On dit du souvenir qu’il embellit – c’est alors, je crois, qu’il se métamorphose en nostalgie. Sincèrement, je n’en sais rien… Mais ce n’est peut-être pas faux. Combien de fois, sur la seule foi d’une photo, d’une mélodie qui trottait dans la tête, d’une odeur, d’une sensation, est-on parti sur les traces d’un passé plus ou moins récent pour – parfois, souvent ? – constater que ce n’était plus tout à fait comme avant – comprendre que c’était un peu décevant ?
Vingt-cinq ans d’existence, un premier album il y a dix-neuf ans, six autres depuis : les Français de Tahiti 80 sont désormais des briscards de la pop indépendante hexagonale, de ceux capables de traverser et résister aux différentes modes. Imaginez-vous, certains lecteurs et lectrices de cette chronique (probablement égarés) n’étaient potentiellement pas nés quand Heartbeat passait dans les clips de M6 la nuit ! Chevronnés certes, mais pas blasés, les Rouennais. A vrai dire, leur volonté de se renouveler et de garder une oreille attentive et innocente sur l’idiome pop a quelque chose d’attachant et charmant.
C’était il y a onze ans. Pour le compte d’une revue dont on taira une nouvelle fois le nom, je croisais la route de l’auteur et dessinateur Hervé Bourhis à l’occasion de la sortie de son Petit Livre Rock, ouvrage à la couverture rouge et au format de 45 tours qui retraçait, par le parti-pris(me) de son auteur, l’histoire de cette musique qui ne cesse de mourir – ou de ressusciter, comme vous préférez – depuis sa naissance. Grandi à Tours, Parisien quelque temps avant de prendre la tangente pour poser ses crayons à Bordeaux, le jeune homme réunissait alors pour la première fois ses deux passions. Batteur et / ou chanteur au sein de groupes que l’histoire a vite oublié, mais dessinateur et / ou scénariste talentueux – que ce soit pour raconter des fictions ou croquer ce qui fut / est la réalité –, Hervé Bourhis avoue écrire dans le silence mais dessiner en musique. Celui qui, entre Lennon ou McCartney, choisit Brian Wilson a fait de son idée de Petit Livre une série, qui lui a permis de détailler la Ve République ou la bande dessinée, mais surtout de renforcer son image de mélomane aux goûts éclectiques (la musique noire, les Beatles). Aujourd’hui, il sort, avec l’aide de Hervé Tanquerelle, un Petit Livre de la French Pop (Dargaud), qui conte l’histoire musicale hexagonale de 1956 à nos jours. L’occasion était trop belle pour ne pas demander à Hervé Bourhis les dix chansons tricolores qui lui filent des frissons.
Grandir sans renoncer tout à fait à être soi. Pas facile, tout particulièrement lorsque l’on a connu la reconnaissance publique avant même d’atteindre sa majorité et que l’on a publié ses meilleurs albums – Meltdown, 2004 et Twilight Of The Innocents, 2007 – alors que fans et critiques les accueillaient avec une indifférence croissante. Il a fallu presque huit ans pour que Tim Wheeler et Ash parviennent enfin à inventer la meilleure manière de vieillir sans se laisser flotter sur l’air du temps. Huit ans de tâtonnements plus ou moins approximatifs – une flopée de singles numérique inégaux enregistrés en 2010 puis, en 2014, pour le chanteur, un album solo à la Tchao Pantin, ambitieux mais inabouti consacré au décès de son père – avant de renaître, presque à l’identique. Brutalement interrompue en 2007, pour ce qui concerne les albums, la discographie du trio irlandais a donc fini par retrouver une nouvelle jeunesse, sonique et fougueuse, avec le détonnant, Kablammo ! (2015) suivi cette année par l’excellent Islands. Désormais exilé aux USA, Ash semble avoir accepté son identité en enregistrant encore une fois un LP qui ressemble à s’y méprendre au rêve le plus fou de ses admirateurs : un condensé de power pop ultra-efficace, regorgeant de mélodies imparables et de refrains bébêtes à souhait, et où les guitares métalliques – Flying V en tête – rivalisent d’intensité. Mais c’est encore sur scène que le groupe sait le mieux nous faire partager sa joie insouciante du jeu collectif. Et réapparaître, pour notre grand bonheur, sous les traits inaltérables de l’éternel adolescent qu’il n’aurait jamais du cesser d’être. Continuer la lecture de « Les (bons) coups de Ash »
En matière de musique comme en toute chose, l’évidence ne s’impose pas toujours avec la brutalité instantanée du coup de foudre. Elle finit parfois par surgir au terme d’un cheminement tortueux, parsemé d’erreurs et de doutes. En l’occurrence, tout a commencé par une première rencontre manquée lorsque, sollicité pour chroniquer à sa sortie Casting Nets (2014), le premier album de Distance, Light & Sky, j’avais choisi de décliner. Continuer la lecture de « Distance, Light & Sky, Gold Coast (Glitterhouse) »
En jetant un coup d’œil aux photographies de Louis Teyssedou – même si elles valent surtout le coup qu’on s’y attarde –, me revient en mémoire cette jolie phrase de son homologue Philippe Lévy : “Il n’existe pas de bonnes idées, juste un beau moment, une expression, un regard …” À Amiens – où je me souviens avoir vu Moose un beau soir de 1993 ou 1994, mais c’est une autre histoire –, ce professeur trentenaire est tombé pour l’indie pop en découvrant Oasis et son single parfait (ou pas loin), Supersonic. Qu’en reste-t-il vingt-cinq ans plus tard ? Certes, plus aucune Cigarettes et plutôt du vin rouge quand il est question d’Alcohol , mais une passion intacte (ou exacerbée, au choix), alimentée par les fils d’une pelote qui ont conduit Louis plus que de raison vers la prude Albion ainsi que vers le webzine Soul Kitchen, dont il noircit les « pages » depuis dix ans exactement. Entre deux corrections, il est aussi un photographe hors-pair, qui, après avoir privilégié le Polaroid, ne travaille qu’en argentique. Auteur de ces propres tirages, déjà convié deux fois pour des expositions d’urbex, véritable « passeur » désireux de partager sa passion et de la voir passer de père en fils (comme en témoigne la très douce photo d’ouverture), Louis Teyssedou inaugure, avec dix portraits sélectionnés par ses soins, notre série dédiée aux photographes de la chose musicale. Mais, au final, surtout humaine. Continuer la lecture de « Pictures On My Wall #1 : Louis Teyssedou »