En découvrant U.F.O.F. pour la première – mais aussi pour la deuxième et la troisième fois – on est d’abord saisi de l’envie irrépressible d’en interrompre le déroulement pour trouver refuge dans l’écoute d’une une copieuse compilation d’Emmylou Harris – Anthology : The Warner/Reprise Years (2001), pour être précis. Cette impulsion ne relève évidemment pas de ces associations formelles par lesquelles les échos des œuvres passées en viennent à résonner ostensiblement dans les prolongements actuels de leur descendance assumée. Au contraire.
C’est plutôt que la fréquentation prolongée des vocalises éthérées d’Adrianne Lenker suscite, par contraste, le besoin impérieux de se confronter à une version infiniment plus incarnée de l’humanité. Continuer la lecture de « Big Thief, U.F.O.F. (4AD / Beggars) »
Catégories festivals, portrait
Fat White Family – Tendres pervers

Il existe des moments de télévision pendant lesquels, on aimerait – avec une once de sadisme et beaucoup de naïveté – que tout dérape, comme à la grande époque. Le 17 mai dernier, les trublions de Fat White Family étaient les invités du Quotidien de Yann Barthès sur TMC. Puisque « le groupe le plus trash et bordélique de tout le Royaume-Uni » (sic) est le dernier héritier d’une longue lignée de musiciens situationnistes qui semblent avoir lu Lipstick Traces (Greil Marcus, 1989) et en avoir fait leur livre de chevet, on pouvait rêver d’un bel incident télévisuel. A quoi peut bien ressembler leur tentative d’entrisme dans la société du spectacle ? On s’imaginait déjà chanter Where’s Yann Barthès Now? comme les Television Personalities ironisaient jadis sur le sort du pauvre Bill Grundy. Au lieu de ça, le spectateur a eu droit à une simple interprétation du single Feet, dans une performance conforme à toutes les règles du CSA et dans une mise en scène parfaitement sous contrôle. Continuer la lecture de « Fat White Family – Tendres pervers »
Catégories festivals, mixtape
Mixtape Section26 #1 : Le SuperHomard
¡ Elefant 30 !
Le SuperHomard tire son nom du classique Ne Nous Fâchons Pas (Georges Lautner, 1966) que tous les esthètes sixties apprécient pour sa bande originale signée Bernard Gérard (avec notamment l’indépassable Rosbif Attack). Aux manettes, depuis les débuts du projet et désormais groupe, se trouve Christophe Vaillant, un Avignonnais ayant roulé sa bosse dans de nombreux groupes depuis les années 90 (Strawberry Smell, Pony Taylor, Cucumber, etc). Désormais épaulée en live par son frère Olivier, ainsi que Benoît, Maxime, Julie et Laurent, la formation se produit un peu partout en France et notamment dans plusieurs festivals cet été (en ouverture du TINALS ce jeudi 30/05, pour l’Ostreoid Festival le 15/06 et La Route du Rock le 16/08), histoire de défendre Meadow Lane Park, son excellent premier album paru cette année chez le vénérable label espagnol Elefant, dont nous célébrons toute l’année les 30 ans.
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Catégories festivals, interview
Steve Albini – Ici l’ombre

Metteur en son et musicien à l’intransigeance légendaire, sur la brèche depuis le début des années 80, Steve Albini a su rester bruyamment pertinent quand nombre de ses paires ont perdu pied – ou plus. À l’aune d’une tournée européenne aussi rare que précieuse de son groupe Shellac qui passera jeudi 30 mai par le festival TINALS à Nîmes, l’occasion était trop belle pour ne pas se replonger dans l’interview que cet artisan taiseux à l’humour cinglant avait daigné accorder, à une époque charnière de sa vie artistique, au printemps 1993, pour le septième numéro du fanzine magic mushroom. Continuer la lecture de « Steve Albini – Ici l’ombre »
Catégories dossier
Papivole#4, Mon histoire avec la presse musicale, 1978-2018 : Le fanzine Fond de caisse

Après Le Gospel dont j’évoquais la naissance avec Adrien Durand, son fondateur, dans Papivole #3, je m’attarde aujourd’hui sur Fond de caisse. Comme le monde est petit, j’en avais appris la gestation en m’entretenant avec Mili & dYmanche pour Langue Pendue, drôle de duo, alors installé à Lyon et qui fréquentait les jeunes gens impliqués dans le projet qui n’avait alors pas encore de nom. Rien ne m’excite plus que de m’incruster devant un média dont je ne parle pas le langage, avec ses références et ses codes, que je mets du temps à maîtriser (ou pas). Avec Fond de caisse, je suis servi. Avec ses pseudos imagés, ses entretiens au coin du feu, ses fausses petites annonces, sa rubrique Cap ou pas cap (ma préférée), le fanzine, aux couleurs chatoyantes, m’a fait pénétrer un monde étrange avec des textes pleins d’humour et des groupes aux noms de société secrètes (plutôt celles qu’on découvrirait dans un téléfilm de Franju) : Golem Mécanique, Terrine, Begayer… Mais point de folie littéraire, Fond de caisse évoque scènes et musiciens de ce sous-sol qui irrigue le territoire, de squats en salles autogérées, et d’où émergent régulièrement de fortes têtes qui prennent un peu de lumière au mainstream : électroniques détournées, folklore renaissant, chansons de traverse, à fond ici, à fond maintenant, à fond la caisse. Continuer la lecture de « Papivole#4, Mon histoire avec la presse musicale, 1978-2018 : Le fanzine Fond de caisse »
Catégories chronique nouveauté
The Proper Ornaments, Six Lenins (Tapete records)
Presque dix ans de carrière discographique pour The Proper Ornaments et toujours le même sentiment diffus : le groupe semble être si fragile et pourtant il résiste fort bien. Peut-être que sa modestie n’y est pas étrangère, la formation évoluant régulièrement dans l’ombre des autres projets de James Hoare. Qui aurait misé un penny sur le duo formé par Max Oscarnold (ex-Let’s Wrestle et actuel membre de TOY) et le guitare de Veronica Falls à l’époque de la sortie du premier single sur le label Make a Mess ? Continuer la lecture de « The Proper Ornaments, Six Lenins (Tapete records) »
Catégories billet d’humeur
Jorge Elbrecht, vendredi soir, à Paris

Samedi midi au réveil, c’est déjà l’enterrement de la sardine. C’est lundi alors même que dimanche n’est que demain. Les vestiges de la nuit se font sentir dans ma pauvre cervelle encore alcoolisée… A nouveau, c’est le règne par la terreur. A côté de Christophe Basterra, Daenerys Targaryen, c’est le Mahatma Gandhi.
« Salut les jeunes,
Bon Xavier, j’ai une mauvaise nouvelle : tu vas te sortir les doigts du cul et écrire un papier sur ta soirée avec Jorge Elbrecht hier. Et nous dire pourquoi c’est un génie. On s’en fout que ce soit décousu. Tu fonces, tu verras après.
On attend l’article pour ce soir – sinon, je viens te casser la figure (et t’as vu que parfois, je montais à Paris n’importe quand). » Continuer la lecture de « Jorge Elbrecht, vendredi soir, à Paris »
Catégories interview
Damien Jurado – Loin de Hollywood

Plus de vingt ans après ses débuts, Damien Jurado renoue avec le dépouillement de ses premiers disques et sort In the Shape of a Storm, un superbe album de folk simple et mystérieux, sans doute son meilleur depuis Where Shall You Take Me? en 2003.
Après avoir traversé une très éprouvante année 2018, ponctuée notamment par la fin de son partenariat de près de quinze ans avec le label Secretly Canadian et, surtout, par la mort soudaine de son ami Richard Swift, avec qui il aura enregistré pas moins de cinq albums entre 2010 et 2016, Damien Jurado a décidé de repartir sur de nouvelles bases. Pour son dix-huitième opus, le remarquable In the Shape of a Storm, il a donc choisi d’opter pour une certaine forme de minimalisme. Seul, ou presque, avec sa guitare ; une formule qu’il n’avait, jusque-là, jamais expérimentée ailleurs que sur scène et qui semble renvoyer directement à l’aura artisanale de certains de ses meilleurs disques, comme Ghost of David et Where Shall You Take Me?. Enregistré en moins deux heures, et avec un certain sens du risque (deux prises de cinq chansons chacune, pas d’overdubs), au studio Sonikwire d’Irvine en Californie, ce nouvel album impressionne grâce à la beauté désarmante de ballades comme Lincoln, South ou Hands on the Table et s’affirme déjà comme l’un des grands albums de ce début d’année. Interrogé, il y a quelques jours, par téléphone, il répond depuis Los Angeles, où il réside désormais. Continuer la lecture de « Damien Jurado – Loin de Hollywood »