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R. E. Seraphin, Tiny Shapes (Paisley Shirt Records)

Pour contrebalancer l’anéantissement provisoirement contraint de la cueillette du muguet ou des grandes escapades printanières, nous sommes quelques-uns à avoir au moins pu nous délecter de l’événement majeur de ce week-end dernier. Au beau milieu d’un pseudo- pont du 1er mai qui s’est contenté d’enjamber les deux rives tristement identiques d’un long fleuve d’ennui, la diffusion gratuite pendant quelques jours de Teenage Superstars (2017) brillant documentaire consacré par Grant McPhee à l’émergence de la scène indie-pop écossaise tout au long des années 1980, a offert aux amateurs – mais qui donc songerait à ne pas l’être ?- quelques heures privilégiées de délectation nostalgique et de souvenirs partagés en compagnie de ces quelques tout jeunes hommes de plus de cinquante ans nommés Duglas T. Stewart, Eugene Kelly, Norman Blake ou Stephen McRobbie – on en passe, mais peu de meilleurs. Dans une séquence pré-générique introductive, le leader des Pastels raconte ainsi comment sa conversion au punk a débuté par un passage chez le coiffeur et lui a couté, quelques heures plus tard, un cuisant coup de soleil sur ses oreilles peu habituées à une exposition si intense aux rayonnements. D’emblée, la souffrance presque dérisoire associée à l’exaltation de la liberté fraîchement conquise : au-delà même de la métaphore ou de l’anecdote, il y a quelque chose d’une vérité profonde qui semble traverser les époques et s’inscrire durablement dans les prolongements de cette tradition musicale dont les Vaselines ou les BMX Bandits ont constitué les maillons si vitaux. Continuer la lecture de « R. E. Seraphin, Tiny Shapes (Paisley Shirt Records) »

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I Like 2 Stay Home #45 : Moderato silencio

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

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Le Testament d’Orphée, Jean Cocteau

Ils ne sont pas là pour les funérailles du poète parce qu’ils sont célèbres, mais « parce qu’ils sont mes amis » dit Cocteau au générique de son Testament d’Orphée (1959). Disons-le ici : Jeanette, Karina, les Gibb, Hepburn, Jobim ils sont mes amis. Alors certes, ils sont célèbres mais qu’importe ?

Cocteau toujours : pour ses vraies-fausses funérailles, autour de lui, personne d’autres que les tziganes pour pleurer le poète. Ceux-là même qui plus tôt l’accueillaient dans le monde des nôtres : homme-cheval et feu follet de la photo de Cégeste, imprécations et flamenco nuptiale ou funéraire, célébrant une vérité ancienne que les nomades conservent sur la terre. Le vieux cinéaste, qui en est à sa dernière excentricité, sait la chose très bien : cinéma donc feu donc épreuve de la joie fugace et crépitante — enregistrement = mort.

Le poète n’a qu’une famille : les nomades. Il n’a qu’une amitié : les sons les plus anciens, les plus triviaux, les plus impurs, la musique populaire. On dit ici populaire en son sens vrai : pas le genre Spotify, mais bien le plus vieux creuset de l’humanité, le son de la voix. Celle-ci qui fut enregistrée et dont vint la déraison, la passion, l’excitation, la mort. Enfance de l’art dit Godard du cinéma. Enfance de l’art dirons-nous pour la pop. Continuer la lecture de « I Like 2 Stay Home #45 : Moderato silencio »

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I Like To Stay Home #44 : From Gardens Where We Feel Secure

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

Alors que le monde extérieur semble tâché par le sourde anxiété des jours, la pulsion de l’air libre continue d’irriguer les rêveries, avec des envies de cultiver de grands jardins intérieurs, où nous pourrions nous retrouver dans la tranquille indifférence d’un monde de sève et de pollen. Lits d’herbes, torrents de pétales, bouquets kaleidoscopes, couronnes pour le souvenir, branches tordues vers l’astre solaire, méditations à la chlorophylle. Un petit parc botanique dans la tête. Voici le mien, pas très grand, mal taillé, mélange d’espèces semées au hasard, avec des allées de ritournelles aérées, quelques pieds exotiques qui cohabitent à côté des rosiers (qui n’est pas la seule fleur bonne à chanter, qu’on se le dise), des pelouses sereines où la marche est évidemment autorisée, et juste assez d’ombre pour déraper vers le sommeil si besoin est.

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#45 : The Soup Dragons, I’m Free (Big Life, 1990)

I’m Free d’attendre encore un peu.

Au soir du premier jour de confinement, alors que le reste de la famille s’adonnait au visionnage d’une série (pas ma came), je m’étais retiré dans mon antre-bureau, non sans avoir répondu favorablement à cette proposition de dernière tournée lancée par le consul du bouquin de Malcolm Lowry. Voilà pour le début de l’histoire, et bien que j’en ai déjà posé les bases dans le #1, je ne vois pas pourquoi je m’interdirais d’y revenir à nouveau puisqu’il est dit que la boucle doit être bouclée – je suis persuadé que cette phrase aurait pu tenir en deux fois moins de mots mais on ne se refait pas, disait le scorpion à la grenouille.
C’est donc en tombant inopinément sur un 45 tours du label The Compact Organization que germa cette idée dans mon cerveau passablement imbibé. Après m’être déhanché sur quelques pépites de northern soul pour célébrer ça – une idée c’est un peu une fête, on n’en a pas à longueur de journée, chantait jadis l’ami Prudence – je décidais de laisser reposer, rôdé à voir mes lubies du soir frappées d’inanité le lendemain matin, et bien en peine, les pauvres, de rivaliser avec ma gueule de bois. Continuer la lecture de « #45 : The Soup Dragons, I’m Free (Big Life, 1990) »

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Confeti De Odio, Tragedia Española (Snap! Clap! Club)

D’abord, il y a eu cette pochette, aperçue un dimanche soir sur Instagram, sur le compte du très recommandable Nacho Canut – pour ceux qui ne suivent ou ne savent pas, cet homme est la moitié de Fangoria et l’une des figures emblématiques de la Movida et de la scène pop espagnole depuis la fin des années 1970, en particulier pour avoir cofondé, avec son éternelle complice Alaska et le regretté Carlos Berlanga, Alaska Y los Pegamoides puis Alaska Y Dinarama. Des groupes qui, un peu à l’instar d’Orange Juice à la même époque, rêvaient de marier les Ramones et Chic. Alors voilà : quand un type de cette envergure poste sur son compte une pochette, vous avez forcément envie d’en savoir un peu plus. Surtout quand ladite pochette donne une idée assez précise de ce à quoi aurait pu ressembler en vitrine un disque de The Smiths avec Syd Barrett période The Madcap Laughs comme effigie. Et puis, le titre et le nom de l’artiste attisaient aussi la curiosité : Tragedia Española par Confeti De Odio (une traduction approximative en serait : Tragédie Espagnole par Confetti de Haine). Et moi, quand il s’agit de musique pop, j’aime bien les mots qui ne donnent pas le choix : c’est l’amour ou la haine – justement –, il n’y a pas de place pour un milieu plus ou moins juste…

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I Like 2 Fuck Home #43 : More Songs About Fucking

Un mix thématique par jour à écouter en temps de confinement.

« Dans ton confinement je m’introduis, puisque Ovide dit ne faire que peu de cas des barrières qui masquent nos gestes les plus impurs. »

(Benoît Douvres, La porte étroite, Douchet-Fustel, 1969)

Absolument prépondérante, la question du sexe confiné ne transpire que trop peu de l’autre côté des verrous. De nouveaux fragments du discours amoureux s’écrivent pourtant, dans toutes les langues, à l’ombre de chambres à coucher désertées, dans la surchauffe de salons surpeuplés, sous la douche, sur des écrans, des réseaux, des lignes téléphoniques saturées de désirs ou de foutre, du bout des doigts, au creux de paumes ou de poignes étranglant la frustration, dans nos rêves humides, face à des Camgirls & boys qui vibrent ou ploient sous l’assaut du Bitcoin. Continuer la lecture de « I Like 2 Fuck Home #43 : More Songs About Fucking »

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#44 : The Nails, 88 Lines About 44 Women (Jimboco & City Beat / Rough Trade, 1982/1992)

The Nails
The Nails, ongles incarnés.

44 disques, 44 posts, mais certainement pas 8800 signes sur ce trésor (bien) caché qui connut plusieurs versions, toutes par le même groupe, The Nails.

A l’automne 1991, Rough Trade décida de lancer un Singles Club, sans faire mystère d’avoir piqué l’idée à Sub Pop. Vous contractiez un abonnement pour six mois ou un an et receviez par la poste un nouveau 45 tours chaque mois – vous pouviez également tenter de le choper chez votre disquaire.
Levitation, le groupe post-House of Love de Terry Bickers, fut la première référence, en octobre. Le single des Nails apparut en février 92, précédant d’un mois un chouette Mercury Rev – une reprise du If You Want Me To Stay de Sly and the Family Stone. La 16ème référence est évidemment chère à mon cœur puisqu’il s’agit de A Marriage Made In Heaven des Tindersticks, la version originale avec Niki Sin de Blood Sausage, pas celle avec Isabella Rossellini.
Bon, 88 Lines About 44 Women dans ma boîte à lettres, ce fut autant énigmatique qu’addictif. Continuer la lecture de « #44 : The Nails, 88 Lines About 44 Women (Jimboco & City Beat / Rough Trade, 1982/1992) »

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Car Seat Headrest, Making a door less open (Matador)

I believe that thoughts can change my body, répète Will Toledo sur son morceau d’ouverture, Weightlifters. De là à imaginer l’adolescent chétif des Twin Fantasy (2011) en culturiste, il y a un monde. Will Toledo a quelque chose d’un rapport conflictuel au corps (euphémisme) : « Don’t you realize our bodies could fall apart any second ? » disait-il y a encore peu dans un autre titre, intitulé… Bodys.

Débarrassons-nous immédiatement du narratif qu’il a décidé de construire pour la sortie de son deuxième album chez Matador – en ne comptant pas le ré-enregistrement de Twin Fantasy : il a exprimé le souhait de porter un masque façon jeu vidéo afin de dissimuler son visage, amoindrir le poids du corps. Le narratif bégaie devant le Covid-19, il faut bien le dire. Toledo n’aura pas de concert à tenir avant quelques mois, on verra alors ce qu’il reste de cette décision. Continuer la lecture de « Car Seat Headrest, Making a door less open (Matador) »