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Jonathan Wilson, Rare Birds (Bella Union/Pias)

Jonathan WilsonAvant de poser Rare Birds sur la platine, je me méfiais beaucoup de ce que j’allais entendre. Tout d’abord parce qu’après deux albums splendides, Jonathan Wilson nous avait livré Slide By, un EP poussif (hormis Angel, une impeccable reprise de Fleetwood Mac). Ensuite le teasing de l’album s’est effectué avec des clips très vilains, aux images numériques périmées et d’un psychédélisme écœurant. On nous parla alors de synthés, d’électronique, de changements radicaux dans la production. Pendant des semaines alors, je n’arrive plus à écouter aucun disque folk de Laurel Canyon. Je dors mal. Je ressasse d’improbables rêves où David Crosby chante avec Devo. Parfois dans un cauchemar effroyable, Skrillex remixe Joni Mitchell. Je tente de calmer ces terreurs nocturnes en écoutant Trans de Neil Young. Mais en vain. Poussé par un relent d’audace, bravant les derniers avertissements lancés par cette infâme pochette, je me décide enfin à ouvrir ce Necronomicon bleu électrique.

Non seulement les premiers titres rassurent, mais ils subjuguent. Immédiatement. Avec Trafalgar Square, Over The Midnight et There’s a Light, Wilson érige une cathédrale de guitares folk, rock ou soul mâtinée de country. Une fois le décor planté, la pop retro délicieuse de Rare Birds va basculer imperceptiblement dans une autre dimension. Sur Sunset Blvd, il ralentit le rythme et déploie cordes et vocoder dans un ambiance onirique, voire cinématographique. Les claviers prennent une place centrale sur ce disque, mais pour autant, le musicien n’a pas radicalement modifié son écriture, ni sa production, comme on a pu l’entendre dire. En revanche, il a étendu sa palette, ouvert ses compositions à de nouvelles sonorités : il a mis du Air dans son CSN&Y, du Talk Talk dans son Jack Nitzsche et même du Dire Straits dans son Tom Petty. (Et au passage, il fait ça mieux que The War On Drugs.) A côté de ça, il récite aussi son Sgt Pepper comme personne (Miriam Montague). Continuer la lecture de « Jonathan Wilson, Rare Birds (Bella Union/Pias) »

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Too Smooth Christ, Angels and Voices (Nocta Numerica)

Too Smooth ChristToo Smooth Christ, ou Christophe Le Gall pour l’état civil français,  publie régulièrement des maxis depuis deux ans – une douzaine à ce jour – sur son label Supergenius et d’autres.  Avec Angels and Voices (2017), édité par la structure Nocta Numerica, il livre enfin un premier album. Continuer la lecture de « Too Smooth Christ, Angels and Voices (Nocta Numerica) »

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S’engouffrer dans l’Elbrecht

Jorge Elbrecht
Illustration : Pauline Nuñez.

Entre le Costa Rica, la Floride, New-York, la Californie et le Colorado, depuis presque 15 ans, avec un éclectisme remarquable, Jorge Elbrecht transforme  tout ce qu’il touche en autant de pierres et métaux précieux. Guitariste pour Ariel Pink, producteur amoureux des volutes pour Tamaryn, Drab Majesty, No Joy ou Frankie Rose (la liste est longue), artiste visuel, et tout ensemble pour ses projets personnels (Lansing-Dreiden, Violens, Presentable Corpse…), il est encore aujourd’hui l’un des plus fascinants et énigmatiques musiciens du paysage pop. À l’occasion de la sortie du récent Here Lies, passionnant disque collectionnant plus de 10 années d’enregistrements inédits, il nous a semblé indispensable de dresser le portrait de ce héros romantique (même s’il réfute cet adjectif). Un romantique taiseux et un peu schizophrène…

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La chute de la maison Festen

Festen Record Store
Photo : Stéphane Récrosio

Beaucoup en ont rêvé, mais Stéphane Récrosio l’a fait. Au début des années 2000, il a mis en pratique les idées qu’il avait exprimées à travers ses fanzines et son label Orgasm Records en ouvrant, dans le douzième arrondissement de Paris, un disquaire dédié au rock indé : Festen, situé au 78 boulevard Diderot. L’époque était encore au CD et le vinyle n’avait pas amorcé son retour. L’aventure durera trois ans. Sans le moindre soupçon de nostalgie, il a accepté de la raconter.

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La Houle

La Houle
Polaroïd : Clémentine Blue

Qui ?

Simon Sockeel (composition, chant principal, guitare, synthétiseurs)
Geoffrey Papin (composition, chant, guitare principale)
Clémentine Blue (basse en concert)
Thibault Le Roux (batterie sur les dates françaises)
John Davies (batterie sur les dates anglaises)

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Julien Thomas, Le Long de la Charentonne (Troglodisques)

Julien ThomasDe Julien Thomas, nous ne savons guère de choses. Peut-être vit-il en Normandie, comme le suggère le titre de son album, Le Long De La Charentonne, une rivière de la région, affluente de la Risle.

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Soccer Mommy, Clean (Fat Possum Records)

Soccer MommyQuelques mois après la sortie de Collection, recueil de deux ans de démos publiées sur Bandcamp (agrémenté d’une paire de nouveautés), Sophie Allison, alias Soccer Mommy, 20 ans, présente son véritable premier album, Clean. Continuer la lecture de « Soccer Mommy, Clean (Fat Possum Records) »

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Feeling Yourself Disintegrate – The Flaming Lips

17 secondes qui ont changé ma vie

Fra Angelico, Le Couronnement de la Vierge (détail).

Je n’avais jamais vraiment pensé à la mort avant d’entendre Feeling Yourself Disintegrate, la chanson qui clôt l’album que les Flaming Lips ont publié en 1999, The Soft Bulletin. Enfin, pas à la mienne, et pas de cette façon : au son d’un morceau qui continue de m’évoquer la version musicale d’un tableau de Fra Angelico qu’aurait réinterprété Moebius.
Encore aujourd’hui, c’est pourtant bien vers la prescience d’une fin de moi que dérivent mes pensées lorsque se conclut le deuxième refrain et que la voix de Wayne Coyne, fragmentée, réverbérée et démultipliée, disparaît derrière un rideau de chœurs épais comme de la bure pour laisser sa place à ce que je tiens pour l’un des plus émouvants solos de guitare qu’il m’ait été donné d’entendre, tous genres et époques confondus. Rien que ça. Un chapelet de quoi ? Dix, quinze notes trébuchantes arrachées à des cordes raides comme les tables de la loi, mais dont la force et l’évidence renvoient à leurs rosaires tous les pontifes de la gamme pentatonique. Et fait immanquablement monter à mes yeux tout le sel de la Mer rouge. Un solo qui, alors que le chant des anges vient soudainement allumer le ciel et qu’au loin tintent les cloches du jugement dernier sous les marteaux d’un xylophone, s’envole avec un glissé héroïque pour s’écraser aussitôt sur un petit motif têtu, presque enfantin, que Steven Drozd, le batteur-guitariste du groupe, va répéter pendant presque une minute, jusqu’à ce que la nuit ait tout englouti. Plus un anti-solo, d’ailleurs, où ne s’exprimeraient que fragilité et impuissance résignée. Une sorte de mot d’excuse, comme une façon de dire : « J’ai fait de mon mieux, les gars, mais ce ne sera que ça. » Voilà le « doux bulletin » qu’adressaient à la postérité les Flaming Lips en 1999 : une ballade solaire sur la finitude de toute chose et la faillibilité de l’homme, cette machine à disparaître. On a appris, plus tard, que le chanteur Wayne Coyne avait perdu son père peu de temps avant d’écrire les paroles de Feeling Yourself Disintegrate, et qu’il lui était encore douloureux de l’interpréter en public. On a également appris que ces quelques secondes vers lesquelles semblent tendre tous les morceaux de The Soft Bulletin, et, a posteriori, toute la carrière d’un groupe dont la musique n’a plus jamais atteint ce pic d’intensité, avaient jailli d’une main qu’on avait, quelques semaines plus tôt, failli amputer. Un mois après la sortie de l’album, j’achetais donc ma première guitare électrique, une acquisition que j’avais maintes fois repoussée. Et j’adressais à mes voisins mes premiers doux bulletins.