Leandro Barzabal et Céleste Gatier, Meditate & Destroy (Les Disques Omnisons)

Records Ruin the Landscape est le titre d’un ouvrage de David Grubbs. Il y évoque la défiance que toute une scène expérimentale a très souvent manifesté envers l’enregistrement sur disque – la captation d’un moment forcément en-deçà de la puissance cathartique de l’improvisation. Aussi, un préjugé tenace qui n’est pas sans saisir l’auditeur.rice devant ce disque de Léandro Barzabal et Céleste Gatier. Deux figures bien connues de la scène expérimentale, improvisée et bruitiste parisienne – Non-Jazz/Sonic Protest/Broken Impro, – remarqué.es notamment par la dimension performée de leurs démarches respectives. Mais un préjugé rapidement levé étant donné l’évidence du disque :  les six pièces qui le composent frappent immédiatement par leur puissance esthétique et sophistication formelle. Aussi, par-delà sa visée performée, un travail qui est surtout conceptuel : Meditate & Destroy constitue une tentative d’épuisement de la forme « noise », pour la déconstruire depuis une perspective réductionniste. Instrumentarium détourné et traitement sonore qui assume l’héritage des musiques acousmatiques tout en permettant au geste de se déployer : un cadre qui permet à Meditate & Detroy de s’imposer comme un grand disque. Un disque important en ce qu’il trace une voie singulière au sein d’un genre qui n’aura eu de cesse de perturber les normes du sonore et de l’audible.

Ici, c’est un dispositif en tension qui vient en quelque sorte participer de cette esthétique du détournement des codes : la performance vient confronter l’art des sons fixés propre à l’electro-acoustique. L’énergie brute du live, de l’improvisation, percute l’attention portée à la construction et au montage. On pense évidemment au brutalisme post-techno de Mika Vainio, au travail de Zbigniew Karkowski, ou encore de Kasper T. Toeplitz. Assurément, l’écoute d’un disque comme Meditate & Destroy laisse une empreinte profonde : tout se joue dans le décalage subtil qui est instauré entre le vitalisme de l’interprétation et la sophistication à priori de l’idée. Pour faire de Meditate & Destroy l’un des disques les plus fascinants de ces derniers mois.

PS : saluons le travail des Disques Omnisons, jeune label parisien mené par Tom Val. Entre free-lo fi, radical psychédélia et minimalisme.


Meditate & Destroy par Leandro Barzabal et Céleste Gatier est disponible chez Les Disques Omnisons.

 (1) Livre traduit en français. Les disques gâchent le paysage, Dijon, Les Presses du réel, 2015.

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