Wallace est disponible chez Microcultures.
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