Il y a quelques semaines, le label Real Gone Music exhumait une dizaine d’enregistrements inédits du génial Robbie Basho, guitariste visionnaire et totalement azimuté qui fut sans doute la figure la plus singulière et énigmatique du mouvement “american primitive”, initié par John Fahey vers la fin des années 50. Réalisés pour le label Vanguard, à une époque où la direction de celui-ci cherchait vaguement à explorer de nouveaux territoires musicaux, ces enregistrements – datés de 1971 “ou” de 1972 et dont personne, même chez les spécialistes du genre, ne soupçonnait l’existence – illustrent à merveille le saisissant isolement dans lequel Robbie Basho aura finalement mené l’ensemble de sa carrière, voire sa vie tout entière. Continuer la lecture de « Robbie Basho, Songs of the Great Mystery (Vanguard / Real Gone) »
Catégories Le stream était presque parfait
Les Calamités, À Bride Abattue (New Rose)
Tout l’été, les albums qui ont échappé aux radars des plateformes de streaming.
En 1987, la chanson Vélomoteur souffle un vent de fraîcheur pop sur les ondes de FM libéralisée. Souvent considérées comme un one hit wonder d’une époque qui en compte un paquet (Partenaire Particulier, Patrick Coutin, Chagrin d’Amour, Élégance, Bandolero etc.), les Calamités avaient pourtant démarré cinq ans plus tôt quelque part dans la Bourgogne, à Beaune, petite ville d’une vingtaine de milliers d’habitants. L’histoire débute en effet quand Odile Repolt, Isabelle Petit et Caroline Augier décident de monter un groupe. Mike Stephens (qui remplace un certain Watson) les rejoint pour former le line-up classique du groupe tel qu’il apparaît sur leur mini-album À Bride Abattue (1984). Continuer la lecture de « Les Calamités, À Bride Abattue (New Rose) »
Catégories cover
Radio Hito reprend «Dommage que tu sois mort» de Brigitte Fontaine (inédit)

Navigatrice aux ports d’attache et aux talents multiples, Y.-My Nguyen développe depuis plusieurs années des propositions sonores singulières qui tentent de trouver le lien juste entre le calque sensible d’un cheminement personnel et celui d’existants d’une diversité surprenante. Elle a sorti sous le nom de Radio Hito en mars dernier Non Solo Sole, son premier album cassette sur le label animé par TG Gondard, MIDI Fish, qui conjugue avec élégance — et souvent en italien — la voix des poètes et la sienne, et qui fait dialoguer nappes électroniques et mélodies savantes de claviers en lutte tendre entre l’ombre et la lumière. Elle ressuscite ici le plus grand poète vivant après Artaud et Rimbaud, c’est-à-dire Brigitte Fontaine, avec cette reprise de Dommage que tu sois mort.
Catégories chronique nouveauté, replay
Peel Dream Magazine, Agitprop Alterna (Slumberland / Tough Love)
C’est en 2018 que le new-yorkais Joe Stevens, alias Peel Dream Magazine, délivre son premier album. Modern Meta Physic est alors présenté comme un hommage à la dream pop de la fin des années 1990 mais malgré son charme, le disque ne parvient pas à franchir le seuil de la scène brooklynoise et reste un secret bien gardé. Un an plus tard, le musicien fait son retour avec Up and Up, un EP de cinq titres mené par un single éponyme. I feel like I’m flying / This must be what dying / In part has been based on : cette fois-ci accompagné d’une voix féminine (celle de son amie de longue date, Jo-Anne Hyun), Stevens, dans cette envolée onirique, démontre la nouvelle richesse de ses compositions.
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Catégories sous surveillance
Sous Surveillance : Moth

Qui ?
Où ?
Catégories À écouter, billet d’humeur
Le fond de la pop #1 : « la maladie de notre temps »

Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
Fugue de mort, Paul Celan.
Il y a toujours la possibilité d’une circulation dans la solitude. La solitude, dès lors qu’elle creuse son propre puits, dresse une carte dont les écailles et les archipels sont autant des souvenirs que des bruits, autant des inquiétudes que des couleurs. Or, la grande stupeur qui nous prend quand on s’y agenouille tient à cela : elle fait tenir sur un plan unique une boucle qui désordonne la vie. À sa fin, si nous l’atteignons jamais, sur le dernier rivage de son lac noir, tout se mêle. L’entrelacs de dimensions qui habitent ce puits bave. Ses composantes s’effondrent les unes dans les autres. La vie entière tient à des tâches d’acrylique dans l’eau : désordre. Elles nous apparaîtront plus tard, laiteuses et fondues, dans la texture de quelques nuits, à la lisière d’un souvenir d’enfance, sur le seuil d’une phrase où tout se brouillera. Il faudra alors les rendre à leur ventre, à leur liqueur séminale, à la solitude. Continuer la lecture de « Le fond de la pop #1 : « la maladie de notre temps » »
Catégories chronique réédition
Los Shakers, Los Shakers/Break It all, Los Shakers For You, La Conferencia Secreta Del Toto’s Bar, In The Studio Again (Guerssen)
On ne tombe pas tous les jours sur une telle mine : quatre albums d’un seul coup – soit l’intégrale et même un peu plus de l’œuvre des Beatles uruguayens – qui permettent non seulement de ressusciter les vestiges intacts et considérables d’un patrimoine musical qui n’avait, jusqu’à présent, resurgi que par bribes. Mais qui revitalisent également de manière stimulante cette éternelle interrogation, peut-être aporétique, qui travaille depuis toujours les amateurs de pop : comment rendre compte des émotions suscitées par une forme culturelle dont les critères esthétiques issus de la culture savante peinent à décrire la spécificité ? Que penser ou que dire lorsque ni l’innovation esthétique radicale, ni l’irréductible singularité du Génie incarné dans la figure centrale du créateur, démiurge de son propre univers, ne sont pertinents pour décrire ce qui s’est déroulé d’essentiel ? Continuer la lecture de « Los Shakers, Los Shakers/Break It all, Los Shakers For You, La Conferencia Secreta Del Toto’s Bar, In The Studio Again (Guerssen) »