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Liam Hayes, Mirage Garage (Weird Vacation)

Mais où donc a bien pu passer Liam Hayes ? « Dans ton culte ! » a-t-on souvent été tenté de répondre, comme pour désamorcer avec une pointe d’ironie grossière les désillusions inévitablement accumulées au cours d’une non-carrière qui s’étale désormais sur plus d’un quart de siècle, et où les coups de génie ont souvent succédé à de longues plages de disette forcée. C’est bien l’un des artifices rhétoriques les plus communément employés dans l’exercice écrit de la réhabilitation critique que de feindre l’incompréhension devant l’échec de ces idoles méconnues : tel groupe, lit-on souvent, aurait-dû être énorme ; tel songwriter maudit, s’étonne-t-on encore, est inexplicablement passé à côté du succès mérité alors que d’autres, moins doués, ont fini par lui voler éhontément la vedette. La mauvaise foi a ainsi ses vertus propres quand elle permet de mieux restituer l’intensité de la passion en accentuant les paradoxes et les dissonances. Continuer la lecture de « Liam Hayes, Mirage Garage (Weird Vacation) »

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Pale Saints, The Comforts Of Madness (4AD)

Pale Saints The Comforts Of Madness
Pale Saints, The Comforts Of Madness (4AD), et sa pochette signée Vaughan Oliver.

Une légende, probablement vérifiable, voudrait que les Pale Saints de Leeds aient envoyé leur première démo à Sarah Records à Bristol. Trop de solo de guitares, trop de scories new wave, c’est tellement vulgaire, merde, et on comprend aisément pourquoi Clare et Matt ne souffrirent pas autant d’émotion. C’est une bonne base de discussion. Quoique. Ça n’enlèvera rien à ce disque qui définit non pas un genre (le chouguezz, restons sérieux…), mais bien une époque.

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Jean-Pierre Kalfon, My Friend Mon Ami EP (Pop Supérette)

Jean-Pierre Kalfon« Brigitte n’en fait qu’à sa guise »
Le soin apporté à la redécouverte d’une petite partie de l’œuvre de Jean-Pierre Kalfon est à la hauteur des attentes du collectionneur maniaque de vinyle (« fac-similé », « reproductions de photos inédites »), à tel point qu’on dirait une réédition japonaise avec cet ajout cartonné et explicatif qui enserre la pochette sur son côté droit. Cet appareil historique et critique intégré – très agréable à lire ma foi – aurait presque un effet décourageant sur votre serviteur – pour qui l’acteur est avant tout Rocky Malone, frère de Chet (Bernard Giraudeau), (dés)unis face au brutal Hagen (Bernard-Pierre Donnadieu) dans le singulier film de Gilles Béhat, Rue Barbare (1983) – d’écrire selon son humeur plutôt qu’en tant que connoisseur lettré (laissez-moi rêver). Continuer la lecture de « Jean-Pierre Kalfon, My Friend Mon Ami EP (Pop Supérette) »

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Arab Strap, The Week Never Starts Round Here / Philophobia (Chemikal Underground)

Deux ploucs. Deux sales ploucs indignes et cradingues, à première vue un groupe de nazes, de pouilleux complets, d’alcoolos malpropres insortables, de pue-la-bite en maraude. Telle est notre première réaction amusée devant l’arrivée de The Week Never Starts Round Here, premier album d’Arab Strap, un sombre jour de novembre 1996. Car ils n’ont pas fière allure, les deux zouaves de Falkirk, petite ville écossaise paumée au Nord de Glasgow, plus connue pour son passé industriel et sa célèbre bataille qui, en 1298 mit fin aux velléités indépendantistes de William Wallace, que pour son présent morose et dont la seule contribution à l’histoire du rock tient, à l’époque, dans le fait qu’elle soit la ville natale d’Elisabeth Frazer des Cocteau Twins.

Le groupe jouera Philophobia  en intégralité pour le BBmix 2023.

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Ariel Pink’s Haunted Graffiti : Le pot aux roses

Ariel Marcus Rosenberg Pink
Ariel Marcus Rosenberg

« L’avenir de la musique !? Le passé est tout ce que nous avons. Le futur est tellement ennuyeux… » Je me souviens que cette réponse du génial Ariel Rosenberg m’avait soufflé, alors que je réalisais ma première véritable interview — qui plus est avec l’idole qui m’avait donné envie d’écrire sur la pop moderne. Cette assertion inattendue, évidemment provocatrice, était bien aux antipodes du cool tel qu’il était défini en cette année 2010 alors que le monde connecté faisait encore mine de croire, chaque mois, à l’embryon d’une nouvelle révolution musicale. Continuer la lecture de « Ariel Pink’s Haunted Graffiti : Le pot aux roses »

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Grouper, A I A : Dream Loss / Alien Observer (Kranky)

 

La fin de la décennie annonce le temps de la rétrospection et des bilans. La réédition d’A I A, composé d’Alien Observer et de Dream Loss tombe donc à point… Depuis dix ans (probablement quinze), à l’exception de Mount Eerie et Sore Eros, les seuls artistes folk dont j’ai aimé les disques de façon durable ont été composés par des femmes œuvrant en solo. Il est même curieux de parler de folk pour qualifier la musique créée par ces musiciennes tant celle-ci est mutante, faite de drone, d’ambient, de couches de réverbérations et de vapeurs tout en demeurant si évidente et limpide. Liz Harris, comme sa compatriote Tara Burke (Fursaxa) et la Finlandaise Lau Nau, appartient à ce petit groupe de musiciennes dont l’esthétique musicale est marquée par une forme de panthéisme et une approche très expérimentale du plus intime et dépouillé des genres musicaux.

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Gene Clark, No Other (4AD)

Gene ClarkAu milieu des années 1990, alors que la liste des deux cents plus beaux trésors cachés n’était pas encore devenue le prévisible marronnier de la presse musicale, le NME (RIP) fit paraître un assez fascinant supplément où les journalistes évoquaient des albums qu’ils avaient découverts par le plus grand des hasards, sur des faces B de cassettes, sur un vieux vinyle au fond du grenier, souvent indisponibles au format CD à l’époque. C’est là que je trouvais la trace perdue de No Other et le paragraphe semblait tellement élogieux que je me mis en piste. Continuer la lecture de « Gene Clark, No Other (4AD) »

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Section 25, Always Now (Factory Benelux)

Des pylônes électriques en rase campagne, le reflet d’un visage atterré, une rythmique butée mais libre, une basse obsédante, lourde comme un nuage déversant ses miasmes sur un chenal de tungstène, une guitare fractionnée et des êtres humains presque normaux, extrêmement concentrés, qui n’ont déjà cure (sic) de l’uniforme cold-wave. Visible en ouverture de la VHS A Factory Video, parue en 1982 sous la référence FACT 56 avant qu’on ne la découvre religieusement quelques années plus tard, le clip de New Horizon de Section 25 nous aura presque autant marqué que sa ligne de basse pétrifiante, aussi énigmatique qu’emblématique. Des moutons, de la roche noire, trois types moins sinistres que prévu donc, et déjà des collines à perte de vue. Les mêmes collines que l’on retrouvera trois ans plus tard sur la pochette de From The Hip (1984), un album qui bénéficie de la production de Bernard Sumner, faisant entrer sur le tard Section 25 au panthéon des pionniers de la dance moderne. Continuer la lecture de « Section 25, Always Now (Factory Benelux) »