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Vaillant, Excalibur (Herzfeld)

« Nouveau Salem, nouveau Salò »

Je vous avais récemment relaté un concert de Vaillant dans l’arrière-magasin. Dans une approche simple, de l’électronique et un micro, il avait concassé une sorte de new-wave passée à la moulinette dans un parlé-chanté sur la corde raide, entre hip hop décharné et poésie du cloud dont les jeunes sont friands de nos jours. On n’oublie pas une longue plage en introduction, moitié indus, moitié IDM, rappelant les nombreux efforts instrumentaux (Magie Noire, Mirage Orange…) que Vaillant a produit via Herzfeld depuis quelques années maintenant. On se souvient aussi de Prince de Perse, tube perdu de l’été 2021 où le musicien avait trouvé sa voix. Continuer la lecture de « Vaillant, Excalibur (Herzfeld) »

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Stereolab en français dans le texte

Prévu le 23 mai, le retour du groupe bicéphale franco-britannique a quelque chose de rassurant pour les gens de ma génération, un groupe revenu de beaucoup de choses, l’underground des débuts, la mise en place de son propre vecteur de diffusion, la signature sur Elektra, les vents, les tournées interminables, les marées, les changements de personnel… Et puis Stereolab est devenu un pilier, écouté bien au-delà de ses cercles de départ, une référence signée 4AD, sur Warp (les pionniers des années 90 ont le choix, c’est ça ou Domino), une prestance et une constance dans des musiques à la fois pop et irriguées par toutes sortes de choses (musiques brésiliennes, allemandes, britanniques, avant-garde, library, easy, uneasy listening, passé, présent…). Continuer la lecture de « Stereolab en français dans le texte »

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Alek et Les Japonaises, Tranquille (Gnignignignigni)

Perdu comme un kiwi /
sans étiquette à lui /
le mystère restera entier

On s’amuse bien à Bruxelles, tandis que la métropole sombre parfois dans une tristesse profonde, un sérieux de bon aloi, ou une retenue timide, Alek et Maï (elles sont sans doute plusieurs dans sa tête) mettent le feu dans leur cave transformée pour l’occasion en cabaret de tous les essais : le duo s’amuse bien avec la matière musicale, posant de petits moyens (les synthés sont réglés sur les presets) pour les transcender allègrement dans un mélange un peu camp, un peu kitsch de variété décomplexée. Si ça sonne 80, c’est plus justement dans l’économie des arrangements faussement idiots que dans la volonté de se réincarner dans un passéisme rigolo et disco. Continuer la lecture de « Alek et Les Japonaises, Tranquille (Gnignignignigni) »

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Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio)

Quand on essayait de rattraper le temps perdu, un ami bien informé nous mit sur la piste d’un groupe peu cité, auteur de plusieurs essais dont un album dans les années 2010, perdus depuis dans le limbes des musiques d’ici. Il s’agissait d’une œuvre sombre, mêlant musique électronique très maîtrisée et chant en français, sans qu’on puisse parler de synthpop, d’electroclash, ces choses qui souvent fâchent. Plutôt une musique d’espace technophile – sans qu’on sache si c’était rétromaniaque ou futuriste, pile entre les deux peut-être, le présent – avec des surgissements mélodiques et poétiques noires et déterminées comme l’âme sans doute de leurs auteurs. C’était ça, Night Riders (et son super album Future Noir), un disque qu’on ne pose pas sur la platine pour s’amuser mais plutôt pour un voyage intérieur, pour une transe intime, dans un mode recueillement plutôt intense. On ne sait pas trop si ça avait marqué les gens à l’époque, comme dit, on n’était pas vraiment là – et on le regrette – à part cet ami précieux qui savait, mais les disques du trio acquis depuis ne nous quittent plus. Continuer la lecture de « Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio) »

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Marius Atherton, Music For A While (Noway, Prix Libre, Cheap Satanism, Les Potagers Nature & Twintoe)

« Je ne sais pas quelle est ma place »

Pas facile d’aborder le disque de Marius Atherton tant l’homme sait poser des chausses-trappes dans sa tracklist. Proposer un album a priori de pop moderne, chansons et affiliées avec du Purcell, des blip blips électroniques et une reprise de Thee O’Sees met forcément votre rock critic moyen (bibi) dans des dispositions tenant de l’interrogation voire du malaise. Heureusement, quand la voix du garçon apparaît, on se rassure un peu : on va le rattacher vite fait à certains disques récents qui constituent un ensemble plutôt homogène (et un petit panthéon) d’hommes solitaires (au moins dans le métier, on ne sait rien de leur vie privée, Dieu merci) au profil non conventionnel. Continuer la lecture de « Marius Atherton, Music For A While (Noway, Prix Libre, Cheap Satanism, Les Potagers Nature & Twintoe) »

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Jonathan Personne, Nouveau Monde (Bonsound)

Jonathan Personne Nouveau monde BONSOUNDConçu comme la cour de récréation de son bâtiment principal Corridor, ce nouvel album du montréalais Jonathan Personne dégage en effet cette impression de relaxation, les morceaux s’enchaînant bon esprit comme aurait dit Maneval. Ce son super posé, doux (ces batteries au touché si particulier) sonnent comme un Weezer apaisé, un Pavement acoustique et rectiligne, un Grandaddy moins technologique, bref un petit précis de college rock états-uniens 90-00 tout bien digéré. Continuer la lecture de « Jonathan Personne, Nouveau Monde (Bonsound) »

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Thomas E. Florin, Autodafé, comment les livres ont gâché ma vie (Le Gospel)

Thomas E. Florin, Autodafé« Je me suis rendu compte que j’en avais trop » était une phrase de prophète.

Même s’il y avait certainement un contresens caché, ou une dérive intime, dans mon attachement immédiat au livre de Thomas E. Florin, il n’en est pas moins que je l’ai lu jusqu’au bout, espérant dénouer ce nœud qui me serre le ventre depuis quelques années, et cet héritage empoisonné de la bibliothèque paternelle. Nager dans les livres est une expérience que je connais, des livres accumulés depuis les années 1950, pas des livres exceptionnels, mais les livres d’une vie, et pas la mienne. Je crois qu’une des seules questions intéressantes que j’ai posée à mon père pendant mon adolescence concernait aussi le sujet d’Autodafé : « Tu n’as jamais eu envie d’écrire un roman ? ». On sentait poindre cette confusion entre la passion des autres et la culture de soi-même, qui me poussa à enregistrer des disques sans intérêt – sinon de documenter des instants précieux de vie – parce que j’aimais écouter de la musique. Mais bref. Je ne me rappelle plus de la réponse de mon père, sans doute avait-il compris qu’il n’y avait pas trop de liens, ou trop de liens justement. Continuer la lecture de « Thomas E. Florin, Autodafé, comment les livres ont gâché ma vie (Le Gospel) »

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Selectorama : Dodi El Sherbini

Dodi El Sherbini / Photo : Ph. Lebruman
Dodi El Sherbini / Photo : Ph. Lebruman


« J’ai niqué le feu arrière »

On est bien avancé quand on dit que Dodi El Sherbini a sorti il y a quelques mois l’un des disques les plus beaux de 2024. La preuve Ave César nous accompagne un peu plus chaque jour, faisant son trou en même temps que le mystère s’épaissit un peu plus autour de sa nature. On tenterait bien de définir cet objet insensé, mais il est bien difficile de le décrypter, notamment à travers des paroles à la poésie folle, mélange de tournures raffinées truffées de mots, comme des résidus de langage urbain publicitaire ultra contemporain, d’argots de réseaux qui citeraient des classiques de la littérature. Une vraie langue pendue personnelle magnifique portée par une sorte de chanson soul qui groove, avec la voix abîmée de gentleman cramé qu’il faut. Continuer la lecture de « Selectorama : Dodi El Sherbini »